Ce lundi 7 septembre, Femu a Corsica donnait une conférence de presse à Bastia à propos de la possible venue du Président de la République en Corse, pour l’organisation d’un sommet du G7 à Aiacciu. Voici le texte.
« Le Président de la République a choisi la Corse pour la tenue d’un G7 MED à Aiacciu.
Il s’agit de la première visite officielle du Chef de l’État après l’avènement d’un nouveau Premier Ministre et d’un nouveau Gouvernement, ceci à six mois d’échéances territoriales majeures pour l’avenir de l’île.
Il s’agit aussi du Premier retour du Président de la République en Corse depuis sa venue à Cuzzà en 2019, faisant échos à sa visite des 6 et 7 février 2018, à l’occasion de laquelle il avait fermé la porte au dialogue et à la prise en compte du fait démocratique et de l’expression du suffrage universel.
À la veille de son arrivée en Corse, quels sont les messages qui ont été envoyés par Emmanuel Macron à l’opinion publique insulaire et à la Corse ?
I – Sur la forme, et ce n’est pas anodin, à aucun moment la Collectivité de Corse, les parlementaires et élus nationalistes n’ont été associés, ni même contactés pour l’élaboration et le déroulement de ce déplacement de deux jours.
Cette façon de procéder reproduit ce qui a caractérisé la politique de Paris depuis 2017 : mépris pour les institutions et les élus de la Corse en général, auquel s’ajoute l’hostilité envers les élus nationalistes en particulier.
Le déroulement à venir du voyage élyséen sera là aussi porteur d’enseignements : le Président de la République se rendra-t-il au siège de la Collectivité de Corse ? Ira-t-il à Bastia ? Ou enverra-t-il le message, à travers les lieux visités et le format de ses rencontres, de manifester son soutien aux opposants à la majorité territoriale ?
Nous ne tarderons pas à le savoir.
Comme nous ne tarderons pas à savoir non plus, les réponses que le Président de la République entend proposer sur les problèmes de fond.
II – Le projet méditerranéen et la place de la Corse dans ce projet.
Le fait de ne pas associer la Corse et sa représentation élue à un sommet relatif à la Méditerranée montre également à quel point les visions du projet méditerranéen entre l’Élysée et la Corse restent pour l’heure éloignées.
Femu a Corsica a déjà appelé plusieurs fois l’État à reconnaître la spécificité insulaire au plan européen, à prendre en compte le fait que toutes les îles de Méditerranée bénéficient d’un statut d’autonomie, à dépasser les logiques purement étatiques pour soutenir les partenariats entre les îles, les territoires et les peuples de la Méditerranée.
L’Élysée répond par une logique verticale et inter-étatique, où la Corse se trouve réduite au rôle de spectatrice passive d’une réunion à dominante sécuritaire et militaire, et se trouve cantonnée à l’unique rôle de porte-avions en Méditerranée.
Or, nous avons une toute autre conception du projet Méditerranéen et de ce que la Corse peut contribuer à lui apporter, avec humilité certes, mais aussi détermination.
Un apport qui s’inscrit dans une logique de coopération avec les autres îles et territoires méditerranéens, au premier rang desquelles la Sardaigne mais aussi les Baléares, la Sicile, la Catalogne, la Toscane, la Ligurie, ainsi que les régions de la Rive Sud de Méditerranée.
Un apport qui doit permettre de renforcer les complémentarités et les synergies dans tous les domaines : clause d’insularité, transports aériens et maritimes, déchets et économie circulaire, politique de pêche et de gestion maritime, tourisme durable, langues et cultures, échanges universitaires.
Dans cette perspective, nous restons néanmoins ouverts au dialogue.
III – Situation sanitaire
La Corse vient d’être classée en zone rouge concernant la vitesse de circulation du virus.
La situation sanitaire est inquiétante : il faut s’attendre à une hausse des hospitalisations, à un impact sur l’activité économique et touristique, et sur la rentrée scolaire et universitaire.
Cette situation aurait pu être anticipée et sans doute largement évitée.
En juin, le virus avait pratiquement disparu en Corse.
Nous l’avions souligné avec force, y compris grâce à l’analyse du Comité scientifique corse institué par le Président du Conseil Exécutif, pour aider à la décision publique dans la gestion de la crise du Covid-19 : l’augmentation du brassage de population et des interactions humaines liées au déconfinement et à la densification des flux de transports comportait le risque majeur de conduire, au terme de la saison estivale, à l’accroissement exponentiel du taux de circulation du virus.
Le caractère insulaire de la Corse justifiait la mise en œuvre concertée et expliquée d’un « Green Pass », d’une gestion décentralisée au niveau des territoires de l’île, ainsi qu’une politique de généralisation des tests.
La combinaison de ces éléments aurait contribué à mieux protéger l’île tout en sécurisant l’activité touristique et en renforçant l’attractivité de la Corse.
Ces propositions du Conseil Exécutif et de l’Assemblée de Corse, des parlementaires et de notre parti Femu a Corsica ont été dénigrées et refusées par l’État, mais aussi et par certains qui, en Corse, ont privilégié la « pulitichella » contre la majorité territoriale et le soutien à quelques marchands du Temple, plutôt que privilégier, en temps de crise majeure, un chemin et une méthode faisant primer l’intérêt général des Corses.
