Intravista di Ghjuvan’Guidu Talamoni

Un annu dopu

Un an est passé depuis l’accession des nationalistes aux responsabilités. L’occasion de faire un premier bilan à mi parcours d’une mandature très courte. Arritti entame ici une série d’interviewes, en commençant avec le président de l’Assemblée de Corse Jean-Guy Talamoni. Un président qui a épousé la fonction comme jamais elle l’avait été jusqu’ici.
Outre son soutien à toutes les initiatives du président du Conseil Exécutif, il a pris le parti d’une mandature offensive, du suivi assidu des négociations avec le gouvernement pour la Collectivité Unique à la question de l’arrêté Miot et du statut fiscal, en passant par l’Assemblée des jeunes, ou le soutien aux retraités, Jean Guy Talamoni s’active et entreprend, trouvant même le temps, passionné qu’il est de littérature et de poésie, d’écrire et d’être récompensé au concours corso-gallurese pour son adaptation du célèbre poème d’Henley, « Invictus » ! Sans parler de son nouveau livre « Avanzà, la Corse que nous voulons », des conférences débats qu’il anime un peu partout en Europe et de la gestion d’une actualité qui n’a pas épargné la nouvelle majorité, Jardins de l’Empereur, rixe de Siscu, affaire
de Reims… le président a du s’improviser ambassadeur de notre île sur tous les médias ! Interview.

Après un an de mandature, un premier bilan de la majorité nationaliste peut être tiré. Il est plutôt positif ou l’on peut mieux faire ?

Jean Guy Talamoni : Cette première année a permis d’une part d’impulser une nouvelle manière de faire de la politique en Corse et, d’autre part, de commencer à traiter les principales questions. Bien entendu, tout ne peut être résolu en un an et même en une mandature de deux ans. En ce qui me concerne, dans mon discours de clôture des Ghjurnate, j’ai évalué à cinq années le temps nécessaire pour changer radicalement les choses dans notre pays.

S’agissant des revendications politiques les plus ambitieuses (officialité de la langue, statut de résident et amnistie) la situation à Paris se prêtait difficilement, et nous le savions, à des évolutions notables. Ces revendications seront à nouveau formulées avec force dans les mois à venir auprès des nouveaux responsables français.

En revanche, nous avons pu avancer quelque peu avec Paris s’agissant de certaines questions : collectivité unie, fiscalité du patrimoine (ex arrêté Miot), développement du rural, déspécialisation de l’enveloppe de continuité territoriale, baisse de la contribution de la Corse au redressement des finances publiques… En ce qui concerne les prisonniers, nous avons bien enregistré quelques avancées individuelles mais la question de l’amnistie demeure incontournable.

 

La « présidence Talamoni » a innové à la tête de l’Assemblée de Corse et même surprend les observateurs. Prises d’initiatives, actions, participation aux démarches du Conseil Exécutif… on n’a jamais vu une mandature aussi dynamique. Du coup, comment s’organise le travail avec le Conseil Exécutif et son président ?

En fait, je ne fais qu’exercer pleinement les prérogatives qui me sont données par le Statut de la Corse et notamment celles qui concernent les orientations stratégiques. Dès le début de la mandature nous en avons discuté avec le Président du Conseil exécutif, auquel j’ai annoncé l’organisation de trois conférences permanentes : « Education, formation, innovation », «Développement économique et justice sociale » et «Gestion de la diversité ».

Dans le cadre de ces conférences, j’ai été conduit à prendre des initiatives : mission d’expertise confiée au Bâtonnier de Casalta s’agissant de la fiscalité du patrimoine, élaboration d’une charte en faveur de l’emploi local avec l’ensemble des partenaires sociaux, projet de statut fiscal et social…

Bien entendu, toutes ces initiatives correspondent parfaitement aux orientations de notre majorité et rejoignent les préoccupations et les travaux de l’Exécutif.

 

In fine, les nationalistes (que l’on pronostiquait en échec) sont plutôt à l’aise aux responsabilités, pourtant les crises et difficultés n’ont pas manqué. Au point que dans notre propre famille politique, on nous accuse de nous « institutionnaliser » et d’en oublier parfois les fondamentaux… que répondez-vous ?

Je ne crois pas que ce reproche soit très répandu au sein des sympathisants nationalistes. En effet, ces derniers ont bien compris que nous n’étions plus seulement des responsables de formations mais des dirigeants devant parler à l’ensemble des Corses. Pour autant, nous n’avons pas oublié nos fondamentaux que nous cherchons à mettre en œuvre dans toute la mesure du possible. Par ailleurs, les formations politiques comme Corsica Libera ou Femu a Corsica continuent leur travail de leur côté et ont un rôle éminent à jouer.

 

Il y a des avancées, mais l’on continue de se heurter au mur de l’Etat pour les revendications les plus essentielles : terre, langue, peuple, prisonniers… Que faire ?

