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Aiò ch’hè ora ?

Max Simeoni
Max Simeoni
Heureux mais lucide, Max Simeoni au lendemain de l’élection territoriale qui a vu l’accession aux responsabilités des nationalistes pour la première fois après Pasquale Paoli… Lucide sur le problème du jacobinisme. Encore une leçon politique dans cet éditorial du 24 décembre 2015.

 

Aiò ch’hè ora ?

par Max Simeoni

 

 

Une douce musique au premier tour… au second, une fanfare harmonique et nos cœurs battant la chamade. Era ora !

Pour les anciens, l’ampleur des résultats qui surprend et d’un coup la sérénité après un combat de toute une vie. De leur idéal, beaucoup de jeunes s’en sont emparés. Le vieux système sclérosé, toujours en place, est déclaré obsolète par le suffrage universel. Les vieux partis, plus ou moins durs et purs « républicains » concèdent la veille que des « réformes » sont souhaitables. Sans enthousiasme, à la CTC, ils ont voté le Padduc. Ils devront finir par admettre que c’est le centralisme jacobin de la République qui doit disparaître. C’est le préalable à la survie du peuple corse, c’est une urgence historique.

 

Il y a 50 ans déjà, les causes, les mécanismes ont été définis. Des propositions étaient avancées. Le manifeste du CEDIC dès 1964 en fait foi. Il suffit de le lire. Il parlait d’ethnie corse au sens de la définition du Petit Larousse. Ce terme a été diabolisé par la suite par les idéologues jacobins. Les mouvements revendicatifs et l’opinion insulaire n’étaient pas prêts à remettre en question le système de la République française. Souvent dans la rue, souvent en colère, ils criaient qu’ils ne voulaient pas être les enfants abandonnés du foyer républicain.

Les premiers « natios » sans prise sur le pouvoir central, n’avaient que la possibilité de s’attaquer à sa poulie de transmission inconsciente d’une politique de génocide à laquelle elle contribuait. Elle croyait en la générosité de cet État républicain qui lui donnait les moyens de tenir ses électeurs et de les aliéner pour ainsi dire. L’ARC soutient toutes les luttes revendicatives sur le terrain pour faire comprendre que la solution ne pouvait qu’être globale. En 1973, l’ARC participe à la réunion qui rédige un manifeste autonomiste A chjama di u Castellare, avec le FRC, PCP et Terra Corsa. Un an avant Aleria, en 1974, elle publie Autonomìa que l’UPC réactualisera en 1991 avec la proposition d’une autonomie complète. Nos élus devraient lire ces documents pour bien mesurer le chemin qui reste à faire.

 

Dans le débat sur l’autonomie, l’ARC et l’UPC mettent l’accent sur la notion de peuple corse, vocable qui était utilisé « à stonde » par les uns ou les autres. La reconnaissance du peuple corse entraîne celle des droits imprescriptibles des droits de l’Homme et des peuples. Dès 1971, lors de l’affaire de l’Hudson Institute, l’ARC avait pu mesurer à quel point le pouvoir central était prêt à utiliser tous les moyens pour étouffer toute velléité de reconnaissance du peuple corse. Il était dès lors prêt à affronter l’État, y compris ses barbouzes. Mais inlassablement il saisissait toutes les occasions d’un début de dialogue. En 1968, avant les élections législatives, une réunion de tous les candidats qui admettent le principe de l’autonomie de gestion. Avec le mouvement du 30 mai 1968, la « Table ronde de Corte » où tous les parlementaires réclament par communiqué une région à statut particulier. En octobre 1969, avec 40 organisations socioprofessionnelles, une première réunion des états généraux. En 1971, avec les partis politiques elle contre le Schéma d’Aménagement, le Conseil général apporte 27 amendements.

Ces quelques évocations de la période des 10 premières années, juste avant Aleria, montre que les choix ont été vite définis puis approfondis et consolidés par les luttes constantes sur le terrain. La seule et grande difficulté a porté sur la différence du choix des moyens de lutte : violence clandestine ou cheminement démocratique. L’Histoire demain fera la part de l’apport des deux options. Le FLNC ayant arrêté la lutte armée depuis un an, rien ne peut s’opposer à ce que les indépendantistes proposent au peuple leur solution.

Toute idée peut faire partie d’un débat démocratique, soumise à la volonté populaire, selon le principe du peuple souverain, qui peut répondre oui ou non. Il n’empêche que désormais les deux, autonomistes et indépendantistes, peuvent œuvrer ensemble pour l’essentiel des intérêts du peuple corse qui reste l’arbitre. Il est clair que rien ne peut lui être imposé par la force ou par manœuvre. Il est clair aussi que si l’État français continue à s’obstiner à nier le peuple corse, ou monnayer ses droits en monnaies de singes, il portera seul, sans excuse, la responsabilité des conséquences.

Le dialogue sera toujours de rigueur. Avec tous les Corses qui portent la Corse dans le cœur, au-delà même des heurts politiciens. La menace qui pèse sur le peuple corse s’aggrave et devient plus perceptible pour tous, sauf pour quelques-uns qui sont prêts à vendre la Corse. Un peuple a ses défaillants, il n’est pas fait que de Saints. Notre avantage moral est énorme malgré nos limites humaines car nous sommes des défenseurs d’une cause de justice et non des agresseurs.

 

La faute de la République jacobine est de nous obliger à être Corse ou Français. Si elle persiste, le choix est vite fait. Il est loin le temps où les chants corses étaient considérés comme attentatoires à l’ordre public et qu’on voulait les interdire. Ils chantent la Corse dans le monde entier. On est cependant encore sur le Continent à crier au scandale de l’usage de la langue corse dans une enceinte démocratique, la CTC, malgré le vote de la coofficialité. Nos symboles partagés font peur à ce point ! Ils sont souvent utilisés comme des serpillères dans les luttes franco-françaises dans des postures de « plus jacobin que moi tu meurs ».

U troppu stroppia et ridiculise. Mais le virus jacobin reste mortifère. Il est chronique et comme le Sida s’en prend à nos défenses naturelles. Le dialogue démocratique peut l’éradiquer. Dans tout système, il y a des hommes des individus qui comprennent. De Gaulle et sa réforme du Sénat et de la décentralisation, Rocard ou Joxe et même Alexandre Sanguinetti qui pensait finalement qu’on pouvait envisager un statut genre TOM pour l’île. Mais la force d’émancipation réside dans notre peuple.

Capu chjaru è forza pè i nostri eletti. Bon Natale, crede in Ghjesù forse, ma micca à u Babbu Natale. •