Municipales, 2d tour

Victoires nationalistes

Le second tour des élections municipales n’a concerné qu’une partie des électeurs de l’île. Mais les enjeux étaient très importants pour l’avenir, notamment à Bastia et Portivechju. Le bilan est clair et net : la « Corse d’avant », celle des héritiers de Giacobbi et Rocca Serra, est désormais largement « dégagée » de la vie politique en Corse.

 

En perdant sa position forte à Portivechju, et en échouant dans sa coalition « républicaine » à Bastia, la classe politique qui a dirigé la Corse jusqu’à décembre 2015 semble bel et bien avoir perdu la partie. Ni pour préserver ses acquis portovecchiais, ni en réalisant « l’union sacrée » à Bastia, les forces politiques du passé n’ont réussi à concrétiser les espoirs que le premier tour, mené de façon plutôt chaotique à cause de la crise sanitaire, leur avait donnés.

Très clairement, les nationalistes, qui n’ont finalement pas vraiment souffert de leurs débats internes à l’heure du bilan final, ont remporté l’élection municipale en dépit des difficultés de l’exercice du pouvoir. En effet, malgré l’incertitude entretenue jusqu’à la veille du scrutin, les scores sont sans appel : Pierre Savelli, largement en tête de la triangulaire, frôle la majorité absolue à Bastia en mettant son principal opposant dix points derrière lui, et Jean Christophe Angelini remporte avec 10 points d’avance son duel contre Georges Mela.

Certes Portivechju et Bastia ne sont pas toute la Corse. Il reste à la droite sa position forte d’Aiacciu, celle de Calvi et d’autres. Mais le processus enclenché à Bastia en 2014 a franchi plus largement encore que prévu l’obstacle de sa confirmation bastiaise, et il a obtenu plusieurs avancées notables dans des communes où de nombreux élus affichent désormais une étiquette nationaliste conquérante.

La poursuite de l’expérience nationaliste à la tête de la municipalité de Bastia, et l’aboutissement victorieux de vingt années d’opposition nationaliste à Portivechju, marqueront un virage politique important.

Le message est d’abord adressé à l’État : ce n’est pas de sitôt – même si, en politique, tout peut arriver – que les forces politiques nationalistes seront en position de perdre leur majorité au sein de la Collectivité de Corse, dans la mesure où l’idée autonomiste a démontré qu’elle était durablement majoritaire en Corse. C’est un message essentiel à ceux qui, depuis Paris, et depuis décembre 2015, ont misé sur le caractère réversible du basculement de la Corse dans une démarche politique autonomiste.

Au sommet de l’État jacobin, on a espéré à toute force que les partis anti-nationalistes redeviennent majoritaires dans l’île comme ils l’avaient été jusqu’à 2015. Leur refus de toute avancée pour ouvrir la Constitution française en direction d’une autonomie de la Corse est obstiné, et ils ont spéculé depuis 2015 sur un caractère réversible de la victoire nationaliste en Corse. Les municipales ne suffiront pas pour renverser ce blocage fondamental chez nos ennemis, mais, obligatoirement, elles créent le doute chez eux. Car si les nationalistes devaient rester encore des décennies à la tête des institutions de la Corse, comment pourront-ils tenir leur position de totale fermeture et ne pas céder, à plus ou moins long terme sur l’essentiel ?

L’« accord de Bastia » entre les ennemis d’hier, radicaux zuccarellistes et tattistes, et la droite affiliée aux Républicains, était plus qu’un accord municipal. Il avait une portée insulaire avec le mandat accordé à Jean Martin Mondoloni, malgré son très faible score de premier tour, pour représenter Bastia dans le « bloc d’opposition » à Gilles Simeoni lors des prochaines territoriales, aux côtés de Laurent Marcangeli élu maire d’Aiacciu dès le premier tour, et leader désigné de l’opposition à la majorité nationaliste.

Leur échec municipal bastiais, et leur défaite à Portivechju, mettent cette stratégie en grande difficulté. La route est désormais ouverte aux nationalistes pour rééditer en mars 2021 la victoire de décembre 2017. Reste à en matérialiser la configuration politique pour mars prochain, et à faire la démonstration que les difficultés de la gestion de la Collectivité de Corse et des grands dossiers en cours (relance économique, déchets, etc.) pourront trouver des solutions efficaces grâce aux élus nationalistes dans les semaines et les mois à venir.

Surtout ne pas s’endormir sur ses lauriers, savoir se remettre en cause autant que de besoin, et aller vers ces futurs combats avec méthode et organisation. Notre parti, Femu a Corsica, doit jouer un rôle essentiel pour cela.

François Alfonsi