En 2011, répondant à une interview de notre confrère Corse-Matin, Edmond Simeoni martelait ses convictions : « Le problème corse touche à l’identité collective, à l’exigence démocratique, à la crainte d’une communauté humaine de disparaître et à son corollaire : l’aspiration à être rassurée sur sa pérennité. À ces données structurelles, s’ajoutent des facteurs aggravants : une situation économique et sociale dégradée, chômage, pouvoir d’achat et salaires faibles, crise du logement, vie chère, précarité en progression. Mais aussi des secteurs en crise profonde, des déséquilibres territoriaux et démographiques de plus en plus marqués, et un pessimisme qui tend à se généraliser : l’exil des jeunes qui reprend, leur mal-être multiforme en sont des expressions frappantes. C’est toute la Corse qui a besoin d’une perspective politique forte, qui mobilise et fédère les forces vives de l’île. L’État doit accompagner cette dynamique, plutôt que de s’en tenir à une politique faite d’une alternance entre calculs et répression. » Cette perspective a toujours été pour lui l’objectif, à travers des valeurs, la démocratie, et des moyens (l’autonomie fiscale, législative, politique). Pas suffisamment écouté hier, il est indispensable de l’entendre aujourd’hui.
En janvier 2016, devant les fermetures de Paris aux revendications de la Corse, il écrivait ce texte qui colle toujours à notre actualité.
«Les nationalistes corses ont été reçus avec civilité mais la cascade, rituelle, des refus aux légitimes revendications des élus nationalistes corses, porteurs en l’occurrence du message fort et démocratique du peuple corse, n’a pas varié d’un iota ; il faut reconnaître à la France une belle constance en la matière. « Il n’ y a pas de peuple corse » ; « il n’y a pas de nation corse » ; « Il n’y a pas de prisonniers politiques corses » ; « en France, il n’y a qu’une langue, le français » ; « on ne révise pas la Constitution française »…
Il est vrai que depuis l’affirmation historique et péremptoire qu’il n’y avait pas de guerre d’Algérie mais des opérations de police en Algérie – 500.000 algériens tués contre 50.000 militaires français pour une guerre de huit ans –, sous les yeux de la planète entière et se concluant par l’indépendance de l’Algérie, on savait que les Français ne craignaient pas d’être taxés d’imbéciles et qu’ils préféraient le dogme – l’Unité nationale – à la vérité et au Droit… à l’autodétermination. Donc la surprise en Corse n’est que mitigée devant la fermeture intransigeante de Paris.
Nous avions pensé que quarante ans de luttes dures, d’attentats des polices parallèles, de justices d’exception, de milliers d’années de prison distribuées, que trois statuts et bientôt quatre portaient une signature politique de la « question corse » et nous ne pensions pas être dans l’erreur. Il ne faut pas fermer la porte au dialogue, se radicaliser, mais il faut construire le chemin de l’émancipation nationale en interpellant l’opinion publique et la conscience internationales et conforter le socle économique, social et culturel du peuple corse ; la liberté, imprescriptible, nous attend. Je n’en ai jamais douté y compris aux heures les plus sombres de note histoire contemporaine. Forza è curagiu… » •