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Changer de modèle

Par François Joseph Negroni

 

 

La Corse est une terre au potentiel immense, mais elle repose aujourd’hui sur un modèle économique fragile et parfois contradictoire. Plus d’un tiers de son PIB dépend du tourisme, un secteur précaire marqué par des emplois saisonniers, des contrats rares et un tourisme hivernal quasi inexistant. En parallèle, l’emploi public représente une autre pierre angulaire de l’emploi insulaire, mais son poids financier est devenu insoutenable : les salaires des agents publics absorbent jusqu’à trois quarts du budget de la Collectivité de Corse. Face à cette situation, repenser le modèle économique de la Corse n’est plus une option.

 

Repenser le tourisme

La transition vers un tourisme plus durable et moins dépendant de la saison estivale est cruciale. Si rien n’est fait, la Corse risque de voir sa terre dévastée et ses jeunes privés d’un avenir professionnel viable. La solution passe par trois axes principaux.

Tout d’abord, il faut casser la dépendance au tourisme estival en favorisant un étalement sur les quatre saisons. Cela suppose de créer des mécanismes pour rendre le marché aérien plus accessible et attractif, comme le propose le mécanisme d’achats de flux initié par le président du Conseil exécutif. En parallèle, le secteur hôtelier doit rester ouvert toute l’année, accompagné d’une diversification des activités touristiques.

Ensuite, pour rendre ce secteur plus vertueux, il est indispensable de proposer des formations qualifiantes aux jeunes insulaires, leur permettant d’accéder à des emplois stables et valorisants. Cela renforcerait également le lien entre la jeunesse corse et son territoire.

Enfin, un tourisme responsable et écologique doit devenir une priorité. La mise en avant des circuits courts, des éco-hébergements et des pratiques respectueuses de l’environnement pourrait faire de la Corse une référence internationale en matière de tourisme durable.

 

Changer l’industrie

Il est souvent reproché à la Collectivité de Corse un volume trop grand d’agents et une masse salariale démesurée contraignant sa capacité d’investissement. Une solution reviendrait à réduire la voilure en supprimant le nombre d’agents, en ne remplaçant qu’une partie des départs à la retraite par exemple. Mais cela ne peut se faire sans un secteur privé dynamique et attractif.

Le modèle français actuel bride le développement économique de la Corse. L’obtention du statut d’autonomie, avec des libertés économiques et fiscales, permettrait d’attirer des entreprises innovantes dans des secteurs porteurs comme la transition énergétique ou les nouvelles technologies. Des incitations fiscales bien calibrées et ciblées favorisant l’implantation de grandes entreprises de ces secteurs, en les obligeant à travailler en partenariat avec les acteurs locaux et contribuer à leur développement.

En développant des pôles de recherche, en créant des partenariats publics-privés et en formant des jeunes talents, la Corse aurait tous les atouts du laboratoire méditerranéen des énergies vertes et des nouvelles technologies.

 

Renouveler le secteur public

Si l’emploi public représente aujourd’hui un pilier économique majeur de la Corse, il doit être repensé pour devenir un levier de transformation plutôt qu’une simple source de charges. Il faut dès lors bâtir un service public fort, rentable, et recentré sur des priorités stratégiques essentielles pour l’avenir de notre pays.

La Corse doit garantir un accès de qualité aux services essentiels. Cela passe par des moyens renforcés dans les hôpitaux (et la création d’un CHU, soin des personnes âgées, maillage territorial des services de santé), une éducation capable de préparer les jeunes à relever les défis de demain (formations ciblées, déploiement massif de la langue Corse, apprentissage plein et entier de l’histoire de la Corse), mais également un rôle moteur dans la préservation de l’environnement.

Pour que ce renouveau soit accepté et efficace, il doit être pensé avec les Corses. La transparence, la consultation et l’implication des citoyens doivent devenir les piliers d’un secteur public en phase avec les attentes, capable de restaurer la confiance et de réaffirmer la position de la Collectivité de Corse comme moteur du développement territorial.

En se recentrant sur ces domaines fondamentaux, le service public ne serait plus seulement un coût, mais un véritable outil de transformation économique et sociale pour la Corse.

 

Faire confiance aux villages

Je suis de ceux qui pensent qu’en Corse, un exode urbain est à venir, et que, face à la flambée des prix de l’immobilier dans les villes couplé à un solde migratoire extrêmement dense, de nombreux Corses pourraient retrouver le chemin des villages. Cette dynamique, combinée à l’essor du télétravail, ouvre de nouvelles perspectives.

Et les villages vont encourager cette dynamique : création de logements à des prix attractifs, soutien aux projets économiques dans le territoire, création d’open spaces permettant d’accompagner le confort du télétravail ou encore transition vers le haut débit.

Les villages doivent devenir des moteurs d’innovation et d’entrepreneuriat. En soutenant les projets économiques de proximité et en valorisant le patrimoine naturel et culturel, nos villages pourraient devenir des pôles économiques viables.

 

Un tournant économique

La Corse arrive à une étape décisive de son développement. Elle ne peut plus se contenter d’un modèle dicté par des logiques extérieures.

L’autonomie économique, une transition touristique durable et un soutien aux dynamiques rurales sont autant de clés pour construire un avenir prospère et responsable.

La Corse arrive à un tournant. Elle ne devra plus à l’avenir, se laisser dicter son modèle économique, mais entrer pleinement dans le XXIe siècle. Une fois la Corse autonome, des choix forts devront être faits pour changer les choses. C’est précisément cela, la politique. •