Par François Alfonsi
Le passage cette semaine par la Corse de la flamme olympique, qui rejoindra Paris le 26 juillet 2024, participe à la mise en scène d’une ferveur populaire destinée à accompagner le principal événement sportif mondial qui se déroule tous les quatre ans. Le monde entier a rendez-vous avec le sport durant les Jeux Olympiques, mais les soubresauts du monde vont peser, et marquer de leur empreinte, cette édition 2024 à Paris.
La tenue des Jeux Olympiques n’est jamais neutre pour le pays organisateur. Plus de dix mille athlètes sont attendus dans les différentes compétitions, qui elles-mêmes appellent des infrastructures considérables pour être accueillies, une centaine de pays participants vont dépêcher leurs journalistes pour couvrir l’événement qui sera retransmis en direct sur toutes les télévisions du monde. Les Jeux Olympiques représentent tous les quatre ans un événement hors normes dont l’ampleur est colossale.
Aucun autre événement sportif n’atteint le même niveau, pas même la Coupe du Monde de football qui reste ignorée sur certains continents comme l’Inde par exemple. De plus, dans le format des JO, chaque peuple participant a un espoir de victoire pour un de ses athlètes dans la discipline la plus pratiquée dans le pays. Ainsi la lutte est un sport qui passionne les peuples du Caucase. Chaque victoire y est vécue comme une fierté collective, et peu importe en fin de compte si l’Arménie compte une seule médaille d’or en lutte et les USA des dizaines dans toutes les disciplines ou presque : les deux fiertés nationales seront égales.
Sur cette scène mondialisée, chaque édition écrit un récit différent. Les Jeux précédents, à Tokyo, en pleine pandémie du Covid, sont restés confinés. Les plus fameux, Berlin 1936, ont jeté les prémices de la guerre mondiale déclarée au nazisme alors en plein essor. Les Jeux Barcelona 1992 ont révélé au monde la vitalité du peuple catalan libéré de quarante années de franquisme. Athènes 2004 a précipité l’État grec vers la faillite face aux coûts astronomiques, et très largement dissimulés dans un premier temps, de leur organisation. Et on se rappelle aussi bien sûr de Munich 1972 marqué par les attentats terroristes contre la délégation des sportifs israéliens.
Dans quel monde les Jeux Olympiques de Paris s’inscrivent-ils ?
Chacun ressent que le challenge n°1 sera celui de la sécurité. Paris a subi certains attentats parmi les plus meurtriers provenant des terroristes de Daech, et l’ombre d’un risque de même nature plane sur ces Jeux. D’ailleurs, le gouvernement hésite encore entre magnificence – cérémonie d’ouverture le long de la Seine –, et sécurité en la rapatriant dans l’enceinte du Stade de France.
Le conflit de Gaza, qui a dégénéré en une volonté d’écrasement de tout le peuple palestinien par Benyamin Netanyahu et de son gouvernement d’extrême droite, alimente les tensions. Jusqu’où cela peut-il aller ? Les manifestations seront inévitables chaque fois que le drapeau israélien sera déployé. Comment les réprimer sans risquer l’opprobre sous les regards d’un Monde qui a voté pour la reconnaissance de l’État palestinien par 143 voix contre seulement 9, y compris l’État israélien lui-même et les États-Unis ?
La Russie a été mise à l’écart des Jeux en raison de son agression militaire en Ukraine. Beaucoup de pays, une large majorité, voulaient qu’il en soit de même pour Israël qui ne donne aucun signe pour le rétablissement d’une Paix au Moyen Orient. Mais le poids hégémonique des USA et de leurs alliés a imposé ses vues à tous.
A contrario les drapeaux ukrainiens seront fêtés par la communauté internationale, à la grande fureur de Moscou qui est privé de Jeux Olympiques. Il est probable que l’orgueil russe cherchera à s’exprimer avec d’autant plus d’agressivité sur le champ de bataille et que les assauts déjà commencés redoubleront de force.
Pendant trois mois, sur cette scène mondiale intégralement partagée sur toute la planète, les événements vont s’enchaîner pour répercuter une actualité très tendue. Le récit historique qui sera finalement retenu des JO de Paris 2024 pourrait bien être celui du grand écart entre un universalisme revendiqué et une réalité qui est toute autre. •