Peio Jorajuria est le président de Seaska, Hur Gorostiaga en est le directeur, et Marie Andrée Ouret la présidente de Biga Bay, l’association des parents d’élèves dans l’enseignement public. En trois heures, ils expliquent et répondent à toutes nos questions.
Seaska a ouvert sa première école en 1969, à la force du poignet militant de quelques pionniers qui y ont scolarisé leurs enfants dans des conditions alors totalement improvisées, mais avec un projet pédagogique bien précis : faire en sorte que ces enfants acquièrent la meilleure compétence possible en langue basque grâce à une école immersive où le basque est la langue support de tous les enseignements, et aussi hors du temps scolaire, dans la cour de récréation, à la cantine, et dans toutes les activités scolaires et para-scolaires. Hur était parmi ces premières générations d’enfants. Il est aujourd’hui l’homme-orchestre d’un réseau présent sur tout le Pays Basque Nord, qui scolarise plus de 4.000 élèves à tous les niveaux de la scolarité de l’enfant, de la maternelle à la terminale, dans 37 sites scolaires dont quatre collèges et un lycée flambant neuf.
Chaque site s’appuie sur une association, et toutes les associations sont regroupées dans la fédération Seaska. Gestion des enseignants, des aides maternelles, des personnels administratifs, recherche de locaux, en lien avec les municipalités très souvent, parfois en opposition, équipement en mobilier, en matériel pédagogique, cantines scolaires et même internat du lycée implanté au nord de Bayonne : Seaska pourvoit à tout, montrant la force de son réseau et de son modèle d’école associative qui a désormais une place à part entière dans l’offre éducative proposée aux parents du Pays Basque. Les ikastolas accueillent 15 % de l’effectif scolaire du Pays Basque Nord dont la population est comparable à celle de la Corse, 25 % allant dans l’enseignement privé confessionnel, et 60 % dans le réseau de l’école publique. Avec des effectifs en croissance régulière malgré une démographie déclinante du fait de la baisse du nombre d’enfants par famille, Seaska continue à développer un dynamisme remarquable.
La construction du lycée a été possible après avoir surmonté, avec l’aide de la Communauté d’Agglomération du Pays Basque présidée par le maire de Bayonne, Jean René Etchegaray, toutes les difficultés imaginables. Elle démontre que le « système » mis en place au Pays Basque par Seaska, dans le cadre juridique français, est en mesure de répondre à toutes les situations, et qu’il est possible de l’adopter aussi en Corse, avec l’avantage sans doute de trouver au départ davantage d’appui dans les sphères politiques régionales.
À la base de cette organisation, il y a la possibilité légale d’ouvrir des écoles hors de l’Éducation Nationale, mais avec des « enseignants sous contrats » dont les salaires sont assurés par l’État. Cette possibilité, réservée jusque-là à l’enseignement confessionnel, a été ouverte en 1994 aux établissements associatifs tels que Seaska ou Diwan. Depuis, Seaska a pérennisé sa structure et engagé une phase de développement qui lui a permis de généraliser son offre éducative à tout le territoire basque.
Cette mesure a été un tournant, car 80 % des charges d’un établissement scolaire tient aux salaires des enseignants. Pour le reste la gestion à travers la Fédération Seaska permet de faire face, par les participations obligatoires des communes au prorata des enfants scolarisés, comme pour toutes les écoles primaires, mais aussi grâce au dynamisme du secteur « fêtes » de Seaska qui accompagne les parents dans la collecte de fonds grâce à de grandes animations festives organisées pour chaque école, ainsi qu’une grande fête annuelle assumée par la Fédération avec l’aide de toutes les écoles. Tout ce dynamisme permet de ramener la cotisation mensuelle de scolarisation de l’enfant à une moyenne de 30 euros par mois, avec des variations selon le niveau de vie des parents.
Durant trois heures toutes les questions fusent.
L’enseignement du français ? Il n’est proposé qu’à partir du CE1, trois heures, puis au CE2 six heures, et huit heures en CM1 puis en CM2. Les milliers d’enfants testés à leur entrée en sixième pour leur orthographe, la lecture, la grammaire, etc., ont rendu un verdict imparable en démontrant un niveau de français supérieur à celui des enfants sortis de l’école monolingue. Au collège puis au lycée, ils continuent avec l’enseignement en basque de toutes les matières, à l’exception du français et des langues étrangères. Enfin, à l’autre bout de la chaîne éducative, les bacheliers placent le lycée Bernat Etxepare de Bayonne parmi les plus performants de France pour ses résultats au bac.
Comment démarrer ? Les représentants de Seaska sont formels : une poignée de parents volontaires suffit, et nous visitons avec eux l’école d’Ahetze ouverte l’an dernier avec quatre enfants, qui en compte le double désormais, et dont les prévisions sont excellentes pour les effectifs des prochaines années. D’abord classe unique, la maternelle évoluera au fur et à mesure des inscriptions, puis un site sera créé pour le primaire. D’abord en désaccord, la mairie a obligé Seaska à aider les parents à trouver un site chez un privé. Mais pour l’ouverture à venir du primaire, le maire s’est ravisé et propose déjà des locaux adaptés.
Il faut suivre des normes pour les locaux ? Ces normes existent et sont codifiées par l’Éducation Nationale. Seaska les remplit sans difficulté, et ils ne représentent rien d’insurmontable. Quand nous visiterons les sites, on pourra le vérifier aisément.
Les enfants parlent-ils basque entre eux ? En début d’année scolaire, il y a une difficulté à faire conserver le basque comme langue d’échange entre les enfants quand ils sortent de la classe. Puis au fur et à mesure, cela s’impose naturellement.
Etc., etc. Comme nous, vous aurez la possibilité de poser vos questions à nos amis basques lors de la Ghjurnata d’Arritti des 5 et 6 décembre prochains à Biguglia. Retenez la date : ce sera un grand moment d’échange en tous domaines, et vous y trouverez motif à vous enthousiasmer à votre tour, et à nous aider à porter, en Corse aussi, les premiers sites à ouvrir pour la rentrée prochaine, en septembre 2021.
F.A.
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