Le malaise de la jeunesse corse

La libération pour faute de procédure de Julien Muselli et Adrien Matarise est vraiment la bienvenue. En effet, leur détention préventive depuis plusieurs mois cristallisait une tension palpable au sein de la jeunesse. La rafle de 19 arrestations opérée au petit matin la semaine dernière parmi d’autres jeunes a encore renforcé le sentiment d’injustice qui envahit toute une génération. Il y a un vrai malaise auquel il faut savoir répondre !

Les deux jeunes supporters du S.C.B avaient été arrêtés à la suite de la découverte par la police d’un « arsenal » en marge d’une manifestation de soutien à Maxime Beux, le jeune bastais qui a perdu un œil dans des affrontements avec la police à Reims. Ce stock d’engins était destiné, selon les dires de la police, à faire dégénérer une manifestation qui, en fait, n’a pas dégénéré.
Leur arrestation, plusieurs mois après les faits, a été opérée dans le sillage des manifestations de policiers qui ont eu lieu cet automne à travers la France. Il fallait ainsi, à travers ses amis, jeter le doute sur le statut de victime de Maxime Beux suite aux violences policières qui lui ont fait perdre un œil à Reims. D’ailleurs lui-même était aussi visé par les analyses ADN mises en avant par les enquêteurs.
L’hypothèse d’une manipulation a été avancée par les défenseurs des deux interpellés, manipulation destinée à faire contre-feu à la plainte déposée contre les violences policières de Reims par Maxime Beux et d’autres supporters du SCB. Les avocats ont fait aussi valoir qu’il était inconcevable que ces jeunes continuent de croupir en prison pour une manifestation qui, justement, n’avait pas dégénéré !
Depuis d’autres affaires sont survenues qui ont mis en lumière des pratiques policières répandues pouvant conduire à des blessures graves chez des manifestants que l’on disperse ou que l’on contrôle comme ce jeune Théo violenté en région parisienne. L’hypothèse de violences policières apparaît de plus en plus crédible. Et le sentiment d’injustice est de plus en plus partagé par tous les jeunes corses.
Un même processus de tension a été mis en œuvre avec la condamnation de Nicolas Battini, Stéphane Tomasini et Joseph Marie Verdi à des peines outrageusement répressives en octobre dernier. Le maintien en détention après plusieurs années déjà passées en préventive des jeunes militants de Ghjuventù Indipendentista est devenu de plus en plus intolérable, et cela a provoqué des manifestations de soutien à Corti, Aiacciu, et ailleurs qui ont dégénéré.
Pour réprimer ces manifestations, mardi dernier, ce sont 19 jeunes qui ont été raflés dans une opération policière menée au petit matin à Aiacciu, Corti, Lìsula, etc… Aussitôt, d’autres jeunes se sont mobilisés à Aiacciu, et ont lancé des cocktails Molotov contre des policiers qui ont dégainé leur arme. Et si un jour tout dérapait ?
Les 19 militants interpellés ont été libérés, mais, suite à ces incidents, c’est un jeune de 17 ans à peine qui a été incarcéré à Borgu pour jet de cocktail Molotov. L’engrenage continue sans cesser d’aspirer de nouveaux jeunes dans un cycle de répression sans fin.
Il est grand temps de faire baisser toutes ces tensions.
Car la crise de la jeunesse insulaire ne cesse de s’aggraver, avec le chômage qui continue de les toucher au premier chef. Les incidents qui se sont succédé ont montré un début de radicalisation, une révolte contre cette société dont le mouvement nationaliste est désormais partie prenante puisqu’il y exerce d’éminentes responsabilités. Notre participation à « l’establishment » de la Corse doit nous rendre encore plus attentifs à ces messages de révolte, et aussi aux autres indicateurs qui montrent que la crise est profonde.
En quelques semaines, policiers et douaniers n’ont jamais réalisé autant de saisies de drogue, ni démantelé de trafics. Les quantités saisies atteignent des niveaux jamais atteints, ce qui signifie que les consommateurs insulaires n’ont jamais été aussi nombreux. Et parmi eux, beaucoup de jeunes…
Il n’y a pas de projet national qui réussisse sans que la jeunesse ne s’y reconnaisse. Quels moyens mobiliser pour y parvenir ? En tous les cas cela doit être une priorité !

François ALFONSI

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