Pulìtica

Le front du refus contre l’autonomie

Par François Alfonsi

 

Tête de liste Les Républicains aux élections européennes, François-Xavier Bellamy est venu en Corse proclamer son aversion pour une autonomie de la Corse dotée d’un pouvoir législatif. Il rejoint l’extrême droite qui multiplie à l’envi, Zemmour ou Bardella, les déclarations nationalistes françaises dont le fondement naturel et autoritariste est la négation-même de tout projet d’autonomie pour le Peuple Corse. Sous cette pression incessante, le délégué macroniste pour la Corse, Côme Agostini, est sorti de son anonymat pour expliquer doctement qu’il faut revoir l’accord de Beauvau à la baisse et en gommer le volet « pouvoir législatif ». Le parcours qui doit mener de l’accord de Beauvau jusqu’aux débats parlementaires sera semé d’embûches !

 

 

Dans chaque pays européen, l’extrême droite s’est construite autour d’une « logique nationaliste étatique », flamme bleu-blanc-rouge pour le Front National en France, flamme verte-blanc-rouge pour I Fratelli d’Italia, et partout un même discours pour un pouvoir fort, centraliste et autoritaire. L’exact contraire de ce qui est compatible avec une démarche de reconnaissance du peuple corse et d’autonomie au sein d’une République Française à la constitution révisée.

La première embûche qu’il faudra surmonter sera de démystifier le discours en apparence « anti-système » des partis d’extrême-droite, afin que ceux qui en Corse sont en recherche d’un vote protestataire ne soient pas amenés à les soutenir comme cela a été le cas lors des précédentes élections européennes de 2019 quand le Front National est arrivé en tête ici. Dans le contexte de 2024, alors que la révision constitutionnelle va commencer qui doit mener à l’autonomie, ce message serait très négatif.

 

Sur le marché d’Aiacciu ce week-end, quelques militants de la jeunesse progressiste de gauche ont chahuté la virée électorale d’Eric Zemmour flanqué de Mossa Palatina. Quelques œufs ont été jetés, l’un d’entre eux l’a atteint qui a été lancé par une très jeune lycéenne. Ce qui ne l’a pas empêché de sortir les poings pour la frapper à la nuque alors que le service d’ordre l’avait déjà totalement neutralisée. Cette scène révèle son vrai visage, et ce qui attend la jeunesse corse demain, quand elle continuera à se battre pour son peuple. La France de Zemmour et Bardella, ce sera pour la Corse la même que celle de Bernard Bonnet et des barbouzes !

Quant au discours de François-Xavier Bellamy, vu le faible score qui lui est promis par les sondages, il n’aurait guère d’importance si son parti, les Républicains, n’était pas le parti dominant du Sénat, dont le feu vert est nécessaire pour mener la révision constitutionnelle promise par l’accord de Beauvau. Certes la majorité de Gérard Larcher n’est pas toute entière attachée à ce parti, et sa composante « centriste » a fait des déclarations bien plus ouvertes. Mais le jeu politicien entre la droite insulaire et Laurent Marcangeli qui a rejoint la majorité présidentielle après avoir conduit la liste de droite aux élections territoriales les pousse à surenchérir au détriment des intérêts de la Corse, à l’Assemblée de Corse dans un premier temps, autour de Jean Martin Mondoloni contre Laurent Marcangeli, au Sénat dans un deuxième temps, autour de Jean Jacques Panunzi et des plus anti-Macronistes de la droite française.

 

Le cas de François Xavier Bellamy lui-même est significatif. Au Parlement européen, il a vilipendé l’Azerbaïdjan et son dictateur Ilan Alyev qui a écrasé les droits du peuple arménien au Nagorno-Karabakh et procédé au nettoyage ethnique de tout un peuple au nom de « l’indivisibilité de la République d’Azerbaïdjan ».Pour le peuple corse, c’est un « nettoyage culturel » qui est à l’œuvre, au nom d’une même « indivisibilité de la République française ». Mais le jacobinisme qu’il partage avec la gauche la plus laïque et la droite la plus dure le met du côté des extrêmes.

Le peuple corse résiste depuis des décennies. Cette résistance ne pourra admettre d’être ignorée au bénéfice de jeux politiciens en Corse ou à Paris. Aujourd’hui c’est une promesse de Paix qui est posée. S’opposer au consensus sorti de l’accord de Beauvau, ce serait relancer le conflit corse sans que l’on puisse mesurer jusqu’où cela pourrait mener. •