par Max Simeoni
Le Corse Matin de ce lundi 31 mai va me servir pour l’article d’Arritti. N’ayant pas pu suivre à la radio le Facebook live consacré à Gilles Simeoni, j’y reviendrai si besoin la semaine prochaine.
Le quotidien Corse Matin du lundi 31 mai affiche à la Une deux titres, sur toute la page « Collectivité de Corse, l’heure des comptes » qu’il développe en page 2 et 3, et en haut de page le second « Des camions de marchandises venant du Portugal provoquent des crispations » traité sur la page 12.
« L’heure des comptes » me semble un exposé qui présente surtout les thèses des candidats pour les élections Territoriales dans trois semaines. L’exercice habituel face à l’opinion avant un scrutin, bilan des sortants justificatif contre réquisitoire sans concession de l’opposition, bien connu de tout électeur.
Les journalistes (P.N. et J.M.) se posent la question de la santé financière de la CdC, nouveau statut spécial de Caseneuve, après trois années d’existence et d’exercice budgétaire, en mettant en parallèles les arguments contradictoires des compétiteurs. Ils donnent leur sentiment en tout en début de la page 1. « Les trois années de la mandature sont un test pour la nouvelle collectivité… qui a montré sa viabilité mais des indicateurs financiers dégradés. » À partir des arguments avancés, il me suffira de citer les sous titres pour le lecteur sache en quoi ils consistent.
« L’héritage des conseils départementaux », les dépenses de fonctionnement (73% du budget, seulement 27% d’investissement) selon l’Exécutif un problème important à devoir résoudre dans les prochaines années. Certes admet l’opposition mais le choix de pourvoir tous les postes ouverts en dépit d’effectifs en nombre suffisant a fait que les emplois absorbent 45% de l’augmentation des recettes…
« Controverse sur les investissements », 4% de plus par habitant que les régions et départements ensemble du continent dit l’Exécutif mais moins performantes que les trois anciennes entités d’avant car ces 4% sont gonflés par le remboursement de la dette et les subventions, l’investissement réel serait donc que de 1/3 et finalement la CdC risque de ne plus pouvoir investir. Non ! selon l’Exécutif car avec l’emprunt on a résorbé le passif et soldé les emprunts toxiques antérieurs.
L’autre reportage p.12, concernant les semi-remorques venant du Portugal à Aiacciu qui « provoquent des crispations », est démonstratif du marché captif qu’est notre île entièrement dépendante. Ils viennent pour certaines entreprises locales ou des particuliers des matériaux BTP qui prennent livraison sur le bord de la route, d’où la crispation des professionnels locaux qui dénoncent une concurrence déloyale et une sécurité limite.
Les autorités alertées (préfecture et Parquet) finissent par conclure que c’est « tout à fait légal ».
Je suis peut-être un peu trop méfiant mais j’en arrive à penser que ces marchandises livrées n’intéressent pas les compagnies maritimes qui desservent l’île et que ça les arrange actuellement car la DSP (ex-Continuité Territoriale) instituée pour compenser en partie le coût du transport, « pour soulager le cadi de la ménagère », est bien plus rentable avec des marchandises qui sont moins volumineuses et moins lourdes que les grandes plaques de plâtre ou les pierres de pavage portugaises. Pas de concurrence du moins pour le moment car vu ce poids et ce volume les compagnies devraient augmenter le nombre de navires…
Ces deux reportages illustrent concrètement dans l’actualité deux inconvénients : celui de la gestion quotidienne des dégâts hérités du système des clans qui servait d’alibi au pouvoir centralisé de la République des jacobins. J’ai entendu plus d’une fois quand j’étais au contact d’hommes d’État pour dénoncer les dérives des clans, les fraudes électorales entre autres, en réplique l’argument « oui mais ce n’est pas nous qui les élisons ». Nous avons été amenés à se présenter à leurs élections falsifiées uniquement pour avoir une tribune et l’occasion aussi de recours en justice. Le combat autonomiste pour le Peuple Corse allait ainsi de paire avec celui de la démocratie ridiculisée par les fraudes massives des votes par correspondance. La risée des chansonniers français et Rochiccioli lui-même nous faisait sourire avec son humour quand il sortait cette boutade « un seul maire a perdu les élections en Corse parce qu’il n’avait pas compris comment fonctionnait le vote par correspondance ».
Ces deux reportages du Corse Matin paraissent à mes yeux illustrer l’impasse des statuts octroyés y compris le dernier de Caseneuve. Ils ne sont que partiellement de gestion car ils ne donnent pas les moyens d’agir pour le sauvetage de notre Peuple. La coalition nationaliste majoritaire par contre porte la responsabilité, aux yeux de ceux qui croient qu’elle le peut et ils nombreux, du manque et ou du retard à régler les problèmes. Un statut insuffisant donc pas assez de moyens pour les élus, « élus locaux qui ne font pas la Loi » mais qui doivent l’appliquer. Leur gestion peut seulement freiner sans stopper les processus en cours. Ils servent volens nolens d’alibi à tous les non ou anti nationalistes encouragés par le pouvoir central. Faut-il rappeler le cérémonial orchestré par le Président Macron en compagnie de Chevènement pour l’anniversaire de la mort du préfet Erignac, la réunion d’Euromed à Aiacciu suivi d’un saut à Bonifaziu où le ministre du Tourisme préside un colloque et le préfet qui à sa suite arrive avec une valise de 60 millions pour soutenir les infrastructures, téléphérique compris, et une malette de 20 portée à domicile au maire de Bonifaziu…
Mais le plus stupéfiant reste dans ce contexte la coalition majoritaire des nationalistes qui se divisent pour des mandats qui ne permettent pas d’avancer vers l’émancipation du Peuple Corse. Du temps perdu. Or il s’agit d’une urgence historique. Les autonomistes sont les plus responsables dans la mesure où ils étaient les seuls, s’ils s’étaient regroupés, à pouvoir organiser une convergence de tous les nationalistes pour une force démocratique déterminante. Ne l’ayant pas réalisée bien qu’elle ait été votée à l’unanimité au congrès de Corti deux mois avant les élections concernant le statut Caseneuve à mettre en place. Ainsi ils sont piégés, par leur faute, dans ce système de coalition instable. Dans cette séquence d’élections rapprochées, les autonomistes ne peuvent plus rattraper le coup en mettant en place un parti de terrain actif au sein du Peuple qui demande un peu de temps et de volonté politique forte. C’était possible.
Alors nous sommes condamnés à attendre sans savoir quand il y aura un créneau. Attendons les deux tours de Territoriales et la configuration de la nouvelle Assemblée pour y voir plus clair.
L’Autonomie et la reconnaissance de l’existence d’un Peuple Corse ne seront jamais servies sur un plateau.
Il faudra passer par un accord avec l’État pour une période de sortie en sifflet, d’accompagnement pour que cette Autonomie acquise dégage les moyens de sa gestion. C’est dire la maturité et le temps nécessaires, la détermination que le mouvement nationaliste doit faire preuve et amener l’État, le convaincre qu’il doit y participer, que c’est finalement dans l’intérêt de tous. Une révolution citoyenne et pacifique. C’est rien de le dire ? •