Dans le temps court, moins de 48h, qui sépare la proclamation des résultats du premier tour et le dépôt des listes en vue du second tour, se joue le temps long, celui de tout un mandat prévu pour durer presque sept années. Comme attendu, le vote de ce dimanche a confirmé les deux favoris, le sortant nationaliste Gilles Simeoni, et son challenger de droite Laurent Marcangeli. Deux autres listes se proposeront aux suffrages dimanche prochain, celle regroupant le PNC et Corsica Lìbera, et celle de Core in Fronte.
L’éclatement du mouvement nationaliste est une conséquence paradoxale de son succès électoral. Ayant regroupé près de 60 % des voix au premier tour, il peut se permettre d’aller au second tour avec trois listes, tout en gardant bon espoir d’être le gagnant final.
La moitié de ces électeurs a voté pour la liste Simeoni (29,2 %), un petit quart pour celle de Jean Christophe Angelini (13,2 %), tandis que les formations indépendantistes Core in Fronte (8,3 %) et Corsica Lìbera (6,9 %) se sont partagées le quart restant.
En ratant la marche du second tour, fixée à 7%, d’une poignée de voix, Corsica Lìbera a été contraint de faire alliance pour espérer garder des élus à l’Assemblée de Corse. Sa coalition électorale avec le PNC part ainsi d’une base de 20,1 %, plus de cinq points derrière le score de premier tour de Laurent Marcangeli, et presque 10 points derrière celui de Gilles Simeoni. Leur union contrainte se transmutera-t-elle en union dynamique capable de combler de tels écarts ? On peut en douter.
Gilles Simeoni, fort de son bon score de premier tour, a probablement regardé vers un horizon plus lointain que l’élection avant de prendre sa décision de déposer une liste inchangée pour le second tour. Avec l’expérience des dernières années, où la « solidarité gouvernementale » a été soumise à rude épreuve, il a saisi l’opportunité que lui ont donné les électeurs de continuer seul, avec des colistiers, et donc des conseillers exécutifs, qu’il aura choisi lui-même.
Cette stratégie comprend une prise de risque sur le second tour, si Laurent Marcangeli réussissait à mobiliser de nouveaux partisans, au point de combler l’écart qui le sépare de Gilles Simeoni. Pour bien faire, Gilles Simeoni devra se hisser à 40 % des voix au second tour pour disposer d’une majorité stable au sein de l’Assemblée de Corse. C’est à ce « vote utile » que les électeurs corses, en particulier nationalistes, sont appelés désormais.
Certains, éliminés au premier tour comme les écologistes dont la liste a obtenu 3,75 % des voix, pourraient le faire. D’autres aussi, pour assurer la victoire du mouvement nationaliste à travers celui qui a les meilleures chances de l’emporter.
Au-delà de ces considérations tactiques, ce scrutin de juin 2021 marquera une nouvelle étape dans la progression du mouvement nationaliste, surtout s’il s’installe à nouveau à la tête des institutions de la Corse, ce qui est logique tant il domine la scène politique insulaire désormais.
Cette implantation durable du vote nationaliste comme vote majoritaire en Corse est le principal enseignement politique du scrutin. C’est le message principal que les électeurs, au-delà de la pluralité de leurs votes, ont adressé au gouvernement. À cet égard, il faut souligner la bonne participation des électeurs corses, qui est presque le double de celle observée dans les régions de l’Hexagone, ce qui donne encore plus de force encore à leur message.
Emmanuel Macron et ses ministres et Préfets ont ostensiblement fait connaître leur préférence pour les adversaires de Gilles Simeoni, particulièrement en faveur de Laurent Marcangeli promu au rang de leader du « parti français ». Assurer sa défaite dimanche prochain est assurément l’objectif numéro un.
Pour l’atteindre, il n’y a aucune hésitation : votez Simeoni ! •