Assemblée nationale

Crise de régime malgré un sursaut salutaire

par François Alfonsi
Le soulagement après le second tour des élections législatives est survenu aussi bien en Corse que sur le continent. Si la menace d’une victoire du Front national a été écartée, nous perdons un siège de député, Jean Félix Acquaviva étant battu par François-Xavier Ceccoli à l’étiquette LR en réalité très fortement teintée de Rassemblement national. Dans les trois autres circonscriptions les candidats officiellement RN sont battus, y compris le seul corse d’entre eux, François Filoni, largement devancé par Paul-André Colombani dans la circonscription de l’extrême Sud. Et toutes nos félicitations également à Michel Castellani brillamment réélu dans la première circonscription de Haute-Corse.

 

 

Combien de temps durera cette mandature ? Le maximum sera trois ans puisque la prochaine élection présidentielle sera en 2027 et que le président nouvellement élu sera bien évidemment amené à convoquer des élections législatives immédiatement après son élection, selon le calendrier institutionnel établi.

Le minimum sera un an, durée prévue par la Constitution avant laquelle le président Macron sera dans l’impossibilité de décider d’une nouvelle dissolution.

Entre ces deux termes, tout est possible désormais. En effet, au lendemain du scrutin de juillet 2024, aucune option n’est en mesure de donner une vision prévisible de la suite des évènements.

La gauche est sortie en tête, mais elle est loin de rassembler seule une majorité nécessaire pour gouverner. Le groupe formé par les soutiens d’Emmanuel Macron a été sérieusement défait, perdant une petite centaine de députés, mais il a réussi à rester le deuxième groupe du Parlement, devant le Rassemblement national, lui-même objet d’une profonde désillusion avec sa troisième position et un groupe, certes augmenté d’une cinquantaine de députés, mais très en deçà des objectifs affichés par son porte-voix Jordan Bardella.

Bien malin qui pourra prévoir comment une majorité, même relative, pourrait se former au sein de l’Assemblée nationale telle qu’elle est sortie des urnes du 07 juillet 2024. Et, si la paralysie s’installe, une nouvelle dissolution sera probablement inévitable après une année plus ou moins chaotique.

 

Pour la Corse, les résultats sont contrastés. Le camp « évolutionniste » a reconduit trois députés sur trois : Michel Castellani, Paul André Colombani et Laurent Marcangeli. L’échec de Jean Félix Acquaviva dans le centre Corse affaiblit cependant le dispositif favorable à une réforme constitutionnelle apte à ouvrir la voie à une autonomie pour la Corse. François Xavier Ceccoli a multiplié les interventions hostiles au processus de Beauvau, d’autant plus fortement que le soutien qu’il a été chercher auprès du Rassemblement national l’a structurellement lié à ceux qui refusent toute évolution vers l’autonomie de la Corse.

Cependant, la logique institutionnelle qui pourrait conduire à la réforme de la Constitution reste intacte : l’initiative en appartient au chef de l’État, qui s’y est engagé et qui est toujours en place, et son issue dépend de majorités à rassembler au Sénat, dont la composition n’a pas varié, et à l’Assemblée nationale où le score finalement moindre que prévu du Rassemblement national, et le fort recul de la droite LR, affaiblit le poids des députés « anti-autonomie » pour la Corse. Les conditions d’une majorité pour cette réforme n’ont donc pas changé en profondeur.

 

Reste à se mobiliser pour un retour du dossier corse à l’agenda du futur gouvernement de cohabitation rendu inévitable par les résultats de dimanche. La porte est étroite, mais elle n’est pas totalement fermée contrairement à ce que l’on pouvait craindre.

Cependant, la caractéristique principale de la situation nouvelle est qu’elle est imprévisible. D’ailleurs, tous les sondages d’entre deux tours, et même ceux officieux réalisés durant les opérations de vote de la journée, ont été à côté de la plaque.

La France s’est éloignée de l’Extrême droite, mais la situation qui résulte de la dissolution de l’Assemblée nationale décidée par Emmanuel Macron est bel et bien celle d’une crise de régime. •