La soirée de solidarité avec la Catalogne à Bastia a eu pour moment fort le témoignage d’Elisenda Paluzie. La nouvelle Présidente de l’Assemblée Nationale Catalane a pris la suite de Jordi Sanchez, son prédécesseur, emprisonné à Madrid depuis 7 mois, et de Carmè Forcadell, première Présidente de cette immense association de 92.000 affiliés créée en 2012, elle aussi emprisonnée depuis deux mois pour avoir été, le 27 octobre dernier, la présidente de l’Assemblée parlementairequi, élue démocratiquement et légitimée par le résultat du referendum du 1er octobre, a voté la déclaration d’indépendance de la Catalogne.
La détention, des mois durant, et pour des années encore sans doute, de responsables politiques irréprochables dans leurs comportements, uniquement détenus pour avoir démocratiquement exercé le mandat donné par leurs électeurs,est insupportable. Mais, au delà de ces neuf prisonniers politiques pour lesquels il faut se mobiliser en vue de leurprocès annoncé pour cet automne, c’est toute la société catalane qui est poursuivie pour délit d’opinion.
Plus de 700 maires sur les 900 que compte la Catalogne sont par exemple poursuivis pour avoir tout simplement ouvert leurs bureaux de vote le 1er octobre. Tous sont sous la menace d’une inégibilité alors que les prochaines élections municipales auront lieu l’an prochain. C’est toute la démocratie catalane qui est donc visée par Madrid et, avec l’arme d’une justice instrumentalisée par le pouvoir politique, la répression s’attaque à tous les secteurs de la vie catalane.
Ainsi, dans les écoles aussi, l’intrusion répressive est institutionnalisée. C’est dans des écoles que les bureaux de vote lors du referendum du 1er octobre avaient été installés, et donc que les violences policières ont eu lieu, avec le matraquage en règle d’électeurs de tous âges, violences dénoncées sur les ondes internationales.
Les enseignants et leurs élèves qui ont vécu ces instants traumatisants en ont parlé le lendemain dans les salles de classe. Ces maîtres sont depuis poursuivis pour « incitation à la haine » et menacés d’interdictions professionnelles.
Dans d’autres écoles publiques, les enfants des forces de sécurité espagnoles (guardia civil) sont utilisés pour apporter des témoignages qui mettent en cause leurs maîtres qui continuent leur enseignement en faveur de l’immersion en catalan : eux aussi sont menacés d’interdictions professionnelles.
Les médias catalans et tous les journalistes du service publicsont sous la menace d’une prise de contrôle par Madrid, notamment la chaîne de télévision TV3 qui est la plus regardée du pays. Mariano Rajoy avait tenté cette prise de contrôle dès le début de la mise en place de la loi d’exception liée à l’article 155, mais avait dû reculer face aux protestations venues de médias d’Europe entière. Depuis, le pouvoir judiciaire traque tout et menace à tout moment de procès journalistes et directeurs de publication. Avec à la clef, toujours le même chantage : la révocation professionnelle.
Ce chantage s’exerce aussi sans retenue contre les forces de sécurité catalanes, les Mossos d’Esquadra, à qui Madrid reproche de ne pas avoir été assez serviles aux ordres de l’appareil répressif contre les élus catalans. Notamment, lejour du referendum, ils n’ont pas participé aux charges policières et ils avaient cherché à éviter les violences de la Guardia Civil. Leur responsable, José Luis Trapero, et plusieurs de ses adjoints, sont depuis poursuivis pour des délits de « sédition et d’organisation criminelle », et nombre d’entre eux sont révoqués ou menacés de révocation.
C’est dans ce climat « post-franquiste », digne de la Turquie d’Erdoggan, que se prépare le procès des emprisonnés et des exilés qui aura lieu cet automne. Ce procès devra être l’occasion d’un grand mouvement de solidarité en Europe.
Elisenda Paluzie n’a donc pas terminé de témoigner devant l’opinion européenne. A Bastia, elle a engrangé l’adhésion et le soutien de 250 participants, dont les Présidents de l’Exécutif, Gilles Simeoni, et de l’Assemblée, Jean Guy Talamoni, ainsi que plusieurs personnalités politiques insulaires dont Pierre Savelli, maire de Bastia et Paul Félix Benedetti, leader de Core in Fronte.
Pour la France, Bastia a ainsi été le point de départ d’une mobilisation dont la prochaine étape sera le 03 juillet prochain à l’Assemblée Nationale à l’invitation des trois députés insulaires.
François Alfonsi.