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Le professeur décapité

La scène d’horreur s’est déroulée aux portes de l’école. Le professeur quittait l’établissement. L’agresseur l’a rattrapé, poignardé puis décapité selon le rituel terroriste, et le spectacle de son martyr posté aussitôt sur internet. Le choc est grand. La société entière est traumatisée qui réalise qu’elle est loin d’en avoir fini avec le terrorisme et l’islamisme.

 

Les « massacres de masse », à Charlie Hebdo, au Bataclan, à Bruxelles et ailleurs, demandaient une infrastructure de base que l’État Islamiste d’Irak et Syrie ne peut plus fournir désormais, tant en argent qu’en commandos actifs. Mais l’idéologie islamiste a investi d’autres moyens et les « fous de Dieu » continuent, avec un terrorisme d’individus isolés mais prêts au Jihad jusqu’au suicide, à menacer les fondements du « vivre ensemble » nécessaire à toute société.
Car l’assassinat spectaculaire du professeur d’histoire de Conflans Ste Honorine par un jeune de 18 ans, tué à son tour juste après son acte barbare dans un affrontement avec la police, représente une menace pour la société à bien des niveaux.
Il menace la liberté d’expression, dans la mesure où il fait peser le risque de la mort sur ceux qu’il veut faire taire. Après ce crime, avec le relais d’internet, il suffira de quelques « piqûres de rappel », depuis des sites anonymisés mais explicites, pour actionner un phénomène « d’autocensure » chez chaque enseignant qui, pour illustrer son cours, avait pensé avoir recours aux dessins diabolisés de Charlie et des autres. Et cela pourra bien sûr aller plus loin, au bon vouloir des « faiseurs de fatwa » comme ceux qui ont, via internet, placé une cible dans le dos de ce malheureux enseignant.
Il menace l’école, en introduisant dans la communauté scolaire un ferment de division et de crainte mêlées. Enseignants face aux parents d’élèves, les problèmes sont fréquents. Aujourd’hui ils seront très difficiles à résoudre dès l’instant que l’on y décèlera, sans grand discernement parfois, une connotation religieuse en relation avec l’Islam.
Il menace les libertés publiques car le besoin de lutter contre cette délinquance extrême, d’apporter la sécurité à une population qui veut une fermeté proportionnelle à l’agression que l’on vient de vivre, appelle des logiques potentiellement liberticides.
Il menace la communauté musulmane dont on sait qu’elle est l’objet d’un racisme quotidien, au travail, sur la voie publique, sur internet… Comment pourra-t-elle se faire entendre dans ses justes protestations face à l’amalgame qui va la stigmatiser désormais ? Sans compter les « justiciers » qui verront dans chacune de leurs agressions imbéciles une réponse justifiée à l’acte terroriste qui vient de traumatiser une société entière. Tout cela ne fera qu’accroître les tensions et fera le jeu des extrémistes.
L’élément très déstabilisant de cet acte terroriste est aussi le profil « sorti de nulle part » de son auteur. Âgé de 18 ans à peine, il n’avait semble-t-il pas eu le temps de faire un parcours islamiste confirmé, même si l’enquête exhume quelques-uns de ses post internet très explicites. Mais apparemment il n’avait pas d’antécédent, il n’était pas fiché S, il était manifestement « hors des radars » de la police et de ses renseignements généraux, et il a agi apparemment seul, selon ce profil de « loup solitaire » déjà observé à plusieurs reprises, ne serait-ce qu’à Paris il y a quelques jours lors d’un attentat qui visait à nouveau la rédaction de Charlie Hebdo, un agresseur isolé avec une arme blanche, mais qui n’a heureusement pas fait plus que blesser deux personnes ce jour-là.
L’enquête va nous donner d’autres informations, et nous découvrirons peut-être que le bras de ce jeune a été armé et guidé par toute une organisation secrète passée sous les radars de la police et de ses multiples fichages. Ce serait sans doute blâmable, mais on pourrait toujours espérer, à l’avenir, resserrer à suffisance les mailles du filet pour que pareille déconvenue n’arrive plus.
Par contre, si la « génération spontanée » des djihadistes ne se tarit pas, il faudra être très pertinents et efficaces pour en enrayer le cours funeste. •

François Alfonsi

 

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