La Diada du 11 septembre 2019 a vu la mobilisation massive de 600.000 Catalans pour réaffirmer « l’objectif d’Indépendance » qui est le leur depuis le référendum du 1er octobre 2017. Une nouvelle fois, la Diada 2019 a été une démonstration de force. Depuis 2011, ce chiffre de plus de 500.000 manifestants, jusqu’à un million l’an dernier, est établi par les observateurs indépendants, année après année. Mais la démonstration démocratique du peuple catalan se heurte au mur que l’État espagnol continue de dresser et qui empêche tout dialogue.
C’est dans une Europe largement consentante que l’État espagnol continue d’opposer l’inertie d’un appareil d’État totalement sclérosé aux demandes de dialogue et de démocratie venues de Catalogne.
Mariano Rajoy, qui présidait aux destinées de l’Espagne et qui a fait le choix de la voie répressive au moment du referendum du 1er octobre 2019, a été emporté par le scandale du colossal détournement de fonds publics réalisé par sa formation politique, le Partido Popular, des années durant. Mais le socialiste Pedro Sanchez qui lui a succédé en juin 2018 n’avait qu’une majorité relative très étroite. Elle n’a pas tenu plus de quelques mois avec le soutien indirect des députés nationalistes catalans dont la priorité, toutes tendances confondues, avait été de tourner la page de Mariano Rajoy.
Les élections du 28 avril dernier ont donné une majorité relative consolidée à Pedro Sanchez, mais il avait besoin d’un accord politique avec Podemos pour constituer un gouvernement.
L’échec des négociations va conduire à de nouvelles élections qui auront lieu le 10 novembre prochain.
Cette instabilité au sommet de l’État n’a pas empêché le procès des dirigeants catalans de se poursuivre au rythme des réquisitions d’un Parquet espagnol animé d’une volonté répressive sans partage. Le verdict interviendra d’ici trois semaines, et il promet d’être lourd de nombreuses années de prison.
La réaction à ce verdict sera l’occasion de redéfinir une nouvelle stratégie catalane qui peine à se dégager des enjeux partisans.
Après l’élection gagnée par la coalition entre ERC, le parti d’Oriol Junqueras, et Junts, la coalition emmenée par Karles Puigdemont, aux élections de la Generalitat de décembre 2017, le calendrier institutionnel espagnol a fait se multiplier les élections en 2019 : législatives (avril), municipales et européennes (mai). L’Union réalisée à la tête de la Generalitat a fait place à des rivalités de plus en plus marquées entre les deux composantes, notamment lors des municipales à travers le jeu des alliances pour contrôler les Exécutifs des communes et des agglomérations.
L’un et l’autre des partis indépendantistes ont rivalisé et réalisé des alliances à la carte, notamment avec le Parti Socialiste Catalan, de façon à tirer des avantages ponctuels, collectivité par collectivité.
Ces jeux politiciens ont été sévèrement jugés par de nombreux militants, à commencer par l’Assemblea Nacional Catalana qui les ont vertement critiqués, notamment lors de la Diada.
Au Parlement de Madrid, les quinze députés d’ERC ont choisi de favoriser la réélection de Pedro Sanchez de façon à préserver une chance au dialogue, quand les 7 députés de Junts ont refusé cette stratégie. Au Parlement Européen, trois députés indépendantistes sur les quatre élus sont empêchés de siéger, Karles Puigdemont, Toni Comìn (Junts) et Oriol Junqueras (ERC).
La perspective de nouvelles élections aux Cortes en novembre va sans doute encore activer la concurrence entre les deux mouvements. Mais entretemps sera intervenu le verdict et la nécessité de relancer une mobilisation générale. Face au mur dressé par l’État espagnol, les Catalans n’ont d’autre choix que celui de l’unité stratégique, au delà des concurrences inévitables au moment d’en définir le contenu politique. Il est sans doute urgent de remettre le «procès » politique sur de nouveaux rails.
Mais il faudra auparavant prendre acte du verdict, ainsi que de la nouvelle donne politique en Espagne, selon la majorité qui prendra le pouvoir à Madrid. Ce n’est qu’un début…
François Alfonsi.