Par François Alfonsi
La tenue à Biguglia de l’Assemblée Générale du réseau Eskolim des écoles immersives de Bretagne, Pays Basque, Occitanie, Catalogne et Alsace a agi comme un « accélérateur de projet » pour la Corse. Biguglia hà dicisu d’apre una prima scola di settembre pròssimu, Bastìa a pò fà anch’ella prestu prestu. Avanzemu !
L’idée est ancienne, notamment au sein de l’associu Scola Corsa qui avait étudié en détail la faisabilité d’un tel projet en 2013 après un voyage d’études organisé, avec le soutien du Parlement Européen, au Pays de Galles, un des meilleurs exemples en Europe d’un enseignement immersif qui permet au gallois de résister contre la domination de l’anglais.
À l’automne 2020, un nouveau voyage d’études a été possible au Pays Basque Nord, toujours avec le soutien du Parlement Européen. La force du Pays Basque et des militants de Seaska est d’avoir su développer le même modèle d’enseignement pour le basque, par immersion comme au Pays de Galles, mais dans le cadre juridique et réglementaire français. Ce qui à la fois rend le même projet pour la Corse plus réaliste, et plus facile, car l’expérience qu’ils ont su développer sera, au plan administratif, pédagogique et associatif, un précieux soutien pour le développement de la filière équivalente en Corse par l’associu Scola Corsa dont le nouveau Président, Ghjiseppu Turchini, a relancé la démarche.
L’adhésion de Scola Corsa au réseau Eskolim a été matérialisée à l’occasion de cette réunion de Biguglia. L’accueil a été enthousiaste, tant du côté du réseau qui espérait depuis de nombreuses années la création de sa « branche corse », que du côté de Scola Corsa qui a pu bénéficier de l’appui précieux et chaleureux de ces responsables qui ont présenté à tour de rôle, devant les parents d’élèves de Biguglia intéressés pour inscrire leurs enfants, leur expérience et répondre à leurs questions.
Aux exposés sur les décennies d’expérience basque ou bretonne, où la filière immersive a réalisé le cycle qui va de la première année de maternelle jusqu’au baccalauréat, au point d’administrer des établissements – lycée Diwan de Carhaix et lycée Seaska de Bayonne – qui figurent régulièrement au palmarès des meilleurs lycées de France pour leurs résultats scolaires dans toutes les matières, s’est ajouté le récit des alsaciens d’ABCM, créés il y a cinq ans sur une base d’enseignement bilingue, qu’ils ont abandonnée rapidement car elle n’apportait pas aux enfants la compétence linguistique active, celle qui libère l’expression spontanée dans la langue régionale.
Autre témoignage saisissant, celui des occitans dont le réseau d’écoles maintient la flamme de leur langue dans une société encore très loin d’en faire une priorité. Le résultat est là de milliers d’enfants maîtrisant et s’exprimant en occitan avec facilité grâce au réseau des Calendreta, malgré l’indifférence, et même l’hostilité très souvent, des pouvoirs publics à leur égard.
Pour tous ces militants des langues régionales, l’impression est forte qui leur a été laissée par la présence en continu durant leurs travaux du maire de Biguglia, Jean Charles Giabiconi, totalement impliqué avec son Conseil municipal pour cette création d’une première école immersive sur sa commune, ainsi que par le passage et le soutien affichés par le président du Conseil Exécutif de la Collectivité de Corse, Gilles Simeoni, et de plusieurs membres du Conseil Exécutif. La conjonction d’une démarche associative dynamique et d’un fort appui institutionnel est tout à fait inédit dans l’histoire de cette filière qui, à ses débuts il y a cinquante ans, était le fait de six familles du Pays Basque ayant décidé, sans aucun appui ni expérience, de scolariser leurs enfants en langue basque dans la toute première des ikastolas aménagée dans la salle à manger de leur appartement.
Depuis Seaska a ouvert 31 sites d’écoles primaires à travers tout le Pays Basque, qui scolarisent chacune jusqu’à 100 enfants, alimentant les effectifs de quatre collèges et d’un lycée qui accueille déjà 400 élèves dont nous avons pu constater, quand nous les avons rencontrés au Pays Basque, à quel point ils s’épanouissent en langue basque.
Leur message a été reçu cinq sur cinq. En Corse aussi nous réussirons ! •