Ne jamais renoncer. Revenir à la charge inlassablement. En ce qui me concerne j’ai la conviction que nous obtiendrons satisfaction sur ces questions essentielles. En effet, ces revendications ne sont plus portées par les seuls nationalistes mais nous avons réussi à les faire partager par une majorité de Corses, d’où notre accession aux responsabilités. Cela nous donne une force considérable devant laquelle tôt ou tard Paris devra s’incliner. Je n’ai aucun doute à cet égard.

 

Quelles seront les priorités de l’année à venir ?

Conclure certaines démarches en cours, comme la charte en faveur de l’emploi local, les mesures en faveur des retraités ou le statut fiscal et social ; engager des discussions avec les nouveaux responsables élus de la France sur l’avenir de notre pays. Et en ce qui nous concerne, en tant que dirigeants, consacrer, comme l’an dernier, chaque minute de notre temps à la défense des intérêts corses.

 

Lors de vos voeux au peuple corse, vous avez dit « La paix n’est pas l’absence de guerre, c’est une vertu, un esprit, une volonté de bienveillance, de confiance, de justice »… tout ceci reste à construire ?

Nous avons déjà commencé à le construire. Nous ne nous contentons pas de traiter des dossiers, nous inscrivons notre action dans une vision de l’avenir de notre pays et de la mission du politique : responsabilité, anticipation, transparence, justice sociale. Notre projet présente une grande cohérence et répond à la vocation historique de la Corse qui n’est pas une simple entité administrative mais une nation. Il nous faut non seulement traiter les questions concrètes mais également les replacer dans le cadre de cette vision globale. Je crois que si les Corses continuent à nous faire confiance, un an après notre élection, c’est parce que nous nous efforçons à la fois de répondre à leurs besoins matériels et de parler à leur âme collective. Les précédents responsables élus ne le faisaient pas car ils avaient de la Corse une conception différente, ne la considérant pas comme un pays mais simplement comme deux départements. Manifestement la société corse aspire aujourd’hui à autre chose.

 

Deux mots sur la très belle initiative de l’Assemblée des jeunes…

En fait il ne s’agit pas ici uniquement de pédagogie à la citoyenneté mais de considérer la jeunesse comme une ressource pour l’action publique.

Aujourd’hui, à l’échelle planétaire, la démocratie est en crise, les fossés se creusant entre ce que l’on appelle les élites et une grande partie du peuple, singulièrement de la jeunesse. Le monde politique s’en trouve discrédité alors que la politique est une activité noble qu’il convient de réhabiliter. Donner aux jeunes la possibilité d’y participer de façon concrète est aussi un moyen de rétablir la confiance et de défendre l’idée même de démocratie. C’est la raison pour laquelle j’ai voulu cette Assemblée des jeunes. Certains groupes politiques avaient commencé par critiquer l’initiative mais finalement la raison a prévalu et le projet a été adopté à l’unanimité. Il s’agira pleinement d’un nouvel organe de l’Assemblée de Corse, d’une nouvelle institution, et nous en attendons beaucoup.

 

Corsica Lìbera sera-t-elle présente à l’élection législative ? Comment appréhendez-vous ce scrutin pour la nouvelle majorité ? Et comment organiser la lutte de terrain désormais ?

Bien sûr Corsica Libera y participera. Sur les modalités de cette participation les débats n’ont pas encore commencé et j’avoue que, pour ma part, je suis actuellement mobilisé à cent pour cent par ma fonction de Président de l’Assemblée de Corse et que je n’ai pas eu trop le temps de réfléchir aux diverses échéances électorales. Mais, ce qui me paraît une évidence, c’est que notre majorité devra se présenter unie à ces élections législatives. S’agissant de la lutte de terrain, c’est le domaine privilégié des formations politiques associatives et syndicales. Toutefois, les institutions de la Corse doivent également y tenir toute leur place dans un esprit de complémentarité que nous avons cherché à mettre en œuvre depuis un an.

 

Un message pour les Corses ?

Ce message ne peut être qu’un message d’optimisme. « L’optimisme de la volonté » pour reprendre une formule célèbre. Qu’ils soient assurés que cette volonté anime leurs responsables élus mais que ces derniers ne sauraient se passer de la mobilisation de l’ensemble du peuple corse. Abordons tous ensemble l’avenir avec détermination et confiance. È campate felici !

 

Umagiu à Ghjuvan’Maria Poli

“Jean-Marie Poli représentait la générosité et la sincérité à l’état pur, c’était un homme pétri d’abnégation dont l’engagement n’a jamais été troublé par aucun calcul personnel.
D’une densité humaine incroyable, Jean-Marie était un militant exemplaire, un patriote qui a donné sa vie entière pour son pays. Aujourd’hui il n’est pas pleuré par les seuls nationalistes mais par tous ceux qui l’ont connu. “