Tout est clair. Le développement durable est bloqué. Les causes ne sont pas discutables.
Les 230 années de la Corse française ont servi une politique de réservoir d’hommes. Une loi Douanière d’un siècle, de 1818 à 1913, qui anéantit ses productions, suivie un an après par la Guerre de 1914-1918 qui lui ôte 12.000 hommes et lui laisse des milliers d’éclopés ; de celle de 1939- 1940, 25 ans après, qui précipite la chute de l’Empire colonial et amène les belligérants à faire l’Europe entre deux États continentaux (USA et URSS). Le réservoir d’hommes vidé (160.000 habitants en 1960), le territoire insulaire est destiné à éponger une partie de l’exode des rapatriés d’Algérie (18.000 environ) et devient, vidé qu’il a été, une opportunité pour un développement massif du tourisme méditerranéen en retard, en regard de l’Italie et de l’Espagne. C’est le Plan d’aménagement de la Corse présenté comme un Eldorado mais qui n’est que celui du « déménagement des Corses » comme l’a révélé la divulgation par l’ARC du rapport demandé à l’Hudson Institut par la Datar qui devait rester secret (200.000 à 250.000 lits à créer en 10 ans avec 70.000 techniciens du tourisme à faire venir de l’extérieur).
En réalité, cet objectif se poursuit. Il n’est plus officiel mais est réel. Le dégrèvement de 30 % des charges aux constructions a fait de la Corse la championne des résidences secondaires en quelques années. Une véritable ruée pour placements spéculatifs avec toutes leurs retombées négatives : recul des terres agricoles, pression sur les mairies, égoïstes ou mafieux, mitages du piedmont, qualité des sites naturels, grignotages des espaces protégés… Un développement de la langue Corse par un bilinguisme entièrement contrôlé par l’État sans la coofficialité qui, seule, peut permettre une politique de survie de la langue comme l’atteste l’Unesco par son rapport de 2002/2003 sur les langues régionales et minoritaires. Le jacobinisme de la République instaurant un « égalitarisme » tiré de son principe fondamental : « un seul Peuple, une seule langue, un seul pays », niant toutes les différences, est non démocratique et donc entaché de totalitarisme. Le Président Macron l’a clairement exprimé lors du cérémonial à la mémoire du Préfet Erignac. Majorité absolue ou pas, les élus natios ne sont que des « élus locaux, ils ne font pas la Loi »… Pour le Président, grand prêtre de la religion républicaine, pas question de discuter avec des hérétiques, même pas d’un Padduc.
La situation est bloquée. La majorité absolue n’a pas les moyens, ni de répondre auxbesoins urgents des 60.000 précaires, ni d’inciter suffisamment une économie productive. La langue est soutenue par des associatifs et par la CdC. C’est méritoire, cela permet d’atténuer son érosion tout en luttant pour cette coofficialité sans laquelle elle ne sera pas sauvegardée. Les natios paradoxalement ont beaucoup à perdre. Ils sont en situation d’usure accélérée s’ils pensent qu’ils peuvent continuer ainsi face à l’État jacobin avec leur seul titre de majoritaires, qu’il n’y a que des élections à gagner, des mandats, des postes, des fonctions et des titres à se partager pour ne pas dire à se disputer.
Les élus natios doivent obtenir de l’autonomie pour la langue coofficielle, pour développer les productions possibles de l’île et des échanges à l’extérieur et ne pas être dominés. Tout se tient. La langue doit être liée à son économie, séparée, facultative, elle périclite. La langue d’un Peuple doit être présente dans tous les aspects de sa vie. Les transports, essentiels pour une île, de même. Ils servent l’économie qui a cours. Bien que ce soient des capitaux corses qui ont succédé à la SNCM, ils transportent les produits de l’extérieur à plus de 95%; et c’est logique, vu la dépendance que la République a imposé à l’île.
Comme il l’est tout aussi, dans la logique des transporteurs, de créer des grandes surfaces pour répondre aux besoins des touristes croissant en nombre, des nouveaux arrivants (5.000 par an), et qu’ils distribuent avec leurs flottes de camions, les marchandises qu’ils ont importées. Ils ne font que s’insérer dans un cadre économique. Et quand ils reprennent le quotidien de la presse locale, cela finit par ressembler à de la ploutocratie.
Mais c’est logique, la CdC n’étant pas en mesure, sans les moyensde la Loi, de faire une économie pour laquelle elle est sensée exister.
Face à un État républicain refusant un début de dialogue avec les natios, décidé à les contenir et à les réduire, la seule urgence est d’organiser une force populaire capable de l’amener à composer réellement ce qui passe par une unité des autonomistes, une cohérence d’action de tous les natios, un comportement démocratique exemplaire pour garder la confiance du plus grand nombre de Corses. La démocratie est une éthique qui, pour s’établir dans un Peuple, passe par des techniques de contre-pouvoir, de débats d’idées qui engagent la responsabilité en toute connaissance des choix à faire dans l’intérêt collectif d’un Peuple, l’esprit de servir et souvent de l’abnégation.
Le respect de l’engagement pris en octobre 2017 doit être respecté.
C’est incontournable. Une Charte éthique, des statuts ont été votés unanimement. Les contorsions actuelles pour jouer à « plus Femu que moi, tu meurs » sont tristement dérisoires.
L’étape actuelle de la lutte de survie du Peuple Corse est de dépasser les coalitions électorales, de réveiller le patriotisme. Un paese da fà cun tutti. Comment y parvenir en refusant de faire confiance à des militants dans un parti unifié démocratique ?
L’électoralisme peut-il l’emporter sur le patriotisme ? La difficulté est bien de transformer l’essai d’une élection gagnante en un parti d’opposition au pouvoir jacobin qui, pour vaincre son refus, a besoin de plus de Corses avec lui. Commençons par appliquer les statuts votés en octobre et préparons nous à les améliorer. Je donnerai mon avis à ce sujet avant que soeur Anne aperçoive la poussière des patriotes qui se rassemblent.
Max Simeoni.