Les marins de la Corsica Linea, dix-huit d’entre eux contaminés par la contagion du Covid-19, rappellent à la Corse que le virus est toujours là, menaçant d’une deuxième vague notre île et l’Europe.
La reprise de la fréquentation touristique, tellement attendue pour redonner un peu d’oxygène à une économie insulaire durement atteinte par les effets du confinement, fait aussi craindre que le brassage des populations qui en résulte mécaniquement ne réactive la circulation du virus. Crainte vérifiée à travers le cas de ces marins affectés à la ligne entre Marseille et Tunis, mais aussi familiers de la Corse : parmi les milliers de passagers croisés durant les traversées, il a suffi d’un contact avec un malade non dépisté, puis les marins se sont probablement ensuite contaminés entre eux. La chaîne de contagion est très rapide. Si le dépistage la détecte très vite, on peut la bloquer efficacement. Sinon, il faudra tout recommencer : urgences saturées, confinement, etc.
Face au feu épidémique, nous sommes désormais comme face à un incendie dont on a pris le contrôle après avoir subi le déferlement des flammes. Chaque fumerole est un risque que le feu reparte. Il faut les surveiller toutes, les traiter dès qu’elles apparaissent, jusqu’à les avoir toutes fait disparaître. Tant qu’il en reste une, le risque existe que, si le sirocco se lève, le feu n’embrase à nouveau tout le maquis.
Dans ce processus d’extinction de l’épidémie, les signaux envoyés à la population sont contradictoires. La mise sous contrôle de la contagion semble l’éloigner, si bien que la vigilance se relâche, ouvrant de nouvelles brèches dans la pratique des gestes barrières, ce qui augmente d’autant les risques d’une reprise.
Dans ce contexte épidémique incertain, la saison touristique s’engage tant bien que mal en Corse. L’inexistence totale de l’avant-saison, et les premières semaines de juillet à peine au niveau d’un mois de juin, feront que les comptes 2020 de l’économie corse seront évidemment très mauvais, même si août et septembre sont normaux. Encore faudra-t-il que les barrières anti-virus tiennent bon ! Et que le « vent épidémique » arrête enfin de souffler sur l’ensemble de la planète.
Car c’est loin d’être le cas, comme l’a rappelé avec force l’Organisation Mondiale de la Santé. Notamment en Amérique, au nord comme au sud, où les politiques publiques, tellement mal inspirées par Trump ou Bolsonaro, n’ont pas encore suffi à endiguer la progression de la contagion.
Or l’Europe est concernée par l’évolution de la maladie outre-atlantique. Les échanges sont incessants entre les capitales européennes et les USA, et très fréquents avec le Brésil. Si le virus n’y reflue pas, le trafic aérien ne pourra qu’être très réduit, avec des conséquences économiques qui iront crescendo. Ou alors le risque sera toujours là d’un virus qui pourrait reprendre sa contagion à partir de voyageurs venus de New York ou Rio de Janeiro. Peut-être la France et l’Europe finiront-elles par exiger des Américains le « green pass » qui a été refusé à la Corse ? Ce serait un ironique et juste retour des choses !
En attendant cette « seconde vague » hypothétique, dont on espère que l’on pourra la réduire à néant ou presque à l’échelle de l’Europe entière, en surveillant et en éteignant un par un tous les foyers d’infection dès qu’ils se manifestent, le coronavirus Covid-19 n’en finit pas de révolutionner la planète politique.
Le plus spectaculaire se passe aux États-Unis où Donald Trump accumule les échecs, à tel point qu’il semble en passe d’échouer à se faire réélire. Le comble de son impéritie a été atteint dans l’État de l’Arizona, devenu un des plus touchés des USA par le Covid-19, depuis que le meeting raté de relance de sa campagne électorale y a été la cause directe de très nombreuses contaminations. Trump battu, ce serait un tel soulagement qu’on ne pourra que rendre grâce au virus venu de Chine !
Moins spectaculaire, mais tout aussi important, se déroule en Europe. L’Union Européenne, mise face au défi de sauver et relancer son économie après le désastre provoqué par la pandémie, est en train de muter sous nos yeux et de relancer en fait son projet politique. En effet, la nécessité d’être à la hauteur de la crise qu’il faut combattre a permis de faire sauter plusieurs des verrous qui la paralysaient.
Ainsi le veto des États a sauté et le budget de l’Union a pu contracter un emprunt conséquent, plus de 500 milliards d’euros, pour faire face, là où c’était le plus nécessaire, aux besoins pour financer le chômage partiel, les renflouements économiques les plus urgents, et les systèmes de santé les plus fragiles.
Deuxième verrou qui est en train de sauter, celui de l’endettement solidaire, Grèce et Allemagne confondues, pour financer un plan de relance qui va augmenter de 70 % le budget de l’Union Européenne dans les sept prochaines années. Sans compter les ressources propres qui seront développées désormais à partir de nouvelles taxes écologiques, sur les plastiques, sur le contenu carbone des marchandises importées, etc.
La relance économique suite au coronavirus est en train de provoquer une relance politique que rien ne laissait espérer il y a six mois à peine dans une Europe écartelée entre nord et sud, est et ouest, affectée par le Brexit et assaillie par des vagues multiples d’euroscepticisme dans tous ses pays ou presque. Les Chefs d’État, et leurs opinions publiques, prennent désormais conscience que la solidarité européenne est indispensable pour faire face aux défis du monde.
Peut-être faudra-t-il un jour, dans les couloirs du Parlement Européen, placer une effigie du Covid-19 à côté de la statuette de Jean Monnet ?