Edmond Simeoni nous a quitté le 14 décembre 2018. Mais il continue de nous guider. Ces paroles résonnent de manière différente aujourd’hui que nous ressentons le vide de son absence. Pour ceux qui ont cru en lui, pour ceux surtout qui n’ont pas eu la chance de le côtoyer plus intimement, particulièrement les plus jeunes générations, ARRITTI ouvre une rubrique nouvelle en cette rentrée 2019, « Les messages d’Edmond Simeoni ». • Cette rubrique invite à la réflexion. Défendre avec la même obstination ce chemin qu’il a tracé, c’est le meilleur des hommages que l’on pourrait lui rendre dans une Corse qui peine encore à tirer toutes les leçons de son histoire. • Aujourd’hui, quelques mots tirés de ses Mémoires (recueillies par Anne Chabanon, aux Editions Flammarion), sur un thème qu’il n’a cessé de marteler tout au long de sa vie : la démocratie.
«Ce qu’il faut qu’on comprenne bien à travers mes propos, c’est qu’à l’épicentre du problème corse, il n’y a ni l’autonomie, ni le peuple corse. Ce n’est pas cela l’essentiel. À l’épicentre, il y a le choix que l’on fait, et ce choix est simple : démocratie ou non-démocratie ».
«Mitterrand, je lui ai démontré en cinq minutes qu’en Corse, il y avait une démocratie de surface mais que ce n’était pas réellement un pays démocratique. Il n’y a jamais eu de démocratie en Corse. Ceux qui disent le contraire sont des tricheurs, des menteurs. Mais ceux qui disent que les hommes en place en Corse n’ont jamais rien fait pour changer les choses le sont tout autant. Tous ont tenté d’apporter leur pierre à l’édifice. C’est le système qui est mauvais et nous a conduits à une faillite intégrale. La démocratie, cela ne se décrète pas, cela se construit. Et pour cela, il y a deux moyens essentiels : l’éducation et la formation. Je pense qu’avec l’éducation et la formation, la Corse sera, un jour, inévitablement autonome. Il y a 80 statuts d’autonomie en Europe et dans le monde, qui fonctionnent déjà très bien et sans la moindre violence, pourquoi pas la Corse ? Sans démocratie, sans éducation et sans formation, on sera peut-être indépendants, mais le processus échouera sûrement. Et je crois fermement que la démocratie doit être nourrie des principes de l’humanisme, de la solidarité et de la fraternité, parce que nous sommes dans des sociétés terriblement complexes où il y a énormément de précarité, où les besoins ont évolué, où il faudrait que les riches acceptent de partager avec les plus pauvres. Mon raisonnement est purement progressiste. La Corse, au-delà des échéances électorales, passagères, volatiles et qui ne servent la plupart du temps que la carrière de quelques individus, doit s’acheminer vers un système absolument démocratique ».
« La Corse doit construire ce système à l’épicentre duquel doit se trouver la démocratie, grâce aussi à la jeune génération et à des hommes mieux formés. Et elle doit le faire sans plus attendre, bien plus qu’elle ne le fait actuellement. Aujourd’hui, vous avez encore trop de séquelles du système ancien, trop de gens qui sont en poste et qui n’avaient aucune qualification pour cela. Ceux qui sont embauchés ou à qui l’on confie des responsabilités doivent répondre à des critères de nécessité et de compétences, et cela dans tous les domaines : administration, travaux publics, vie sociale et économique. Il faut surtout qu’ils acceptent de se plier aux règles du jeu démocratique ».
« C’est très difficile parce que vous avez aujourd’hui avec la création d’une Collectivité unique constituée de près de 5000 personnes, une sorte d’usine à gaz ingérable et qui, à mon avis, le restera. La Collectivité unique a été, une fois encore, une manière pour l’État de nous mener en bateau et nous faire avaler la pilule – certes très douce, puisque nous demandions depuis longtemps la disparition des conseils généraux et départementaux – de la cohabitation entre trois collectivités dont deux ont pratiqué le clientélisme bien avant la troisième. Actuellement, il faudrait séparer le bon grain de l’ivraie, former ceux qui ont envie de s’intégrer dans le jeu démocratique, de pratiquer le droit et rien que le droit, d’obéir à la loi. Cela s’appelle la gouvernance. »