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L’Europe et la Corse

Max Simeoni
Max Simeoni
En 1989, l’UPC parvient à poser la candidature de Max Simeoni sur la liste des Verts français à l’élection du parlement européen. C’est une candidature « Avvene Corsu » représentant les deux grandes familles du nationalisme corse, autonomistes et indépendantistes, mais aussi les autres régions opprimées en France. L’éditorial du 21 juillet 1989 lance la campagne à l’occasion d’un congrès européen organisé en Casinca par le mouvement autonomiste.

 

 

L’Europe et la Corse

par Max Simeoni

 

«La Corse est une colonie ». Indépendante et première démocratie d’Europe au XVIIIe siècle, elle a été conquise par les armes de Louis XV et soumise à l’intégration « colonialiste » par un décret de la Convention.

Par la loi douanière* et le monopole du pavillon, la France a annihilé l’économie spécifique de l’île et l’a rendue entièrement dépendante. Par l’école de Jules Ferry, et la langue française obligatoire, la seule officielle, elle a gommé sa culture.

 

La France a vaincu le Peuple Corse et a réécrit son histoire pour qu’il perde jusqu’à sa mémoire. De la sorte, elle pouvait récupérer les hommes corses blanchis de leur culture et de leur histoire et les utiliser dans le système jacobin français où leur promotion individuelle était possible à ce prix.  À quel prix ? À celui de renoncer à la terre corse et à un destin de Peuple sur cette terre, à tout destin pour la communauté corse.

La Corse reste encore une colonie. La terre n’appartient pas aux Corses de jure puisqu’il n’existe pas de Peuple Corse de jure. Leur économie est dérisoire ; ils sont entièrement dépendants du Continent. Les circuits de distribution et les grandes surfaces leur font consommer les productions continentales qui étouffent les leurs. La langue et la culture restent folklorisées. Malgré les acquis de la lutte des nationalistes, rien de fondamental n’a changé dans le processus colonialiste. La lutte ne pourra prendre fin qu’avec la reconnaissance du Peuple Corse et de ses droits. Il est clair que les gouvernements français ne sont pas mûrs pour tirer actuellement les leçons de l’histoire.

Les nationalistes ont des approches tactiques et stratégiques différentes, mais l’accord sur le fond et l’objectif sont identiques. Toutes troisième voie, tout aménagement du statut actuel est une impasse. La reconnaissance du Peuple Corse, première communauté de droit sur la terre corse est la seule base de construction possible. Il ne peut y en avoir d’autre.

Les atermoiements actuels des clans et du pouvoir central n’y changeront rien. L’usage de la répression politique de même. Ce fait historique admis, l’UPC pense que l’Autonomie interne complète peut être une solution convenable dans l’intérêt de la France et de la Corse. Elle pense que, si moralement le droit à l’indépendance est fondé, le combat pour l’indépendance lui semble plus difficile, aléatoire, illusoire que réaliste.

L’Europe de l’Acte Unique, à ce stade de la lutte d’émancipation vient à la fois aggraver un certain nombre de données mais aussi offrir d’autres moyens.

Si la Corse, maintenue enchaînée par le corset jacobin et violentée en permanence sans défense, ligotée, reste de même dans l’ensemble européen, elle verra sa situation empirer. « L’ouverture des frontières » rend cette possibilité la plus probable.

 

Il est incontestable que la lutte nationaliste a les moyens de l’empêcher. Dès lors il peut être un jour admis que l’autonomie devienne la solution française pour la Corse dans l’Europe.

L’île, sans aucun moyen de se gouverner ne peut que devenir un satellite pour la masse continentale européenne, rendue entièrement captive et dépendante d’elle et non plus seulement de l’État français.

Le problème pour l’État français est de savoir s’il sera capable d’exercer une lutte intelligente et généreuse après en avoir exercé une coloniale et abusive. Le Peuple Corse défendra ses droits à l’existence et son identité envers et contre tout. Il saura trouver les voies et les moyens pour accélérer son processus d’émancipation. Au finish, le Peuple Corse ne peut plus perdre.

Aujourd’hui, par ce congrès de l’UPC, nous voulons remercier les peuples minorisés, Bretons, Basques, Occitans, Flamands, Alsaciens, Savoyards… qui ont soutenu la candidature nationaliste d’Avvene Corsu.

 

Nous saurons être leur porte-parole s’ils continuent à nous faire confiance. Nous voulons saluer fraternellement les peuples des autres pays avec lesquels nous avons déjà depuis assez longtemps commencé notre regroupement pour une force internationale des nationalistes. Les Basques (du Sud), les Sardes, les Irlandais, les Flamands notamment, mais aussi beaucoup d’autres. Nous voulons saluer Antoine Waechter et les Verts français qui ont opté sans ambiguïté pour l’Europe des Peuples solidaires. Ils nous ont permis de faire déboucher cette candidature d’Avvene Corsu.

Tous ensemble nous voulons faire cette Europe des peuples solidaires et lutter contre celle des États dominants et des multinationales.

Le mandat que j’ai reçu de vous est clair. Il ne peut servir que cette cause commune qui est une seule et même cause. J’y consacrerai toutes mes forces. •

 

* La loi douanière fut appliquée à la Corse de 1818 à 1913. Elle consistait à taxer tous les produits corses à l’exportation sur le Continent et elle permettait aux produits français d’arriver dans l’île en détaxe totale.