Le 28 octobre dernier, à l’initiative de Patrick Fiori, Corsu Mezu Mezu réunissait plus de 20 000 spectateurs dans la plus grande salle d’Europe, la Défense Arena à Paris. De nombreux artistes et groupes insulaires comme Jean-Charles Papi, Petru Santu Guelfucci, Antoine Ciosi, Voce Ventu ou encore Francine Massiani se sont produits en duo avec des artistes de la chanson française. Ce concert a été l’occasion pour le groupe L’Avvinta, dont l’EP sort le 8 décembre prochain, d’interpréter leur reprise de Catena avec Kendji Girac. Antoine Parodin nous parle du concert Corsu Mezu Mezu et des projets du groupe L’Avvinta.
Est-ce que tu peux présenter L’Avvinta et les membres du groupe ?
L’Avvinta est un groupe créé en 2019 par cinq jeunes d’une vingtaine d’années. Il y a Don Louis Castola Luccioni, Laurent Matteaccioli, Francois Muraccioli et Lisandru Bonini. Nous ne sommes pas des professionnels de la musique mais c’est notre passion. Chacun apporte ses talents que ce soit au niveau des paroles, des idées, au niveau vocal aussi, parce que certains ont une tradition vocale un peu plus « traditionnelle », tout ce qui est polyphonique, et d’autres apportent des influences plus classiques. On est tous chanteurs et pour la plupart guitaristes. Ensuite, on a nos amis Nico Giovanetti et Petru Francescu Ucciani qui nous aident au niveau musical, à la basse et au violon, et qui viennent s’ajouter à la formation sur l’EP. Moi j’écris pas mal de textes et aussi quelques musiques, les autres sont concentrés sur la musique. Quelques textes sont empruntés, par exemple à Alain Di Meglio, Jacques Fusina, Petru Squarcini aussi.
Comment L’Avvinta s’est impliqué dans le projet Corsu Mezu Mezu ?
C’est une demande qui nous a été faite sur nos réseaux sociaux par Patrick Fiori. Ça s’est fait assez rapidement. Ils nous ont invité au studio d’enregistrement. Kendji Girac avait déjà tout enregistré et on a eu qu’à enregistrer nos voix. Ça s’est enchainé. Ils ont choisi le titre pour présenter le projet du deuxième album et, pour la promotion, on a tourné un clip dans la foulée le mois d’après. On a rencontré Kendji et ça a été un moment fructueux au niveau musical parce qu’on adore aussi la musique gitane. On a joué avec lui, on a échangé, c’était vraiment sympa. C’est un grand chanteur. Après, ils nous ont invité à plusieurs émissions pour présenter Mezu Mezu, à la Star Academy, The Voice, le Téléthon, la fête de la musique à Reims par exemple. On ne s’attendait pas à ce que ce soit aussi intense, c’est un monde qu’on découvre. C’est très enrichissant.
Le concept de Corsu Mezu Mezu c’est d’établir un duo entre des artistes corses et des artistes du Continent. Vous chantez Catena avec Kendji Girac, comment on se prépare à chanter en corse avec un artiste non-corsophone ? Est-ce un exercice compliqué ?
Ce n’était pas compliqué pour nous, mais Jean-Charles Papi a été déterminant parce-que c’est lui qui « formait » les chanteurs continentaux. Pour Kendji, il n’y a pas eu spécialement de problème parce qu’il a des facilités avec les langues latines. Kendji n’a pas voulu utiliser des paroles en phonétique parce qu’il se retrouvait mieux avec des paroles en corse. Parfois pour certaines prononciations ce n’est pas facile, c’est une aide qui est quasiment indispensable, ça nécessite un gros travail. Il ne faut pas trahir la prononciation, expliquer le sens et la prononciation. Pour Kendji, le résultat était très satisfaisant.
Le 28 octobre y a eu plus de 20.000 spectateurs pour le concert Corsu Mezu Mezu à la Défense Arena, quelles sont tes impressions sur le déroulé du concert et l’accueil du public ?