Même si la situation eût été difficile, une gestion réellement décentralisée de la crise et le « Green Pass » auraient permis de mieux armer l’île par une anticipation nécessaire, tout en sécurisant la saison touristique, y compris en septembre et octobre, et la rentrée scolaire et économique.
Aujourd’hui nous sommes en aval, et le virus circule vite. Soyons donc dans l’anticipation par la maîtrise des outils afin de protéger le mieux possible les personnes âgées et les plus vulnérables.
IV – Situation économique et sociale
À l’heure où le Premier Ministre a annoncé un plan de relance français de 100 milliards d’euro, la Corse et ses institutions n’ont été aucunement associées à la définition des orientations déclinées de ce plan pour l’île. Pire encore, au détriment du principe de subsidiarité et du respect des compétences actuelles de la Collectivité de Corse, une annonce révélatrice du comportement paternaliste et infantilisant de ce Gouvernement vis-à-vis des Collectivités a été faite visant à installer des sous-préfets pour la mise en oeuvre de la relance. Sous-préfets qui vont nous dire à nous tous, les acteurs politiques, économiques, sociaux et culturels de ce qu’il faut faire et comment il faut le faire !
Non seulement cela révèle la vision Jacobine, impériale et très 3e République de la relation à tous les territoires de ce gouvernement, mais cela n’augure rien de sérieux quant à la manière d’instaurer la confiance vis-à-vis des acteurs et populations autour de la véracité de ce Plan.
Outre cela, la « saison » ou plutôt le redémarrage de l’activité touristique depuis le déconfinement, même si le mois d’août est moins en chute que prévu, s’accompagnera d’une crise économique et sociale sans précédent pour le plus grand nombre dès l’hiver.
Nous avions déjà alerté sur cet état de fait incontestable et sur la nécessité d’avoir des mesures spécifiques d’amortissement du choc dans tous les secteurs impactés pour un territoire hyperspécialisé dans le Tourisme comme la Corse. Des engagements publics ont été pris dans ce sens par le Gouvernement, notamment par Edouard Philippe. Or, celui-ci s’est renié en loi des Finances en juillet sur nos amendements hormis ceux concernant la collectivité de Corse et le crédit d’impôt. Aucune mesure tangible en termes de bonification d’aides directes, d’allongement des exonérations de charges jusqu’en décembre, de prêts à taux zéro avec des délais repoussés et aménagés de remboursement n’a été admise alors que le besoin réel et la spécificité de la Corse en la matière se refont sentir.
Sur ces points aussi cette visite ne s’annonce pas sous des auspices favorables et nous appelons les acteurs économiques à la vigilance et à la mobilisation.
La Corse a plus que jamais besoin de mesures d’accompagnement adaptées pour éviter les mouvements brutaux de dépôt de bilan et de licenciement et maintenir son écosystème d’entreprises. L’utilité de la relance est à ce prix. Et elle devra alors être accompagnée d’un véritable statut fiscal et social pour relocaliser les activités de production de biens et services.
Femu a Corsica apportera bien sûr sa contribution au plan de relance pour la Corse qui sera proposé par le Conseil Exécutif et la Collectivité de Corse.
V – La Situation politique
Cette visite fait pour l’heure une fois de plus, l’impasse sur la nécessité d’engager un vrai dialogue autour du statut d’Autonomie de plein droit et de plein exercice de la Corse. Statut réclamé par les institutions légitimes de l’île, pour résoudre des problèmes structurels liés à sa situation géographique, économique et sociale, ainsi qu’à son histoire et à sa culture.
Elle fait aussi l’impasse sur le scandale de la non application du droit quant au rapprochement et juste traitement de libération conditionnelle des derniers prisonniers politiques.
Ces sujets politiques et historiques, posés régulièrement et démocratiquement par les Corses doivent trouver une issue par le dialogue franc et loyal.
Force est de constater que la stratégie de l’évitement et de la défiance reste pour l’heure de mise.
Nous en prenons acte. Et cela ne fait que renforcer notre détermination à construire notre pays et à avancer sur le chemin de l’émancipation.
À cet égard, les échéances de Mars 2021 prochaines seront un moment de clarification entre deux visions politiques :
– Ceux portant un projet, de manière avouée ou inavouée, sur fond d’alliance contre nature, par l’axe qui semble se dessiner basé sur l’économie de la rente enrichissant la fortune d’une minorité par des orientations de politiques publiques favorisant leur position d’influence ou de monopole dans le domaine du foncier et de l’immobilier, des déchets, des transports, et d’autres secteurs clés, accentuant ainsi les inégalités et fractures sociales, territoriales, culturelles, ainsi que la dépossession collective actuellement à l’œuvre ;
– Et Femu a Corsica qui garde le cap et poursuit le renforcement de la mise en oeuvre d’un projet de construction plaçant en son coeur le peuple corse, ses droits, et ses intérêts collectifs.
Un projet centré sur l’autonomie alimentaire et les circuits courts, l’autonomie énergétique, l’accès à la propriété pour tous les Corses, sur une économie de production basée sur le mérite, la créativité, le travail, l’honnêteté, la protection de notre terre et de notre environnement, l’éducation, la connaissance, la revitalisation des territoires, la lutte contre la précarité, les dérives et addictions, l’éthique et la démocratie réelle…
Ce projet se fera dans la convergence et le rassemblement de toutes les forces vives et politiques qui souhaitent le co-construire.
Notre détermination est plus forte que jamais. »
A Ghjunta di Femu a Corsica