Peuple corse

Le temps est compté

Max Simeoni
par Max Simeoni
J’aurais dû prendre un congé après les Législatives de juin. Je dénonçais la pagaille politique dans l’île et sur l’hexagone. Je suis comblé, elle est complète. Le pire est qu’elle paraît inextricable, on voit mal les deux ou trois voies possibles pour en sortir que les dirigeants « locaux » ou ceux qui, à Paris, « font les lois » pourraient supputer pour nous sortir du pétrin, eux comme nous.

 

 

Localement, on a préservé les trois mandats des députés. Mais un signal d’alarme sérieux est sortie de l’urne : les 156 voix de majorité de Jean-Félix Acquaviva. On pouvait penser à un total de bulletins en diminution (manque de dynamisme, résultat assuré)  mais pas que Jean-Félix Acquaviva soit accroché au point de pouvoir être remplacé dans l’hémicycle du Palais Bourbon. Eh oui « une élection n’est jamais gagnée d’avance ! »

 

L’idée d’une discussion a été retenue en mars. Le ministre de l’Intérieur, M. Darmanin, l’a annoncé et est venu en Corse illico dans un contexte d’effervescence animé par les jeunes lycéens et les étudiants révoltés par l’agression d’Yvan Colonna dans la prison d’Arles de haute surveillance. Calmer le jeu a été à ce moment un impératif pour le Président Macron dans la perspective de sa candidature et des Législatives qui suivront, une majorité lui était indispensable pour gouverner. On allait discuter de tout « sans tabou… y compris de l’Autonomie… » La tournure insurrectionnelle dans la rue fit suspendre par Darmanin la première rencontre, le calme revint mais la proximité des élections (présidence et députés) fit que l’agitation ne put reprendre. Gilles Simeoni put donc s’occuper sans précipitation de la composition de la délégation et des modalités de discussion de ses membres pour « monter à Paris » avec un langage commun. Tous, élus ou socio professionnels voulaient en faire partie. Ils se bousculaient au portillon ! À ce jour le portillon reste fermé. Bec dans l’eau ! Il va falloir penser à changer de moyen de transport.

En effet, le Président réélu ne dispose que d’une majorité relative. Il n’a pas de réserve. Entre le bloc de Mélenchon et celui de Marine, il lui reste LR de Droite donc idéologiquement compatible. Cependant, LR rechigne qui ne tient pas à sauver à ses risques le navire élyséen dont le capitaine veut donner l’impression qu’il tient le Cap. LR me paraît plutôt miser sur l’échec de Macron pour refaire autour de lui une Droite d’avenir.

 

Que retenir de cette bourrasque avant les élections essentielles dans la Ve République.

À Paris, Macron tergiverse. Il prend son temps pour sortir une solution de gouvernance. La majorité relative n’est guère suffisante prise en tenaille entre le bloc de Gauche de Mélenchon et celui d’extrême Droite de Marine. Il ne peut aller bien loin ni avec l’un ou l’autre. Débaucher chez eux quelque membre est inutile. Seul LR pourrait entrer en coalition. Peu probable et le prix à payer pourrait ressembler à une rançon plus qu’à un accord démocratique. LR espère sans doute recueillir à la casse les débris de la macronie pour réédifier un parti de Droite dont il serait le pivot. Le Président réélu a déniché une Première ministre démissionnaire du titre sans avoir rien fait. Une technicienne qui semble peu encline à lui porter de l’ombre quand elle aura goûter à l’ivresse du pouvoir. Il a refusé sa démission et la voilà sur le chantier avec Darmanin pour consolider une majorité présidentielle de gouvernement. La sauce est délayée, il faut servir le plat de résistance ! Les délais règlementaires ne sont pas extensibles.

La sortie ? On va pouvoir évaluer si la République est gouvernable, si la crise impose une dissolution et un retour aux urnes. Ou si le marasme se pérennise, ou si devant les conséquences de la guerre en Ukraine une union nationale et européenne verra le jour. Qui peut prédire à cette heure ? Des cartomanciennes ?

 

Il y a eu quelques points acquis durant cette tempête.

L’Europe face à Poutine a resserré quelques liens de principes, notamment l’invitation aux États de soutenir les langues régionales ou envisager un statut spécifique pour ses îles… du principe reste à passer à des réalisations concrètes. Concrètes et efficaces. Il faudra du temps et pour nous Corses il est mesuré si on veut éviter le pire, un peuple en fin de vie, langue et culture et son territoire en passe d’être vendu par morceaux aux plus offrants, bref le schéma d’aménagement de la Corse à peine étalé, moins visible déjà voté en Conseil des ministres en 1971 selon un scénario du rapport secret de l’Hudson Institute. Le secret rendu public par l’ARC l’État républicain charge les rédacteurs du rapport qu’il avait commandité qui sont tenus au secret par contrat, fait mine de s’en laver les mains. Cette politique n’en continue pas moins hypocritement. Les chiffres l’attestent : en 1962, il ne reste en Corse que 160.000 habitants, un réservoir vide après un siècle de loi Douanière (1818-1913) et l’hécatombe des procréateurs (de 18 à 50 ans). Vide et non développé. Et dépendant des producteurs extérieurs à 97 % pour ce qu’il mange, pour s’habiller ou pour construire une maison.

Alors que devient la délégation qui devait « discuter de tout, sans tabou » et de l’autonomie ? Au garage ou au placard ? À Paris ils ont une ribambelle d’autres chats à fouetter.

 

Donc condamnés à attendre, autant garder du sable dans le creux de la main. Rien pour tenir en éveil l’autorité centrale qui se cherche et maintenir assez de cohésion pour discuter avec Paris.

Il manque l’outil à la hauteur de l’enjeu historique pour sauver notre peuple. Le mouvement au sein du peuple corse à la base ouvert et démocratique.

Il ne s’agit pas de nostalgie passéiste mais d’abord de sauver son territoire pour le développer sans le défigurer et perdre ce qui est le patrimoine naturel de tout Corse ou ami sincère de la Corse. Bref de le transmettre à nos enfants et de l’ouvrir à des amis qui ne spéculent pas… •