Déjà il faut noter le caractère un peu insolite de l’évènement. Réunir autant de spectateurs, et pas que Corses, autour de la chanson corse, c’est assez rare, surtout dans la plus grande salle d’Europe. C’est symboliquement très fort de voir cette communion autour des chants corses. Ce qui est aussi intéressant, c’est que des gens au départ sont venus pour écouter des chanteurs continentaux, mais en repartant ils avaient une idée du chant corse qui n’était pas tout à fait celle qu’ils avaient avant d’arriver. Ils se sont familiarisés avec le chant corse. Pour les artistes corses, le point le plus marquant c’est celui de l’émotion, parce que lorsque l’on a devant nous 20.000 personnes et que l’on chante Corsica avec Petru-Santu Guelfucci et les chœurs ça représente quelque chose. Se retrouver avec tous les autres chanteurs corses, Voce Ventu, Diana di l’Alba, Canta u Populu Corsu et j’en passe c’est quand même très très fort parce qu’en Corse on n’arrive pas forcément à le faire. Ce sont des gens qui nous ont inspiré en tant que jeunes, on partage des moments privilégiés avec eux.
Les deux albums Corsu Mezu Mezu ont eu un grand succès, est-ce que tu penses que la musique corse prend de plus en plus d’importance dans le paysage musical sur le Continent ?
Il faut quand même reconnaitre que Patrick Fiori a mis sa notoriété au niveau national au service de la musique corse. Il a réussi à mettre en avant plein de jeunes chanteurs, surtout sur le deuxième album, comme Matteu Di Meglio, GianLuca Cucciari, Suarina. Toute cette nouvelle génération de chanteurs est propulsée sur le devant de la scène, et ils ont plein de demandes pour se produire sur le Continent. Ça montre qu’il y a un regain d’intérêt, surtout quand tu as des groupes qui proposent des créations originales. On essaie de vivifier la chanson et la culture corses, et cette occasion est un coup de projecteur sur nous. Ça nous a également permis de nous faire connaître en Corse. Les retombées sont très positives.
Il y a un projet de troisième concert à Marseille, est-ce que L’Avvinta sera de la partie ?
Dans les trois ans à venir il y aura un prochain album d’après ce que j’ai lu, et on devrait faire le Vélodrome avec Mezu Mezu. Ce sera un moment de communion encore plus important qu’à Paris parce qu’on est plus proche de chez nous, il y a un nombre de Corses significatif à Marseille. On n’a pas encore d’informations sur le troisième album. C’est une expérience inégalable pour nous, se retrouver avec des professionnels et des musiciens aussi carrés, avec un public aussi nombreux, c’est très émouvant. La plus grande salle que j’avais faite avant, c’était le Palatinu, il y a quand même un écart, surtout pour des gens dont ce n’est pas le métier.
Le 8 décembre, L’Avvinta sort un disque de cinq titres, quelles sont vos inspirations pour l’écriture et la composition ? Les thèmes abordés dans l’EP ?
Au niveau des textes, tous les auteurs de chansons corses comme Ghjuvan’Teramu Rocchi, Jacques Fusina et les compositeurs comme Felì ou les Chjami Aghjalesi sont des auteurs qui nous ont inspirés. Après, on a des inspirations qui vont un peu plus vers les musiques du monde, le sud-américain. Par exemple Laurent Matteaccioli qui est l’un des compositeurs du groupe est dans un groupe de rock Panzetta Paradise. Ça apporte un autre angle parce que dans sa composition on retrouve cette influence-là. Moi j’adore la musique gitane, donc je peux rajouter des inspirations espagnoles, méditerranéennes, c’est un gros mix avec des chansons populaires. Pour les textes, on a essayé d’être large et de s’ouvrir. Par exemple, le texte de Di Meglio dans la chanson Contrabanderi évoque le poète comme un contrebandier qui, par ses écrits réussit à faire passer ses idées en contrebande, des idées qui n’ont pas de passeport et qui franchissent les frontières. C’est un très beau texte. Après on a fait appel à une amie poétesse Ornella Nobili, on a écrit un texte qui parle de l’âge de la vingtaine et de la quête pour devenir soi-même. On a aussi des textes avec des thématiques historiques, un texte sur Danielle Casanova par exemple. On a aussi Noi qui est un peu notre hymne, que l’on ressort en version live, qui parle de la jeunesse corse et de ses aspirations, et I campu qui parle d’un olivier qui résiste aux aléas de la vie, symbole de résistance face à tout ce qui peut noircir nos existences. On a des inspirations variées.
Vous avez fait une série de concerts cet été, où est-ce que l’on pourra vous entendre prochainement ?
Cet été on a un peu tourné, surtout dans les églises, et on a participé aussi au tournage du film À son image de Thierry de Peretti. Dans l’immédiat, on a un concert prévu le 8 décembre sur le marché de Noël d’Aiacciu pour présenter les chansons de l’EP et en décembre à Sàrula Carcupinu sur le marché de Noël également. •