Shireen Abu Akleh était une journaliste vedette de la chaîne Al Jazeera, la télévision la plus regardée du monde musulman. Elle a été abattue d’une balle en pleine tempe par un tireur d’élite lors d’une opération de répression à Jénine, alors que des échanges de tirs avaient lieu entre miliciens palestiniens et militaires israéliens. Puis son enterrement a été entaché d’une violente agression contre le cortège funéraire qui a montré à quel point l’armée israélienne est engagée dans la surenchère. Jusqu’à provoquer une réaction de condamnation américaine, signe que rien ne va plus et que la dérive militariste de Tel Aviv inquiète jusqu’à ses alliés les plus proches.
Pourquoi elle ? Parce que le tir délibéré ne fait aucun doute. Elle était sanglée du gilet pare-balles marquée « Presse » en lettres bien visibles, et elle était la journaliste la plus connue qui soit parmi les médias agissant sur le dossier palestinien. Dans son viseur, le tireur ne pouvait ignorer sur qui il allait tirer une balle mortelle !
Les événements qui se déroulent actuellement à Jerusalem et Jénine, ville palestinienne encerclée de territoires contrôlés par Israël, sont largement éclipsés par la guerre en Ukraine. Ils sont cependant les plus graves depuis bien longtemps, car l’armée israélienne doit faire face à des actes militaires de jeunes palestiniens qui ont fait plusieurs victimes en territoire israélien. Plusieurs des membres de ces commandos venaient de Jénine, provoquant une opération militaire lourde dont la journaliste de la chaîne qatarie assurait la couverture médiatique.
Ses retransmissions étaient suivies par des centaines de millions de téléspectateurs à travers le monde et témoignaient de cette nouvelle résistance palestinienne. Elles contrariaient ainsi l’agenda réel d’Israël dont les dirigeants, en continuant la politique de colonisation de peuplement sans retenue aucune, s’écartent de la « solution à deux États », voulue par les accords d’Oslo, pour passer à une annexion pure et simple de la Cisjordanie désormais constellée de colonies juives défendues par la force des armes. La représentation palestinienne officielle apparaît dans l’incapacité de contrer cette évolution. Mahmoud Abbas, Président de l’Autorité Palestinienne, est un dirigeant vieilli et décrédibilisé.
L’action diplomatique d’Israël a aussi récemment marqué de nombreux points dans les États arabes, notamment en agissant en faveur du Maroc contre l’Algérie avec la bénédiction de la diplomatie américaine sous Donald Trump. Ce qui lui a aussi permis d’engranger le rétablissement des relations diplomatiques avec les sultans de plusieurs États du Golfe, particulièrement l’Arabie Saoudite, Bahrein et les Émirats Arabes Unis.
Le Qatar, très petit territoire du Golfe mais à la très grande influence financière et médiatique, refuse de les rejoindre et continue de soutenir la Palestine. Ce qui crée un conflit ouvert entre le Qatar et les autres États du Golfe Persique, conflit qui avait été jusqu’à provoquer il y a peu un blocus du Qatar dont la levée était conditionnée à la fermeture de la chaîne Al Jazeera. Ce qui n’a pas été obtenu, mais qui explique en quoi ce média dépendant du Qatar, influent dans tout le monde arabe, est dans le viseur d’Israël et de ses alliés.
À n’en pas douter, les conséquences de ce meurtre délibéré échappent à ceux qui l’ont commandité. La journaliste assassinée est proposée au Prix Nobel de la Paix et elle est devenue un symbole de liberté pour tout le monde arabe, y compris dans les pays désormais alliés d’Israël, ce qui met leurs dirigeants en difficulté face à leurs propres opinions publiques. Et son assassinat a réveillé l’opinion publique aussi en Europe et aux USA, au point de contraindre la diplomatie américaine et l’ONU à réagir et à demander des comptes à Israël.
La résistance palestinienne des habitants de Jénine a ainsi marqué des points politiques importants. Cela faisait bien longtemps ! •