Qui veut faire disparaître le verrou dressé par U Levante contre la bétonnisation ? Deux attentats en un mois contre deux responsables de l’association alimentent de grandes inquiétudes. Le véhicule de Dumè Gambini et sa compagne Pascale Pergola a été détruit par un incendie criminel un mois après le plasticage de l’habitation d’une responsable de l’association à Portivechju. C’est un nouvel acte d’intimidation qui est perpétré contre ceux qui représentent un véritable barrage aux volontés spéculatives les plus diverses.
Le chemin pour arriver à réguler de façon « ordinaire » la pression immobilière en Corse est loin d’être terminé. PLU délibérément éloignés du Padduc, permis de construire hors normes, procès en série, et attentats contre l’Association U Levante sont liés dans un même tourbillon. Les intérêts spéculatifs sont freinés par les procès que U Levante mène, et gagne, sans relâche. Tel PLU qui « tombe » sur plainte d’U Levante, c’est potentiellement des terrains abusivement classés en terrains à bâtir qui deviennent inconstructibles. Autant de motifs à des ressentiments qui s’expriment par des violences, verbales jusque-là, et des violences physiques désormais. Ce nouvel attentat contre U Levante doit nous alerter. La lutte pour la protection de la Terre heurte des intérêts puissants, pas toujours exempts de connotations mafieuses. U Levante l’a dénoncé en conférence de presse à Aiacciu lors de l’attentat commis contre sa responsable à Sotta.
La récidive de la nuit passée résonne comme une intimidation nouvelle, et interpelle les pouvoirs publics.
Où est l’action de l’État qui laisse passer les permis illégaux sans les empêcher ?
Et qui donc laisse les associations au premier rang pour la défense du littoral ?
Car la délivrance de permis de construire litigieux, ou la promulgation de PLU dont on sait qu’ils seraient retoqués par les décisions de justice, est en fait une démarche délibérée. Il y a ceux qui « tentent leur chance » en espérant passer à travers les mailles des procédures : permis tacites, constructions qui, une fois faites, resteront debout même si le tribunal les déclare illégales, vices de forme lors des procédures, etc. Et il y a ceux qui comptent sur l’intimidation, sur leurs relations, ou sur la lassitude de ceux qui font vivre le tissu associatif. Car, quand des intérêts puissants sont en jeu, le rapport de forces est inégal si les moyens d’appliquer la loi ne sont pas pris en charge par l’État. Or l’État a trop souvent fait preuve de complaisance. Comment expliquer sinon le nombre très élevé de procédures laissées entièrement à la charge de l’action associative ?
L’enquête sur les auteurs des attentats de Sotta et de Riventosa est en cours. Souhaitons qu’elle aboutisse rapidement pour mettre un coup d’arrêt à la dérive qui se fait jour.
Femu a Corsica a condamné ce nouvel attentat, comme l’ont fait ceux qui ont toujours soutenu la lutte contre la spéculation foncière. Mais les positions de principe ne suffisent plus. Il faut se porter au-devant des associations qui sont «mises sous pression » et relayer davantage leur action. Au niveau de la CTC, le Padduc a fixé un cadre consensuel. Mais les acteurs locaux restent prisonniers des mêmes comportements. Lorsqu’un PLU est adopté localement avec des dispositions manifestement éloignées des prescriptions du Padduc, on trouve régulièrement la même logique : un échelon local qui cède à des demandes «pressantes », et qui renvoie à l’échelon ultérieur la responsabilité de bloquer la dérive spéculative. Manifestement, il manque cet « échelon ultérieur », une instance indépendante capable, sur rapport des services instructeurs, notamment celui de l’Agence de l’Urbanisme de la CTC qui a la charge de l’application du Padduc, d’introduire le recours en justice sans attendre qu’une association le fasse. Il est urgent de mettre en place un mécanisme apte à pallier l’action associative qu’on ne peut laisser ainsi exposée aux intimidations et aux pressions.