Processus de Beauvau

Début de la phase conclusive

par François Alfonsi
Quelle sera la lettre de la réforme constitutionnelle proposée au vote du Congrès en vue de l’autonomie de la Corse ? On approche de cet instant-clef du processus de Beauvau.

 

En obtenant du Comité stratégique, institué au tout début du processus, une position commune après dix heures de réunion ce 23 février à Aiacciu, Gilles Simeoni a réussi à rassembler au-delà des seuls nationalistes, tout en gardant dans le jeu les trois groupes qui ont voté la délibération du 05 juillet 2023. Corsica Lìbera continue son cavalier seul, et le front du refus se résume désormais au seul Jean Jacques Panunzi.

Au moment d’écrire cet article, l’issue du dîner/réunion de travail convoqué au Ministère de l’Intérieur par Gérald Darmanin dans la soirée et la nuit du 26 février n’est pas encore connue. Et, de toutes façons, le dernier mot sera celui d’Emmanuel Macron qui signera la proposition de réforme de la Constitution proposée au Parlement selon la procédure qui doit mener à une ratification des 3/5es par le Congrès de Versailles.

 

Du côté du Président de la République, un engagement formel a été pris devant les élus de la Corse le 28 septembre 2023 pour que soit inscrit, dans la Constitution, à propos de la Corse, la reconnaissance d’une « communauté insulaire, historique, linguistique et culturelle ». Les mots sont pesés et ont chacun une finalité : « insulaire et historique » pour légitimer une loi organique instituant en Corse une autonomie en dehors du droit commun des autres collectivités de la République ; « linguistique et culturelle » pour conférer à la langue corse un statut reconnu institutionnellement.

Toutes sensibilités confondues, le texte issu de la réunion du 23 février 2024 demande au Président de la République que cette formule soit complétée : « communauté insulaire, historique, linguistique et culturelle, ayant développé au fil des siècles un lien fort et singulier avec sa terre : l’île de Corse ». Cela afin d’ouvrir la porte à un « statut de résidence, application à la dimension foncière et immobilière du statut de résident voté par l’Assemblée de Corse ». Sur ce point, l’accord politique est unanime.

 

Au-delà de la formule retenue, se pose la question de la forme que prendrait cet ajout à la Constitution, à travers un titre à part comme il en existe déjà un à propos de la Nouvelle Calédonie, ou par un article nouveau consacrant une collectivité corse spécifique. Ces questions juridiques sont en fait très politiques.

Actuellement la Corse ressort de l’article 72, celui des collectivités métropolitaines, quand l’article 73 traite des départements d’Outre-Mer (DOM) et l’article 74 des Territoires d’Outre-Mer (TOM). La Corse ne pouvant devenir ni DOM ni TOM, son inscription dans un simple article, probablement numéroté 72-1, la mettrait sous un régime général de compétences qui réserve le pouvoir réglementaire ou législatif au Parlement, et donc fait barrage à une autonomie, même limitée, des collectivités. S’il est créé un titre spécifique à la Corse, le champ des possibles sera alors bien plus grand pour rédiger la loi organique qui instituera l’autonomie promise à la Corse.

Laurent Marcangeli en tant que député, Valérie Bozzi, élue du groupe de la droite à l’Assemblée de Corse et Stéphane Sbraggia maire d’Aiacciu, ont confirmé par leur signature de la « déclaration solennelle » leur soutien à une autonomie de la Corse avec pouvoir législatif. Mais ils reportent leur décision finale sur la rédaction constitutionnelle nécessaire en fonction des réponses que donnera l’État sur chaque option, simple article ou titre de la Constitution. Quoi qu’il en soit, leur position favorable comptera beaucoup dans la suite des négociations.

En fait, avec cet accord politique signé solennellement à l’Assemblée de Corse le 23 février 2024, nous sommes entrés dans la phase conclusive du processus de Beauvau, avec un mois d’avance sur le calendrier fixé. •