Autonomie, mode d’emploi

La délibération de l’Assemblée de Corse

par François Alfonsi
En adressant aux élus son rapport intitulé « Autunumìa » (lire ici), Gilles Simeoni l’avait accompagné d’un projet de délibération resté intentionnellement vierge afin de manifester sa volonté d’aller au fond des débats avec les différents groupes de l’Assemblée de Corse.
La session extraordinaire prévue pour une seule journée a ainsi été prolongée de 24 heures, deux journées pleines, au cours desquelles chacun a fait valoir sa contribution au texte final.
Finalement le groupe majoritaire présidé par Jean Biancucci, Fà Pòpulu Inseme, 32 élus, le groupe Avanzemu présidé par Jean Christophe Angelini, 7 élus, le groupe Core in Fronte présidé par Paul-Félix Benedetti, 6 élus, et Pierre Ghionga, élu du groupe Un Soffiu Novu, ont soutenu la délibération finale, soit 46 élus sur 63, 73 % des voix. Ce qui lui confère une pleine légitimité au moment de mener de nouvelles discussions avec l’État.

 

 

Cette délibération formule, dans son premier chapitre, « la demande solennelle d’un statut d’autonomie ».

Elle insiste sur l’insularité pour « inscrire la Corse dans le droit commun de la plupart des grandes îles ou grands archipels de l’Union Européenne, en Méditerranée comme dans l’Arc Atlantique » ; et elle dit que « l’autonomie se définit comme le statut juridique permettant à un territoire d’adopter ses propres lois dans tous les domaines, à l’exception de ceux relevant des prérogatives régaliennes de l’État ».

Les « objectifs de l’autonomie » relèvent « d’un enjeu historique de reconnaissance » assumant « l’histoire du conflit, dans sa genèse et dans ses conséquences » incluant « le règlement des suites pénales et civiles liées aux poursuites ou condamnations », et aussi par la prise en compte de trois revendications fondamentales : le peuple corse, un statut de coofficialité de la langue corse, et le lien entre le peuple corse et sa terre.

Le chapitre deux propose « un chemin constitutionnel vers l’autonomie ».

L’article 4 en décline les trois volets : un Accord politique, soumis à l’approbation en Corse dans le cadre d’un referendum ; l’insertion d’un Titre dans la Constitution se référant à cet Accord, Titre consacrant l’autonomie de la Corse ; une loi organique déclinant cet Accord.

« L’Accord politique » qui sert de base à ce processus comportera un « préambule rappelant l’histoire de la Corse, et les éléments principaux constitutifs de la question corse » ; et un « document d’orientation » fixant des éléments précis (partage des compétences, calendrier et modalités du transfert de ces compétences), ainsi que l’instauration d’une « clause d’évaluation à 15 ans ».

La nécessité d’un Titre consacré à la Corse dans la Constitution est proclamée par l’article 6, car « l’autonomie n’est ni du même degré ni de la même nature que la décentralisation la plus poussée qui soit », tandis que l’article 7 de la délibération fait une proposition détaillée des ajouts à faire à la constitution par l’insertion de deux articles nouveaux 75-2 et 75-3, tandis que l’article 8 évoque le contenu d’une loi organique déclinant l’Accord et les principes du statut d’autonomie.

Les articles suivants, regroupés dans le chapitre 3 de la délibération, « mise en œuvre concertée et progressive du statut d’autonomie », propose une répartition des compétences entre les compétences régaliennes de l’État, les compétences de principe réservées à la future Collectivité Autonome de la Corse, et les compétences partagées. Tout en précisant que « tout transfert de compétence implique les transferts de moyens humains et financiers correspondants ».

Puis le chapitre 4 de la délibération traite de « l’autonomie fiscale et financière » qui devra permettre aux futurs élus de la Corse autonome de disposer d’un « outil de lutte contre la spéculation », d’un outil « d’équité territoriale », « de justice sociale », « de protection environnementale », « d’interventionnisme économique ».

Le chapitre 5 traite des garanties à consacrer dans le futur statut d’autonomie de la Corse, notamment des « clauses de non-régression sociale et non-régression environnementale », et un principe de « subsidiarité interne tenant compte des spécificités des territoires et permettant un développement territorial équilibré ».

 

Voilà donc résumé le texte voté par l’Assemblée de Corse, aux trois-quarts de sa représentation, au terme de deux journées intenses de débat.

Il fera date dans l’Histoire de la Corse. •