Depuis septembre 2022, le processus qui doit conduire à l’autonomie de la Corse est dans l’impasse. Tous les acteurs sont amenés à en faire le constat, alors que débute la nouvelle année. Mais faut-il pour autant abandonner l’idée d’avancer ?
À cette heure, il n’y a pas d’obstacle formel à une nouvelle réunion du « processus Beauvau » placé sous l’égide de Gérald Darmanin. Mais il n’y a pas non plus de rendez-vous fixé. Dans cette incertitude, chaque jour qui passe ne fait que fragiliser la construction politique qui a été actée en mars dernier.
La première contradiction est celle de l’État qui est à la fois puissance invitante et force paralysante. Il parle d’un « dialogue sans tabou » mais il n’est pas en mesure de créer de bonnes conditions pour ce dialogue.
Chaque réunion du processus est ainsi placée sous l’hypothèque de rendez-vous judiciaires dont il est clair que l’issue conduira -ou non- à la possibilité de la maintenir. Ainsi, après la séance de travail plutôt réussie de septembre, le rendez-vous fixé début novembre a été parasité par la décision négative concernant la liberté conditionnelle de Pierre Alessandri, décision cassée et rejugée en décembre, mais avec un délibéré renvoyé à fin janvier, ce qui rend toujours incertaine, trois mois après, la tenue d’une nouvelle réunion. Que peut-on espérer de ces atermoiements interminables ?
Du côté de la Collectivité de Corse et des autres participants insulaires (parlementaires, représentants des collectivités locales), il est important que la délégation soit aussi complète que possible à chaque rendez-vous. C’est ce dont l’Exécutif avait tenu à s’assurer après la première décision de report en la réunissant au siège de l’Assemblée de Corse en novembre. Un communiqué en a résulté, signé par tous les participants à l’exception de l’élue Corsica Lìbera. Puis l’Assemblée de Corse a débattu, et confirmé l’appui de tous les groupes qui considèrent que le processus doit réussir, chacun souscrit à cette nécessité, et que la volonté politique côté Corse doit recevoir en retour un engagement politique au plus haut niveau de l’État.
Mais l’actualité nationale comme internationale du gouvernement français et du chef de l’État s’impose à chaque fois et renverse les priorités au détriment de la Corse. Pendant ce temps, sur l’île, le doute s’installe et les manipulations sont rendues possibles. Le Président de l’Exécutif a été ainsi l’objet de menaces dont il a fait état lors de ses vœux à la Corse et dont il faut souligner à quel point elles créent un climat délétère. Femu a Corsica se réunira en force le 15 janvier prochain pour son Assemblée Générale et pour apporter à Gilles Simeoni tout son soutien face à ceux qui l’attaquent sournoisement, y compris à travers son fils victime le mois dernier d’un attentat non revendiqué.
Mais la meilleure façon d’écarter les oiseaux de mauvais augure est indéniablement de relancer la dynamique du processus. C’est d’autant plus urgent que chaque mois qui passe obère le dialogue engagé qui est tributaire d’une réforme constitutionnelle dont le calendrier est nécessairement lié à la première moitié de l’actuel quinquennat Macron, soit avant la fin 2024 au plus tard. Aucun dialogue ne pourra prospérer d’ici là sans que le climat ne soit à nouveau fiable et serein face aux échéances.
Gérald Darmanin se prévaut de l’aval du Président de la République dans ses démarches, mais il est impuissant à faire taire la vindicte de l’appareil d’État vis-à-vis de la Corse. Le dossier des prisonniers politiques est emblématique de cette impuissance, mais il ne fait que démontrer le problème de fond, celui de la rigidité des institutions jacobines en France.
Même si l’on sort de l’impasse actuelle, la route restera difficile et cahoteuse pour cheminer jusqu’à l’autonomie de la Corse. Mais il n’y a pas d’autre route pour l’avenir du peuple corse.
À chacun d’en saisir l’opportunité et d’apporter tout son soutien pour que la dynamique du dialogue reprenne, et pour qu’il réussisse. •