Pour rédiger mon article, supputation de ma part : le Président allait-il à 20h parler de la Corse ? Peut-être dans le chapitre du découpage des Régions ? Ou précisera-t-il sa volonté ultérieurement ?
Patatras ! L’allocution du Président est annulée, et pour cause : Notre Dame de Paris est la proie des flammes !
Le « grand débat », les gilets jaunes, la France entière, la chrétienté tombe à genoux… Il faudra que je patiente quelques jours, le temps que les cendres de la « forêt » refroidissent, que les problèmes pendants pèsent à nouveau ; c’est à ma portée, j’ai commencé à espérer il y a 60 ans et des poussières, et presqu’aussitôt à lutter (manifeste du Cedic en avril 1964).
Le choc de l’émotion atténué, le char de l’État républicain reprendra sa route chaotique et les natios, leur marche parallèle criant au cochet qu’il faut infléchir la direction pour ne pas laisser la Corse et son Peuple de côté.
J’ai eu la surprise, comme beaucoup d’anciens militants, de voir récemment (en moins de 10 ans) les natios aux affaires majoritaires « absolus », débarrassés de toute la panoplie des clans, et avec un jeune Président esquissant un sourire girondin, même pas le temps d’espérer que la surprise fût divine et voilà qu’il affiche dans un grand cérémonial d’anniversaire de l’assassinat d’Erignac le faciès réel d’un jacobin intransigeant.
Il ne manquait au décor de sa mise en scène que l’échafaud de la guillotine.
Aussi en attendant les conclusions du « grand débat » pour savoir ce qui en est de la pensée élyséenne pour l’île, ou pour ne rien en apprendre, je vais tenter de résumer ce qui est essentiel pour les natios et de dire les erreurs de ce qui leur est reproché souvent sur un ton péremptoire.
– Les natios affirment qu’il y a un Peuple Corse. S’il existe, il a des droits imprescriptibles. La République des jacobins ne lui reconnaît aucun droit par ses lois.
Ce qui revient à nier son existence.
Ses ressortissants auront les mêmes droits que ceux du Peuple dominant : un seul Peuple, un seul État, une seule langue. Les spécificités de Peuple dominé n’ont aucune valeur, elles sont du domaine intime, elles ne servent à rien pour la vie économique, administrative et culturelle. Il n’y a aucune nécessité à les cultiver.
Elles sont vouées à une extinction lente mais certaine en quelques générations. Les non natios s’en accommodent mais évitent de dire qu’il n’y a pas de Peuple Corse tout en se disant parmi les plus Corses. Ce n’est pas chez eux qu’on a pu voir des preuves de sacrifice.
– Les natios autonomistes préconisent une reconnaissance constitutionnelle du Peuple et un statut d’autonomie interne. L’État jacobin réduit à une France « métropolitaine » sans colonie, au même instant historique devant participer à la construction de l’Europe, doit régionaliser mais il déconcentre surtout par ses préfets.
Un statut d’autonomie interne le révulse dans la mesure où il va dans le sens d’une reconnaissance d’une communauté qui a un lien historique spécifique avec la terre insulaire. C’est la valse inachevée des statuts spéciaux de la gauche pour l’île (Deferre, Joxe, Jospin, Cazeneuve), qui a succédé à la droite ayant eu pour principe « il n’y a pas de problème corse, il y a des problèmes en Corse ».
– Les indépendantistes n’ayant plus la violence clandestine à cautionner, ils ont le droit d’exprimer leur conviction dont on peut douter, qu’on peut combattre, mais on n’a plus aucune raison démocratique de les soumettre à la censure, ou à la répression. À eux de convaincre les Corses.
Il faut comprendre que rien n’a changé et que rien ne changera sur le fond.
Il suffit de regarder dans le rétroviseur les 250 années de présence française.
– Un roi absolu s’empare par les armes d’un petit territoire qui s’est doté d’une Constitution avec séparation des pouvoirs. La Révolution de 1789 le décrète en 90 faisant parti de l’Empire à part entière. Elle poursuit sa course avec l’Empire napoléonien.
Quelques années plus tard, l’île est soumise à la loi douanière qui étouffe sa production de 1818 à 1913 pendant 95 ans. Un an après, par la Grande Guerre, elle lui inflige une saignée de 12.000 hommes de 20 à plus de 50 ans avec autant d’estropiés, elle vide ainsi son réservoir insulaire d’un bon nombre de procréateurs. 1818-1918, un siècle catastrophique pour l’économie et la démographie.
– 20 ans après, Seconde Guerre Mondiale de 1940-45. La France du général De Gaulle est dans le camp des vainqueurs d’Hitler. Le Général doit gérer l’acte final de la décolonisation en Algérie. Son gouvernement en 1962 à Evian pris de court par le FLNA, songe à l’Argentella pour la mise au point de la bombe atomique. Mais déjà les technocrates de la République devant les difficultés de la « pacification » en Algérie ont dû imaginer un plan B pour les rapatriés et pour le recentrage sur l’Europe. C’est les Plans d’Actions Régionaux en 1958 qui donnent à la Corse la Somivac et la Setco (sociétés d’économies à capitaux d’État et privés). La première sera détournée pour recaser les Pieds noirs, la seconde pour la promotion du tourisme promettra un avenir radieux à tous par un Schéma d’Aménagement, un vrai mensonge pris en flagrant délit par la publication du rapport de l’Hudson Institut voulu secret par la Datar. Cette politique de liquidation du Peuple Corse est en apparence abandonnée mais elle continue en douce. Le tourisme soi-disant « le moteur de l’économie » est mis en place d’une façon sournoise pour achever le Peuple Corse et disposer de sa Terre. Les 30% de décharge des frais pour les constructions locatives permet au système bancaire de prendre le relais de l’État et le fait est que les placements sont une aubaine pour les investisseurs externes et quelques Corses qui en profitent servent de cache sexe.
Tout marche pour notre effacement rapide.
Sans la reconnaissance de Peuple, sans moyens de le sauver et lui donner une responsabilité de conduire sa destinée, sans coofficialité pour sa langue, avec les seuls moyens biaisés de statuts insuffisants, malgré les efforts des culturels, des uns et des autres, la courbe du déclin vers la fin suivra sa pente. Un naufrage qui peut paraître lent mais inéluctable.
Je reviendrai sur les arguments qui sont assénés aux natios et qui s’exacerbent dans le cirque électoral qui s’emballe. J’essaierai de faire comprendre aux natios mon point de vue que l’arène électorale et ses querelles familiales ne mènent à rien sinon à la faillite dans l’illusion.
Max Simeoni.