Lors des deux journées de son voyage officiel en Corse, Emmanuel Macron a délibérément porté un message de fermeture.
Le choix du contexte de la commémoration de l’anniversaire de la mort du Préfet Erignac, et plusieurs signaux délibérément donnés, le laissaient présager.
En deux discours, le premier lors de l’hommage au Préfet Erignac à Aiacciu, l’autre devant les élus de la Corse à Bastia, Emmanuel Macron a voulu fermer toutes les portes ou presque. Une seule concession a été faite aux 56,5% des Corses qui ont voté pour la majorité nationaliste: la révision constitutionnelle de l’été 2018 fera une place à la demande d’inscrire la Corse dans la Constitution. Mais l’orientation est claire : ce sera une avancée limitée à l’article 72 de la Constitution, de l’ordre du symbolique, certainement pas une porte ouverte à une évolution vers l’autonomie telle qu’elle existe dans la plupart des autres îles de Méditerranée.
Mais plus que le coup de frein aux évolutions institutionnelles que le Président Macron a voulu signifier durant ces deux jours, la forme a montré à quel point les « faucons » de l’entourage présidentiel ont été entendus.
L’insistance pour que Mme Erignac soit du voyage officiel, l’invitation lancée à Jean Pierre Chevènement malgré le fiasco inouï de l’épisode Bonnet dont il a porté l’entière responsabilité, ont alourdi le climat pesant de cette première journée.
Deux piques indignes ont été les passages les plus choquants du premier discours. L’une a été contre les avocats, dont Gilles Simeoni, qui ont eu à « plaider » en faveur du commando et particulièrement d’Yvan Colonna.
L’autre a été pour stigmatiser les militants condamnés pour cette action au même rang que les terroristes du Bataclan, alors que ce meurtre n’avait rien d’aveugle et ne peut en aucun cas leur être rattaché. Mais, en s’appuyant sur ce parallèle, cela permettait à Emmanuel Macron de rejeter brutalement toute éventualité d’une amnistie. Ainsi, c’est toute une ambiance mémorielle agressive qu’Emmanuel Macron s’est attaché à entretenir lors de cette première journée.
La deuxième journée, quant à elle, a été consacrée à dénier aux élus corses du suffrage universel, qualifiés « d’élus locaux » devant les caméras de télévision, la représentativité qui est la leur comme représentants légitimes du peuple corse. Le décorum de l’Albore avait été soigneusement agencé pour qu’il ne diffère en rien de ce qu’il aurait été en Seine et Marne ou ailleurs, ignorant délibérément le drapeau corse. Et le discours a été navrant de poncifs et d’absence de volonté de dialogue.
Tout ou presque a été fin de non recevoir : statut de résident, coofficilaité de la langue corse, autonomie et pouvoirs spécifiques d’ordre législatif, etc… « L’adaptation des lois » n’est envisagée que pour la loi littoral et la loi montagne afin de « libérer la construction », l’insertion dans l’espace méditerranéen devra se faire selon un «plan élaboré par le Préfet », la langue corse a de l’argent à suffisance (9 M€) c’est juste « un problème d’efficacité », etc….
Le comble de la pensée jacobine a été formulé à propos de l’identité corse qui ne serait tolérable qu’à condition d’être une forme de l’identité française, magnifiée par l’adhésion à la République. Comme si la culture corse n’avait jamais existé avant que la Corse ne devienne possession du roi de France !
Le fossé entre Emmanuel Macron et la Corse n’est pas que politique. Il est aussi profondément culturel, entre un peuple qui affirme son droit à décider de son avenir en Europe, et un État uniformisateur incapable de se réformer en acceptant le fait démocratique exprimé par le vote de décembre 2017.
Mais, après cinquante années de combat, il est clair que le peuple corse a retrouvé le sens de son Histoire. Le quinquennat d’Emmanuel Macron ne pourra certainement pas défaire « u riacquistu naziunale » réalisé durant toutes ces années, et attesté de façon démocratique et éclatante par le « fait politique majeur », comme l’a qualifié le Président de l’Association de Régions de France Hervé Morin, du score de 56% obtenu par la liste Pè a Corsica aux dernières élections territoriales.
François Alfonsi.