Par François Alfonsi
5 juillet 2023 : la demande d’autonomie est votée à 73 % par l’Assemblée de Corse ! Cette date restera historique. Elle est l’aboutissement d’un processus qui s’est déroulé sur plusieurs décennies pour convaincre le peuple corse, et aussi le commencement d’une séquence politique dont l’issue sera capitale.
Six à dix mois nous séparent de la prochaine échéance, celle d’un referendum à convoquer sur la base de la négociation qui va s’ouvrir. D’ici là, les étapes seront cruciales, et la balle est désormais dans le camp de l’État.
Ce dernier est confronté à une proposition concrète et détaillée adoptée par une très large majorité des élus de la Corse, et il doit y répondre. Il a promis d’ouvrir une réforme constitutionnelle conformément aux engagements signés par Gérald Darmanin en mars 2022. Emmanuel Macron tiendra-t-il cette promesse ?
Le point crucial du déroulement des débats qui ont eu lieu à l’Assemblée, tout autant que l’approbation de la délibération adoptée, a été le rejet de la proposition au rabais émanant du groupe de la droite insulaire. Son adoption, même par un vote minoritaire, l’aurait mise comme une option pour le gouvernement qui aurait pu tergiverser en s’appuyant sur elle. Désormais, il est face à une demande dont le niveau de réforme institutionnelle ne peut être abaissé.
Ce résultat politique a été obtenu par l’engagement plein et entier du groupe majoritaire et par le soutien que lui ont apporté d’autres groupes. Ainsi, durant la session de juin qui a précédé, le groupe Core in Fronte avait affiché la couleur en s’adressant aux groupes Avanzemu-PNC et Corsica Lìbera : « La mouvance nationaliste est dans l’obligation de converger », et en précisant : « La convergence c’est un état d’esprit, il doit y avoir une vision stratégique forte ». Si l’élue Corsica Lìbera n’a pas rejoint le vote final, le PNC l’a fait, contribuant à son ampleur et donc à son impact. Un autre élu a apporté sa voix en venant du groupe de la droite, Pierre Ghionga, Ce travail de rassemblement sera très important pour l’avenir de ce processus.
Car l’Assemblée de Corse a prévu que « l’Accord politique » qui sera négocié avec l’État fasse l’objet d’un referendum en Corse. Ce vote sera alors capital.
Certes, les obstacles seront encore nombreux à franchir ensuite, puisque le vote de la réforme constitutionnelle doit être approuvé à l’Assemblée nationale et au Sénat, puis confirmé par le Congrès de Versailles avec une majorité des 3/5es. Mais l’expression directe du peuple corse, si elle est forte d’une bonne participation et d’un « oui » largement majoritaire, apportera l’élan nécessaire pour espérer les franchir tous.
La séquence qui s’ouvre est donc nouvelle. Elle doit s’appuyer sur tous ceux que le vote du 5 juillet dernier a rassemblés. L’objectif commun doit être d’expliquer, de détailler, de rassurer, et de mobiliser en vue du referendum qui pourrait avoir lieu au printemps 2024, dans moins d’un an.
Quand les premiers contacts entre le gouvernement et l’Exécutif ont jeté les bases de ce processus de Beauvau, beaucoup de pessimisme s’est exprimé. Le flou de la période électorale de la présidentielle en France, les tergiversations dans les dossiers judiciaires Alessandri et Ferrandi, les soubresauts de la contestation de la réforme des retraites, ont contribué à éloigner le dossier corse des urgences médiatiques. Mais la question corse vient de loin et elle reste en attente d’une solution politique qui éloigne définitivement les troubles que la Corse a connus par le passé. Nous savons que cela passe par une révision constitutionnelle dont on sait qu’elles n’interviennent que très rarement. Monter à bord de la prochaine révision constitutionnelle annoncée pour fin 2024 est donc indispensable. Nous avons quelques mois pour y parvenir. •