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par François Alfonsi
Après six mois passés à essayer de survivre aux vicissitudes de la vie politique parisienne, le processus pour aller vers l’autonomie de la Corse semble avoir repris sa marche en avant. Une semaine à peine après le rejet de la motion de censure posée contre le gouvernement de François Bayrou, la Commission des lois de l’Assemblée nationale, puis le ministre en charge du dossier corse, se sont rendus sur l’île pour mener des contacts et porter le message d’une nouvelle dynamique. Les échos sont plutôt favorables. Le processus repart de l’avant.
La Commission des Lois de l’Assemblée nationale venue sur l’île est apparue en « mode positif », quelques semaines après le couac de la commission homologue du Sénat dont la rapporteure « Les Républicains » avait rédigé un rapport hostile à l’autonomie que la majorité des groupes a refusé de voter.
Les députés présents en Corse, issus de tous les groupes, ont rencontré, débattu, évalué le dossier et l’attente des Corses de toutes catégories en faveur d’une évolution vers une première autonomie réglementaire et législative, ce qui nécessite une réforme constitutionnelle. Ce qu’on en retient c’est la volonté affichée d’aller au débat au plus vite sur les bancs de l’Assemblée nationale.
Des discours de François Rebsamen, on retiendra avant tout la volonté d’installer un calendrier resserré et contraignant jusqu’au Congrès de Versailles auquel la réforme constitutionnelle sera soumise d’ici la fin de l’année 2025. Puis viendra le temps de la loi organique qui, dans le cadre constitutionnel ainsi ouvert, pourra déléguer de nouvelles compétences et de nouveaux pouvoirs à une Collectivité de Corse dotée d’un statut d’autonomie.
Dans une longue interview donnée à Corse-matin le jour de son arrivée en Corse, le ministre de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation déclare « relayer la détermination du président de la République et celle du Premier ministre de voir la copie actée à l’issue des discussions closes en mars 2024 se traduire concrètement ».
Ce n’est pas vraiment un engagement à suivre « à la lettre » les écritures constitutionnelles signées place Beauvau en avril dernier, mais il reprend ensuite explicitement à son compte le but « de faire figurer dans la loi fondamentale le premier alinéa issu de l’accord de Beauvau », celui qui énonce : « La Corse est dotée d’un statut d’autonomie au sein de la République qui tient compte de ses intérêts propres, liés à son insularité méditerranéenne et sa communauté historique, linguistique, culturelle, ayant développé un lien singulier à la terre ».
Or il s’agit bien de l’essentiel au stade de la réforme constitutionnelle, ce premier étage à atteindre avant la fin 2025 de ce qui créera ensuite les conditions de l’adoption d’une loi organique fixant le futur statut d’autonomie de la Corse. C’est le point fondamental, celui par lequel le verrou constitutionnel sera levé qui, depuis quarante ans, a bloqué une véritable évolution institutionnelle de la Corse malgré les bonnes dispositions de certains gouvernements (Mitterrand 82, Rocard-Joxe 92 et Jospin 2002).
Évoquant le Conseil d’État qui sera consulté sur la réforme constitutionnelle proposée par Emmanuel Macron au Parlement réuni en Congrès à Versailles, le ministre minimise les difficultés qui s’annoncent : « j’ai entendu que le mot “communauté” interroge certains juristes. Le Conseil d’État nous éclairera. Pour l’heure, comment nier qu’il y a une histoire, une langue, une culture propre à cette terre ? »
Il ajoute que l’engagement politique d’Emmanuel Macron est ferme : « Le président de la République a conscience qu’il doit laisser une trace dans l’Histoire. Faire adopter, sous son mandat, une révision de la Constitution dans laquelle le principe d’une autonomie de la Corse au sein de la République trouve sa place, est un marqueur fort ».
Cela suffira-t-il à renverser les oppositions, au Sénat, au sein du gouvernement, et parmi des députés et sénateurs imprégnés de culture jacobine ?
Le compte à rebours a désormais commencé. Il ira jusqu’à fin 2025. L’issue reste incertaine. Cependant, un chemin existe à nouveau désormais. •