Le rapport de l’Inspection Générale des Finances réalisé à la demande du Ministre des Finances Bruno Le Maire aura au moins un mérite : rabattre son caquet à la Cour des Comptes qui dans un rapport de juin 2016 avait attaqué avec virulence les dispositifs fiscaux appliqués en Corse.
L’un d’entre eux était particulièrement visé par les magistrats parisiens, celui de l’exonération de TVA des vins produits en Corse quand ils sont vendus en Corse. La Cour avait chiffré cet avantage à 49,5 M€ par an en expliquant qu’il était exorbitant. L’Inspection des Finances vient de l’évaluer : il y en a pour 13 M€ en tout et pour tout, soit une erreur délibérée de 37,5 M€, sur un impact total de la fiscalité accordée à la Corse en soutien aux consommateurs de l’ordre de 200M€, soit une évaluation erronée qui, sur un seul poste, conduisait à majorer de presque 20% le total de ces « avantages fiscaux » de la Corse !
C’est par une note en bas de page (n°62, page 29) que le rapport de l’IGF délivre son désaveu de la Cour des Comptes :
« dans son référé du 21 juin 2016, la Cour des comptes a estimé le montant de la perte de recettes fiscales à 49,5M€ par an. Ce chiffrage est erroné, dans la mesure où ce montant correspondrait à une absence de TVA sur l’intégralité des ventes de vins corses. »
Et elle intègre son propre chiffrage dans son rapport : 13 M€ au lieu de 49,5 M€ !
L’explication de l’IGF sur « l’erreur » de 37,5 M€ de la Cour des Comptes est évidemment volontairement obscure.
Voici ce qui en est réellement.
Les vins produits en Corse sont soit vendus directement aux consommateurs (à la cave, ou dans les commerces de détail), soit vendus par des prestataires, notamment les restaurateurs, soit exportés sur le continent ou à l’étranger.
Or, l’exonération de TVA ne concerne que le premier volet, celui du commerce de détail. Les vins exportés supportent la TVA comme les autres, et ceux vendus à travers la restauration sont grevés de TVA au moment du paiement de la note du repas. Au total, ce n’est, selon l’IGF, que 25% des vins corses qui sont exonérés de TVA, et non 100% comme l’affirmait la Cour des comptes.
D’où l’ajustement opéré.
Cet effort de vérité sur les vins n’a pas pour autant amené l’IGF à renoncer à « charger » le dispositif corse de quelques millions d’euros totalement imaginaires.
Ainsi, elle chiffre on ne sait comment à hauteur de 5 M€ une « exonération [de TVA] pour la partie du trajet effectué à l’intérieur de l’espace maritime national pour les transports aériens ou maritimes ». La belle exonération que voilà !
Tout vol provenant de l’espace aérien international finit bien évidemment par traverser l’espace aérien du pays de l’aéroport où il va atterrir. Et idem quand il repart. Jamais il n’a été proposé à des compagnies étrangères de leur facturer une TVA pour cette partie de leur trajet !
Mais l’Inspection des Finances, elle, veut qu’il en soit différemment pour ce qui nous concerne, et elle veut chiffrer cela comme un avantage fiscal pour les Corses. C’est proprement ridicule.
Autre somme, celle-là très conséquente:
56 M€ estimés pour l’impact du Crédit d’Impôt pour l’Investissement en Corse.
Mais ce CIIC a vu son objet largement détourné pour alimenter un lucratif business d’activités parahôtelières qui bénéficient essentiellement à de riches contribuables du continent qui sont subventionnés pour acquérir des résidences secondaires qu’ils louent via Booking et d’autres. Est-il raisonnable de compter cela dans les « avantages consentis en Corse », alors que ce sont des « avantages consentis à des contribuables continentaux s’enrichissant en Corse en y menant des investissements contraires aux intérêts de la Corse » ce qui n’est pas du tout la même chose ?!
Quelle est la proportion des 56 M€ allouée à ce volet des exonérations ainsi consenties par l’État ? Certainement on peut les chiffrer en dizaines de millions d’euros.
L’IGF avait attaqué bille en tête, et le ministre lors de son voyage en Corse a dû revoir à la baisse beaucoup des prétentions de la haute administration des finances. Mais la discussion avec les services fiscaux ne fait que commencer !
François Alfonsi.