Autonomie de la Corse

Le processus reprend enfin

La parenthèse électorale du « processus de négociation à vocation historique » acté en mars 2022 dans le compte rendu du voyage en Corse du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, alors que les manifestations de colère suite à l’assassinat en prison d’Yvan Colonna battaient leur plein, s’est fermée la semaine dernière. D’ici fin juillet, les choses auront enfin avancé.

 

Premier temps, le 7 juillet : le discours de politique générale de la nouvelle Premier ministre Elisabeth Borne devant l’Assemblée nationale contient un passage traitant de la Corse. Le lendemain, 8 juillet, a eu lieu la première rencontre depuis les élections entre Gérald Darmanin, confirmé ministre de l’Intérieur, et Gilles Simeoni, place Beauvau, avec deux annonces : réunion officielle des représentants de la Corse et du gouvernement le 20 juillet à Paris, puis venue du ministre pour un voyage officiel en Corse quelques jours plus tard.

On en saura plus à l’issue de ce premier cycle de contacts.

Seul propos officiel à cette heure, celui de la Première ministre lors de son discours d’investiture : « En Corse, le cycle des discussions engagées avec les élus et les forces vives sera relancé dans les prochains jours. Il doit aboutir à des solutions concrètes pour tous les Corses et notamment la jeunesse : des solutions concrètes pour le travail, pour le logement, pour la transition écologique, pour le développement économique et la sécurité. Nous sommes prêts à ouvrir tous les sujets, y compris institutionnels. À les discuter en transparence, dans un esprit constructif et responsable. Mais ne cédons pas à la facilité, répondons au cas par cas à ce qui bloque où dysfonctionne. »

On en ressent d’emblée les limites : pas de reprise du mot « autonomie » qui avait marqué la visite en Corse de Gérald Darmanin en mars dernier, et recentrage sur la panoplie classique des « solutions concrètes » que l’État veut substituer au débat institutionnel de fond, dans une énumération qui élude notoirement les aspects culturels, langue et identité corses. La porte n’est pas totalement fermée, et le gouvernement, par la voix de son chef devant le Parlement, est prêt « à ouvrir tous les sujets, y compris institutionnels », mais cette ouverture est assortie de bien des réserves : « dans un esprit constructif et responsable », « sans céder à la facilité », « en répondant au cas par cas ». On aura compris, à ce message plutôt étriqué, que Mme Elisabeth Borne n’est pas seulement une « techno », elle est aussi, très probablement, issue du versant jacobin de l’État.

Aussitôt après, Gérald Darmanin a rencontré Gilles Simeoni pour fixer le calendrier immédiat du processus de dialogue, puis il a pris la parole dans le quotidien Le Monde pour essentiellement faire passer le message d’un nouvel élan dans la lutte anti-mafia sur l’île, répondant ainsi aux appels lancés sur l’île.

 

Tous ces prémices sont mitigés : le dialogue va avoir lieu, mais le niveau de contenu proposé semble tiré vers le bas par la Première ministre, dont on sait cependant qu’elle ne maîtrise pas directement le dossier qui est « managé » directement par l’Élysée en lien avec Gérald Darmanin. Les rendez-vous de juillet seront donc très importants pour y voir enfin un peu plus clair.

Si un accord entre le gouvernement et les élus corses peut être trouvé, cela ne pourra être sans un volet institutionnel fort qui inclura nécessairement une réforme de la Constitution. On passera alors à la phase deux du processus, qui devra dégager une majorité qualifiée nécessaire au vote des dispositions nouvelles retenues.

Pour cela, trois axes sont à travailler dès maintenant, comme cela a été fait à Strasbourg ce mercredi, en présence de Gilles Simeoni et de plus de vingt députés européens qui ont répondu à l’invitation de la Conférence sur l’Avenir de la Corse en Europe :

– l’axe insulaire et l’apparentement avec les réformes demandées dans d’autres îles françaises, Réunion, Guadeloupe, Martinique, etc.,
– le « droit commun européen » qui, dans les principaux pays, banalise l’autonomie comme solution institutionnelle aux situations spécifiques,
– la nécessité de « faire campagne » auprès de l’opinion publique française afin de désarmer les réflexes jacobins qui se sont forgés au long de son Histoire.

Les députés présents étaient PS, Verts, LFI et même de Renew, le parti d’Emmanuel Macron. Ils pourront contribuer à faire évoluer les esprits et à favoriser, le jour venu, les convergences nécessaires entre majorité et opposition pour faire voter le statut d’autonomie de la Corse. •