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Corse colonisée, vidée ou abandonnée par les siens ?

Max Simeoni
Max Simeoni
Septembre 2020, visite d’Emmanuel Macron en Corse pour fêter la libération de la Corse, et participer à un G7 à Purtichju. Max Simeoni commente dans Arritti.

 

 

Corse colonisée, vidée ou abandonnée par les siens ?

par Max Simeoni

 

 

Hors la diplomatie internationale, pour ce qui est des rapports entre l’Île et l’État, entre la majorité « absolue » des nationalistes et le Président, l’acquis se résume au titre de la Une de Corse Matin : « la Corse sans les tensions ».

Tant mieux.

Il a cependant été question de tout, « un grand tour des sujets » dit notre quotidien, « sécurité, économie, santé, environnement ». Le Président aurait-il évolué depuis le cérémonial de l’assassinat du préfet Erignac ? De toute façon, il ne pouvait qu’éviter une tension interne perceptible par les six chefs d’États d’Europe du Sud qu’il recevait pour une politique de paix et d’entente en Méditerranée.

 

La presse souligne ce climat normalisé entre le Président et les natios aux commandes « locales ». Il a déjeuné en tête à tête en préfecture avec les deux présidents l’un après l’autre, Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni. Tous les sujets ont été abordés sans tabou et les demandes ont été exprimées avec fermeté.

La réponse jupitérienne claque comme un éclair dans un ciel bleu : « l’État a fait ce qu’il devait faire. » Sallie courte à l’occasion du problème des déchets qui « a servi de fil rouge » dit un journaliste de Corse-Matin pour les autres problèmes évoqués. Et il est entendu en conséquence que les élus « locaux » doivent faire ce qui reste à faire et qu’ils n’ont pas fait. L’État sera actif pour tout ce ne va pas : lutte contre les stupéfiants, le crime organisé, la spéculation foncière liée au tourisme, les effets négatifs économiques du Covid 19, l’écologie, l’aménagement du territoire, la santé, le soutien au tourisme « dans la durée »… Il lui reste donc beaucoup à faire. Cet aveu prend la forme d’une promesse qui se veut convaincante.

Cet air de gouvernance subtile nous est fredonné depuis 250 ans de présence française.

95 ans de loi Douanière de 1818 à 1913, enchaîne l’Ile à la seule France, la coupe de tous ses rapports que sa situation géopolitique lui permettait en Méditerranée, l’appauvrit et la place en dépendance complète de la France. Le prétexte : via ses côtes trop poreuses, des produits étrangers pourraient faire concurrence aux produits français. Puis avec la perte en 14-18, des milliers de procréateurs, morts et blessés de 20 à 50 ans, sa croissance démographique cassée. En 150 ans, de 1769 Ponte Novu à 1918, l’Île a régressé sur le plan économique et démographique. Elle voit son développement bloqué. Les portes de l’exil sont ouvertes puis grandes ouvertes avec l’encadrement de l’Empire colonial. Un réservoir d’hommes qui se vide : 160.000 habitants en 1960. L’Empire perdu (Accords d’Evian en 1962, l’Algérie indépendante), avec les prémisses de l’Europe, c’est sa terre qui intéresse l’État français. Il la voue à un développement touristique massif et rapide selon un des schémas du rapport de l’Hudson Institut commandité par la Datar, rapport qu’elle voulait secret, schéma non conseillé par les signataires et qui correspond à la noyade de ce qui reste du Peuple Corse pour disposer de sa terre. Un véritable génocide économique et culturel.

 

Ce plan dévoilé, rejeté par tous les Corses, les autorités de la République n’en font plus mention mais il continue sournoisement. Il suffit de le mesurer par des chiffres. 30 % du PIB pour le tourisme, c’est beaucoup, c’est la marque d’un déséquilibre économique. Beaucoup de gens en vivent par le commerce, la baraque à frites, les pizzas, les paillotes, les campings, les plages, les hôtels, les restaurants, les transports (cars, taxis…). Ceux qui s’enrichissent sont invisibles, ce sont les plates formes de Marseille ou du continent qui nous envoient plus de 97 % de tout ce que nous consommons pour nous nourrir, nous vêtir ou construire une maison. L’Île est un marché captif où plus il y a de consommateurs, plus les gros producteurs et leurs financiers gagnent. Le tourisme de masse est pour eux. Les retombée négatives concernent surtout ceux qui vivent sur l’Île. Un développement durable sera réservé si besoin à quelques enclaves, loin des zones d’enfouissement des déchets. Le remplacement de population s’accélère. L’Île a, en gros, doublée sa population en trente à quarante ans par des apports extérieurs essentiellement. Cela a débuté avec les 18.000 Pieds Noirs qu’il a fallu accueillir après leur exode de 1962 via la Somivac au détriment des agriculteurs Corses. « Le soutient dans la durée » ? Non ! maîtriser le développement du tourisme pour améliorer le niveau de vie, réduire la précarité. 60.000 précaires et autant de pré-précaires, soit un tiers de la population, d’origine surtout Corse. Maîtriser la croissance des constructions à valeurs locatives, due au dégrèvement de 30 % des charges. C’est la ruée. L’Île vient en tête de toutes les régions de l’hexagone. C’est une prime à la spéculation, à la fraude, à la dérive mafieuse.

 

La priorité est bien la maîtrise du destin commun. Il n’est pas un fantasme, une nostalgie d’une Corse rurale qui a été vidée. Elle n’est plus. Il reste, de cette Terre, assez d’espace recouvert par le maquis et une poignée d’hommes et de femmes assez enracinés pour en la sauvant laisser à leurs enfants un lieu de vie décente, un exemple d’harmonie, le respect d’une Terre belle facilitant entre eux le respect de ceux qui ont la chance d’y pouvoir vivre.

L’urgence est d’obtenir la reconnaissance du Peuple Corse et l’autonomie interne pour avoir la maîtrise possible du destin des deux. Il ne peut pas y avoir de salut de l’un sans l’autre. Le virus de l’électoralisme doit être jugulé. Un parti politique démocratique exemplaire reste à faire au plus tôt, structurant un comportement collectif d’intelligence et de détermination.

Nous sommes tous au pied du mur pour sauver notre Peuple et sa Terre. •