Processus Darmanin

Comment faire confiance ?

par Max Simeoni
Le 24 février, Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, et Gilles Simeoni, président de l’Exécutif CdC, vont se rencontrer. Les problèmes habituels sont connus depuis longtemps. Il est temps d’entamer les processus qui visent à les résoudre.

 

 

Des dossiers « stratégiques » selon la formule de l’Exécutif local (PPE, déchets, CHU, DSP…). Des réponses « fortes et rapides » sont attendues.

Quant à l’autonomie, l’avenir institutionnel de l’île, très ancienne revendication des autonomistes considérée au tout début comme une obsession institutionnelle, elle était de peu d’intérêt pour les autres élus, inefficace et dangereuse. Elle ne pouvait rien résoudre, elle portait la crainte d’une dérive indépendantiste. Or sans l’État aucune solution n’était pensable, qui la rejetait par principe idéologique comme une porte ouverte sur une menace pour la sécurité de l’Hexagone.

L’autonomie n’est plus bannie dans les phraséologies des candidats aux élections locales et hexagonales. Les nationalistes ont une majorité « absolue » à la CdC. Les dirigeants parisiens écoutent et ne font rien.

 

Le temps des barbouzes est un rêve dépassé. Personne n’y croit plus. Les réactions d’un raidissement du pouvoir central se sont volatilisées.

Pourtant sur le long terme, une organisation clandestine pourrait s’ébaucher avec des moyens courants, quelques boîtes d’allumettes remplacent le plastic. La GCC met le feu à sa guise. Elle n’a plus de risque de contrôle routier, ou d’explosion prématurée. Impossible d’interdire la moindre boîte d’allumettes, ou de suivre son tracé…

On peut beaucoup incendier, les risques sont réduits. Les polices politiques doivent donc détecter parmi les porteurs d’allumettes ceux qui ont l’idée d’incendier des cibles politiques. Les détecter et apporter les preuves judiciaires. Pas facile. Mais les barbouzes demain peuvent aussi craquer quelques allumettes.

Une innovation est utile mais vite imitée quand la logique de guerre finit par s’imposer. La bombe atomique était en possession de pays loin d’avoir acquis un certain niveau de vie pour leur population. De nos jours ils tentent d’empêcher les autres d’avoir accès au club atomique. En vain.

 

La voie d’accès réaliste à l’autonomie est dictée par le bon sens. Les soixante années passées sur le terrain l’ont éclairée.

La Lutte de libération nationale (LLN) insulaire inspirée par celle d’Algérie a fini dans un affrontement interne qui a coûté la vie à des militants. Elle n’a pas dérapé en vendettas de familles parce qu’elle concernait des militants plutôt jeunes et leurs entourages familiaux politisés eux-mêmes. En fait, ils avaient été manipulés par le pouvoir central. « L’historique » pensait sortir de la violence clandestine et s’apprêtait comme le plus représentatif à négocier. L’État a dû lui dire que « l’habituel » restant silencieux, il se trouvait sous la menace d’une poursuite d’une LLN. Faute d’un accord entre les deux pour négocier, il les a poussés à mettre de l’ordre. Le manque de confiance entre les deux, il les a amenés à s’affronter pour s’imposer. « L’habituel » ne voulait pas faire les frais de cette entente entre « l’historique » et l’État central.

 

Ces longs errements réitérés viennent d’une méconnaissance de la nature du jacobinisme.

L’autonomie porte un gêne fédéralisant, le jacobinisme un gêne centralisateur totalitaire incompatible. Le premier veut organiser le respect des différences, il ne peut être que démocratique. L’autre les nie, les réduit à du folklore, préfère les voir disparaître !

Donc, pour nous Corses, il convient de ne pas perdre du temp, nous nous acheminons vers la fin de notre communauté, à la fois par un remplacement croissant de population (choix secret de l’État républicain dans le rapport de l’Hudson Institute) et une dépendance majeure, à plus de 97 % de ce que nous consommons pour vivre. Importations subventionnées. Le mensonge de l’État républicain au nom du « tout tourisme, moteur du développement économique » avec la promesse d’un bien être pour tous. En fait ce moteur engraisse les plate-forme productives et financières de Marseille. L’île, avec ses 60.000 précaires, est une région parmi les plus pauvres de France.

Nous avons un État républicain qui affirme qu’il est prêt à négocier sans tabou. Comment faire confiance ? Or il faut négocier car il détient un pouvoir de tutelle qu’il est le seul à pouvoir mettre en jeu les lois d’une telle réforme. Mais Darmanin vient de dire que l’État attend des élus locaux un projet d’autonomie. Autrement dit, il espère que ces derniers accepteront un autre statut spécial avec des compétences soit disant élargies. Les Corses auront l’impression que c’est presque de l’autonomie mais il ne pourra pas changer ce qui fait la dépendance. Il n’a jamais cédé sur la coofficialité de la langue corse. Une langue sans utilité économique est morte, au mieux embaumée !

La possibilité de faire les lois, de les infléchir, bref une autonomie « pleine et entière ».

Les statuts octroyés jusqu’à ce jour ne conduisent qu’à des élections locales qui nous entretiennent les divisions internes des autonomistes.

Il faudra d’ailleurs que Paris nous aide pour une sortie progressive de cette dépendance, « une sortie en sifflet » en fonction de progrès partiels d’une économie maîtrisée.

Il y a, en fait, deux négociations, l’une pour soulager un peuple en péril qui souffre, l’autre pour assurer un avenir à ce peuple voué, lentement mais sûrement, à tomber dans les oubliettes de l’Histoire des peuples. Un peuple, ce qui en reste à décoloniser. •