Dialogue avec Paris

Comment amener l’État jacobin à lâcher ?

Max Simeoni
par Max Simeoni

 

Je fais une pause. Je ne cours pas après le gugus cette semaine, après les participants des différentes organisations politiques qui vont être reçues à Paris, leur dossier de points à traiter « sans tabous » sous le bras, après Gilles Simeoni président de l’Exécutif CdC en tête qui est sensé les mener, après le ministre de l’Intérieur Darmanin, le Monsieur Corse du moment, qui ne maîtrise pas les nombreux évènements qui interfèrent avec sa mission (internes comme l’assassinat d’Yvan Colonna à la prison d’Arles ou la guerre en Ukraine qui fait exploser les prix du caddie de la ménagère…).

 

 

 

J’aborde l’ensemble de cette configuration par les causes anciennes qui ont fait de la Corse un lieu de dépôt de compost politico-social et qu’il convient de garder à l’esprit, si un jour on veut trouver une issue au « problème Corse ».

L’île conquise par les armes du Roi de droit divin a comme unique attache l’Hexagone qui lui applique durant 95 années, de 1818 à 1913, la loi Douanière et se sert d’elle comme un réservoir d’hommes pour surtout encadrer le vaste Empire colonial mondial qu’elle érige en concurrence avec celui de l’Angleterre. Il est l’œuvre de la France républicaine. Le traité d’Evian en 1962, signé par le général De Gaulle, reconnaît l’indépendance de l’Algérie et entérine la fin de cet Empire. La fin des rivalités intra-européennes s’opère avec la perspective d’une construction d’une Europe que ses promoteurs veulent amorcer par une approche d’abord plutôt économique (charbon-acier, énergie…). L’île est vidée. 160.000 habitants en 1962. La propagande hostile de l’État républicain ou des anti-Corses dira à l’envi que ce sont les Corses qui l’ont abandonnée, préférant un emploi administratif ou militaire… les chansonniers parisiens font rire leurs auditoires en évoquant la pelle des Corses avec un long manche pour se reposer dessus… (a vanga ?)

 

Que dire de satisfaisant pour notre communauté historique de peuple sur son territoire naturel, l’île ? Menacée de disparition lente mais certaine depuis sa défaite à Ponte Novu, l’État républicain la destine au tout tourisme pour la rentabiliser à son profit.

Le rapport de l’Hudson Institute commandité par la Datar tenu au secret par contrat, voté en Conseil des ministres en 1974, n’est autre que parmi les quatre options de développement, l’État républicain choisit un développement massif, 250.000 lits à créer en 15 ans et 70.000 techniciens du tourisme pour ce faire. La population de l’île est de 162.000 habitants. Ce qui est recherché est la disparition par dilution, par noyade de ce qui persiste du peuple corse afin d’éviter des réactions d’autochtones récalcitrants. Rapport divulgué par l’ARC, rejeté par tous les Corses, l’État pris la main dans le sac se débat pour ne pas être considéré comme responsable.

Cette option reste à l’œuvre sans mot dire. Ses ravages s’étalent dans un temps plus lent, le plan voté en Conseil des ministres concernait la période de 15 ans (de 1991 à 2004). Près de 30 ans après, le tout tourisme et sa justification « du moteur du développement économique » sont l’option choisie non maîtrisée par les autochtones et qui s’impose à leur détriment.

Un véritable génocide culturel par remplacement de population.

 

1975 : Aleria, le choc. « Plus rien ne sera comme avant ». Une cave industrielle occupée et dynamitée quand Poniatowski, ministre de Giscard d’Estain, envoie une force armée pour récupérer la cave. Deux gendarmes morts, un militant occupant grièvement blessé, Edmond Simeoni se constitue prisonnier…

La Gauche drivée par Mitterrand prend la présidence de cette Ve République. Comme candidat, il fait la promesse de prendre le dossier corse en compte. Il le fera mais a minima avec Gaston Deferre. Les statuts particuliers se suivent mais rien ne progresse (de Joxe ou Jospin à Cazeneuve l’actuel). J’ai fait partie de la délégation pour ébaucher un nouveau statut. Le contexte m’a permis de faire mentionner le vocable de peuple corse dans l’introduction. Joxe a cédé car je quittais sans cela. Il n’avait aucun nationaliste pour cautionner ! Badinter présidant le Conseil constitutionnel l’a supprimé comme non conforme à la Constitution.

Premier point éclairé de ce fait, ce peuple est nié, il ne saurait avoir des droits. Il disparaît où il faut une force nationaliste capable d’amener l’État jacobin intégriste à le reconnaître avec ses droits de peuple. C’est un rapport de force à ses débuts !

 

De nos jours, dans le cadre de la discussion nationaliste (coalisés), l’État jacobin élu demande aux premiers de faire des propositions. Il veut gagner du temps pour voir venir !

L’enjeu est évident. La Corse non développée, un simple réservoir d’hommes pour les guerres et pour tenir l’Empire. Vidés à l’heure de la paix et des blocs d’États continents (USA, Fédération bolchevik, Chine, Australie, etc.), les États européens sont portés à construire une Europe politique. Les États tels qu’ils sont ont du mal à trouver un système qui les fédéralise, ils en sont encore à une Europe des États. La Corse ne peut guère émerger comme entité politique interne à l’État français. Encore un statut particulier ? Non, l’autonomie interne malgré tout pour espérer bâtir un avenir à son peuple. Encore du temps pour l’imposer, la majorité absolue des autonomistes actuelle ressemble à des influences de courtisans jouant des coudes pour être reçus par le roi élu !

 

Il manque un moteur, un tracteur pour sortir de l’enlisement des élus « locaux ». Il manque une organisation populaire réalisée dans chaque pieve de l’île et de la diaspora qui désigne ses candidats et des programmes utiles à cette fin : le sauvetage d’un peuple en déclin car colonisé depuis Ponte Novu. Les mandats appartenant à cette organisation en son sein et n’étant plus un réservoir pour des luttes en vue de mandats d’élus locaux.

Comment sortir de ce confinement d’élus locaux qui ne font pas la loi ? Comment amener l’État jacobin à lâcher ?

Faute de temps je suis contraint d’en rester là. La semaine prochaine on dira plus clairement ce qu’on préconise. Le débat pourra s’ouvrir. •