Le soir-même de sa victoire électorale, le maigre rassemblement sur l’immense Champ de Mars au pied de la Tour Eiffel exprimait à quel point l’élection d’Emmanuel Macron a suscité peu d’enthousiasme, y compris parmi ceux qui l’ont voté. Ce sera toute la difficulté du quinquennat à venir. Emmanuel Macron a dilapidé son capital de confiance, même parmi ceux qui se sont résolus à voter pour lui plutôt que de laisser les rênes d’un grand pays européen entre les mains de l’extrême-droite populiste. Abstention, votes blancs et nuls, écart avec Marine Le Pen réduit de moitié en cinq années : son impopularité se mesure de plusieurs façons à l’aune du suffrage universel.
Abstention supérieure de 12 points par rapport au niveau habituel lors d’un second tour d’élection présidentielle, auxquels s’ajoutent plus de six points de votes blancs et nuls : ces presque 20 % d’opposants silencieux sont les plus inquiétants pour lui car ils sont l’épée de Damoclès qui pèsera au-dessus de sa tête pendant cinq ans. Qu’ils basculent vers ses opposants, Marine Le Pen ou d’autres, et le voilà devenu minoritaire !
La situation risque même de se compliquer dès les élections législatives. La logique des « trois blocs », macronistes, extrême-droite et « union populaire », continuera dans beaucoup de circonscriptions du continent. Avec le mécanisme institutionnel en vigueur cela donnera le plus souvent ballotage au premier tour, puis, car la participation sera faible, deux qualifiés seulement au second tour. Et à chaque fois se jouera le même « match » où le candidat de Macron, s’il arrive au second tour, devra affronter les reports potentiels contre lui de ses opposants et des abstentionnistes. Dans ce grand loto électoral, bien malin qui peut prédire quelle sera la composition finale de l’Assemblée Nationale !
Puis viendra le temps de la protestation contestataire. Elle n’a pas manqué lors du premier quinquennat, entre gilets jaunes et mobilisations anti-vaccins. Le plus probable est qu’elle redouble sous la pression d’un coût de la vie qui dérape durablement alors que l’inflation s’emballe dans le monde, conséquence directe de la guerre qui a cours en Ukraine. Or la confrontation avec Vladimir Poutine ne fait que commencer. L’enlisement de son offensive au Donbass semble désormais possible, et certains diplomates occidentaux, particulièrement américains, envisagent même une défaite de l’armée russe. Ce qui endiguerait la logique expansionniste de Poutine, mais ne calmerait pas pour autant ses pulsions vengeresses. L’Europe ne retrouvera pas demain les opportunités qu’avaient permises un gaz russe abondant et à bon marché !
Comment toute cette agitation internationale rejaillira-t-elle sur la politique française ? Ses opposants principaux, Marine Le Pen et Jean Luc Mélenchon, vont être gênés aux entournures, et Emmanuel Macron pourrait en tirer avantage. Mais cela suffira-t-il pour renverser la vapeur ?
En Corse, toutes ces tendances du vote national se sont retrouvées amplifiées. Amplifié le phénomène de rejet d’Emmanuel Macron, qui y fait son score de second tour le plus bas, gonflant ainsi comme une bulle le score de Marine Le Pen. Amplifiés aussi l’abstention, et les votes blancs et nuls, presque 10 % sur l’île contre 6,5 % sur le continent.
Ici, l’actualité politique va reprendre son cours et dépasser rapidement le cadre posé durant l’élection présidentielle. Pour les élections législatives, la Corse reviendra aux fondamentaux du débat sur l’avenir du peuple corse, avec deux objectifs immédiats : la table de dialogue sur l’avenir de la Corse annoncée par Emmanuel Macron à l’issue des événements qui ont suivi le décès en prison d’Yvan Colonna, et la nécessité de confirmer une représentation forte des nationalistes à l’Assemblée Nationale lors des élections de juin prochain.
Dès à présent une nouvelle campagne commence. •