Le statu quo ne peut plus être une option démocratique

La valse hésitation au sommet de l’État continue de plus belle à propos de la Corse, et les déclarations contradictoires de la «Madame Corse » du gouvernement en sont le signe. Gilles Simeoni lors de son discours d’investiture s’est adressé directement au chef de l’Etat.

Première réponse dans moins de trois semaines, pour la venue programmée d’Emmanuel Macron à Aiacciu.

 

Côté corse, les choses sont clairement posées. La progression spectaculaire des scores du mouvement nationaliste entre décembre 2015 et décembre 2017, jusqu’à donner une majorité « super-absolue » (plus de 55% des voix) au Président de l’Exécutif, exprime une volonté démocratique claire et nette. La Corse doit évoluer, rompre avec son passé, et trouver un cadre nouveau pour son avenir. Cette volonté est inscrite dans la durée, et elle traverse toute la société, quelles que soient les générations, les origines ou les classes sociales.

 

Depuis juin 2017, un nouveau pouvoir a pris les rênes de l’Etat français, avec une forte personnalisation autour du Président élu, Emmanuel Macron. Dès le lendemain de sa prise de fonction, celui-ci a reçu le message fort, bien plus fort que ce qui était anticipé, à travers l’élection de trois députés nationalistes sur les quatre que compte la Corse. La victoire du 10 décembre 2017 était alors annoncée, et seule son ampleur restait incertaine. Qu’elle ait été aussi forte n’a fait que renforcer encore le message en faveur d’évolutions majeures pour la Corse.

A cette demande, l’Etat doit répondre. Il n’y est manifestement pas prêt.

Déjà, alors que personne ne s’y attendait, Emmanuel Macron avait fait de l’ordonnance de Villers-Cotterêts qui avait intronisé le français comme langue officielle en 1539 un symbole de sa campagne. Cette référence inattendue ne pouvait rien annoncer de très bon.

Puis, durant les premiers mois après son élection, il s’est refusé à embrayer sur son « discours de Furiani », qui avait annoncé un «nouveau pacte girondin ». Aucune proposition n’a été mise en avant, et dans ses déclarations publiques, éparses, où la question corse est abordée de façon accessoire, c’est au contraire une tonalité bien jacobine qui s’exprime.

 

Ainsi, en toute fin du mois de décembre, alors qu’il commentait pour un journal madrilène les élections catalanes qui ont confirmé la majorité absolue du mouvement nationaliste à la Generalitat, il a répondu à propos de la Corse : « il est possible de réfléchir à des évolutions possibles […] mais qui doivent s’inscrire dans un cadre, celui de la Constitution. Ce cadre républicain ne peut pas répondre à certaines exigences, telles que le statut de résident ou la coofficialité de la langue corse. »

« Il est possible de réfléchir à des évolutions possibles » : difficile de faire plus minimaliste dans le propos ; et, dès lors qu’il faut « s’inscrire dans le cadre » d’une Constitution fondamentalement jacobine, où est l’espace du prétendu « pacte girondin » ?

 

Cette « tonalité jacobine » s’est aussi exprimée à travers la nomination de Mme Jacqueline Gourault, dont la mission semble pour le moins manquer de volonté politique affirmée. L’annonce faite à Aiacciu, en présence de Gilles Simeoni et Jean Guy Talamoni, de l’adjonction d’une mention sur la Corse lors de la réforme constitutionnelle engagée par Emmanuel Macron pour l’été prochain s’est transformée, une fois de retour sur le continent, en un énigmatique «on verra » répondu à un journaliste qui lui en pose la question sur une radio nationale. Et, dans cette même interview, elle martèle, réfutant la notion de peuple corse, et la coofficialité : « dans la République, il n’y a qu’un seul peuple, le peuple français. Et il n’y a qu’une seule langue ».

 

Cette question de la langue sera très certainement centrale dans les discussions à venir, car, pour une langue menacée de disparition selon le diagnostic scientifique posé par l’Unesco, il faut impérativement que la coofficialité, en vigueur dans le reste de l’Europe, le soit en Corse également. En fait le gouvernement est sous la pression de l’attente démocratique qui s’est exprimée en Corse très majoritairement, mais Emmanuel Macron n’entend rien céder de ses principes jacobins. Cependant, le déni de démocratie que cette position induit sera difficilement soutenable. Face à la question corse, le statu quo ne peut plus être une option démocratique.

François Alfonsi.

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