U Fundatore

Encore et toujours l’Europe !

Max Simeoni
Max Simeoni
Max Simeoni croyait en l’Europe. Il a plaidé en faveur d’une Europe des régions et peuples solidaires dès les premiers pas de l’ARC. En 1980 il est avec son frère l’un des fondateurs de l’Alliance Libre Européenne lorsqu’une conférence de soutien au combat autonomiste corse jette les bases de ce qui fera le futur parti européen. Alors qu’Arritti préparait ses Ghjurnate en 1993, il écrivait cet éditorial. Son mandat comme ceux de François Alfonsi l’ont démontré, le nationalisme corse doit avoir conscience de l’importance d’une représentation de la Corse à Bruxelles.

 

 

Encore et toujours l’Europe !

par Max Simeoni

 

Les Journées d’Arritti ont acquis une renommée de rencontres positives et de débats sérieux. Elles sont un événement attendu de l’automne si propice aux bilans et à la réflexion, automne qui donne aussi le coup d’envoi de la rentrée politique, économique et sociale !

Depuis plusieurs années déjà, les « Ghjurnate » prennent, pour la sensibilisation et l’information, l’Europe comme sujet central.

Après la venue de Mario Fortuna, ex-ministre de l’Économie du gouvernement des Açores, de Goyo Monrial, vice-ministre des Universités et de la Recherche du Pays Basque, de Miquel Reniu, Directeur de la politique linguistique au sein de la Generalitat de Catalunya, du haut fonctionnaire en retraite, le professeur Paul Romus, auteur d’un livre « L’Europe régionale », et après celle, l’an passé, de Karel Van Miert, commissaire aux Transports à la CEE, voici la visite du directeur de la Politique régionale, Monsieur Jean-Charles Leygues.

 

La politique régionale est au centre de la construction européenne vu la diversité de ses régions, leurs situations géopolitiques multiples, leurs caractères culturels et économiques et leurs institutions les plus variées. De sorte que les programmes européens sont souvent spécifiquement pour les régions comme par exemple les programmes POSEI (1) pour les régions ultrapériphériques (DOM, Açores, Madère et Canaries), les programmes Interreg pour les régions frontalières, en plus de la cascade de tous les autres programmes : Cadres communautaires d’appui, POI, Valore, Stride, Télématique, PIM, Star, Envireg, Leader, Erasmus, etc.

Mais tous les autres grands programmes sont, soit nécessairement et directement régionalisés dans les États fédéraux comme pour les landers allemands, le sont plus ou moins dans les États à régions autonomes, comme pour la Catalogne en Espagne, ou le sont aussi du moins dans leurs exécutions par les États centralistes et unitaires.

Le lien juridique plus ou moins direct que la région a avec les instances européennes, ne peut empêcher que les retombées de l’intervention de l’Europe sont importantes et de mieux en mieux connues par les acteurs qui montent les dossiers (collectivités locales, entreprises privées, monde universitaire, associations…) et même les simples citoyens, à tel point que toutes les collectivités et les organismes privés ont créé à Bruxelles des antennes permanentes qui pratiquent la recherche suivie d’informations et le lobbying (2).

La direction régionale de la CEE est la plaque tournante stratégique de l’édification européenne. Elle fonctionne sur deux plans. Elle procède d’abord pour une grande part à la gestion dans le présent tel qu’il est, divers et si contrasté, et elle intervient dans les grands investissements structurels. Elle contribue d’autre part par des actions puissantes de tous les programmes d’incitation et de structuration à l’évolution même de toutes les régions dans le sens de la construction cohérente de l’ensemble européen.

Monsieur Leygues n’a pas en charge une sinécure. Arritti le remercie d’avoir accepté l’invitation de venir nous faire part de ses connaissances précieuses et concrètes et de son expérience si dense. Arritti espère que les invités locaux comme les fidèles à ces journées, sauront tirer parti de son exposé et aussi en posant des questions lors du débat qui suivra.

 

Arritti peut être satisfait et fier d’avoir inlassablement œuvré pour faire connaître et comprendre l’Europe en chantier, ses données, ses problèmes et les espoirs qu’elle porte. Un véritable travail de pédagogie peut lui être reconnu.

Le nationalisme corse a à l’évidence le moteur de l’Histoire couplé avec celui de la modernité présente et à venir. Il est iconoclaste dans la cité, mais il projette et anticipe en même temps. Il ne peut ignorer l’Europe. Il en fait partie. Il a pour but de pérenniser. Un peuple sur sa terre. Il ne peut y réussir qu’en recherchant l’ouverture et la solidarité même s’il doit en premier lieu se protéger contre tout ce qui veut éluder le lien des hommes corses avec leur terre, avec leur histoire et leur culture.

Il est tout aussi vital de s’affirmer, de se défendre que de s’ouvrir dans un jeu plus grand géopolitique méditerranéen et européen dont la Corse est un élément constitutif et petit certes, et non indispensable à la survie de la totalité de l’ensemble. Nous ne pouvons tabler que sur nous-mêmes pour asseoir notre volonté de survivre et d’exister. Ni individu, ni peuple existe par procuration.

Ce préalable assuré, nous ne pouvons pas exister sans les autres. Notre problème fondamental devient alors la manière dont nous saurons organiser, structurer et contrôler le système d’échanges avec tous « ces autres » pour des échanges équilibrés entre entités historiques vivantes et non pas sur le mode mortel de dominants à dominés « assistés ».

 

L’esprit d’ouverture et de solidarité, l’esprit de progrès humaniste est notre but obligatoire et cet esprit doit agir dans tout le champ de la géopolitique régionale et continentale, méditerranéen et européen.

Cette vision et cette conscience de notre situation commence à être partagée par un grand nombre. Non seulement les 25 % de nos votants mais même chez beaucoup de nos adversaires d’aujourd’hui. Certes elles ne sont pas toujours aussi clairement perçues chez les uns et les chez les autres. Les œillères de l’enfermement qu’un système colonial nous avait doté, tombent peu à peu. Bientôt, et même déjà, les attitudes de psychodrames et les faux débats vont faire place à des enjeux concrets. Les esprits seront prêts pour exiger l’émancipation dans les faits.

La volonté et peut-être la rage de bâtir, prendront la place de celle de l’impuissance source de fatalisme ou de révolte aveugle. Arritti pour sa part y travaille depuis belle lurette. È cusì sìa ! •

 

  1. POSEI : Programme d’option spécifique à l’éloignement et à l’insularité. Ces programmes comportent un volet important de dérogations fiscales, mais aussi de dérogations agricoles par exemple ou de tout autre secteur particulier permettant la relance économique des îles de la CEE.
  2. Action de peser, faire pression (ici sur les institutions).