Pas moins de 4 matchs à enjeu dans le championnat de France de Ligue 1 ce 5 mai 2019. C’est-à-dire 4 stades d’où s’élèveront des chants, des clameurs, de la liesse, pendant qu’autour de la stèle du souvenir du stade Armand Cesari, des centaines de personnes (voire des milliers en pensées) se recueilleront avec les familles des victimes de la catastrophe du 5 mai 1992.
Huit villes où les supporters vibreront aux commentaires des journalistes, autant de plateaux TV et de rendus médiatiques qui se tiendront à mille lieues des poitrines serrées, des larmes dans les yeux, du terrible manque dans les coeurs, de la douleur encore dans les chairs, de celles et ceux qui auront leurs souvenirs tournés sur le tragique événement de Furiani, 27 ans auparavant.
Et, comble du comble, le prochain match du Sporting Club de Bastia dont la victoire pourrait assurer définitivement la montée en Nationale 2, était également annoncé pour le dimanche 5 mai 2019, avant d’être avancé au 28 avril !
Il y a comme un immense fossé d’incompréhension et de dédain dans l’attitude des instances du football français. Et comment s’en étonner ? Dès les premiers instants de la catastrophe, l’attitude de la LFP a été outrageante. Elle n’a jamais cessé véritablement de l’être. Au-delà de la bêtise humaine qui a conduit à la catastrophe, n’est-elle pas en grande partie responsable de cette effroyable descente aux enfers du foot business ? Elle le sait. La réaction est alors le déni et une étrange attitude variant entre agacement et mépris. Mais quels casse-pieds ces Corses à vouloir commémorer la défaite de ce football – leur cher football, celui de l’opulence et du mépris ! Et que dire de Madame Maracineanu, Ministre des Sports, et de son pitoyable « je n’ai pas d’avis sur la question » ! Mais quel genre de gouvernement est-ce, pour se payer de tels représentants ? Pòvera Francia ! La recette pour en sortir est pourtant simple, elle relève de la plus banale humanité : le respect de l’autre, de sa souffrance, d’une part. L’aspiration à sortir de nos erreurs, d’autre part. Et là, quel autre moyen, quel plus beau message diffuser, que celui du recueillement et du souvenir ? Cette journée du 5 mai ne peut pas s’éteindre car elle est la plaie de nos erreurs collectives. Elle commande à revenir chaque année, sur ce qui a conduit à ce gâchis, à en respecter la mémoire, à en instruire les jeunes générations, pour que les comportements qui y ont conduit soient identifiés, traités et plus jamais reproduits. Il n’y aura jamais de levée du deuil si l’on s’oblige à rester la tête dans le trou comme l’autruche. La FFF est toujours dans le déni. Et c’est ce qui explique ce fossé béant, cette incapacité affligeante à nous entendre depuis Paris.
Fabiana Giovannini.