par Max Simeoni
Si on dit que le peuple corse existe, alors il a un territoire, une histoire, une langue et une culture. Si on constate qu’il est en train de disparaître, qu’il est minoritaire sur son territoire, qu’il est dépossédé de sa terre, que sa langue n’est plus transmise par la famille, alors les efforts remarquables des culturels ne font que freiner son déclin.
Les quatre statuts particuliers consentis par l’État républicain (Déferre, Joxe, Jospin, Cazeneuve) n’ont en rien changé au constat. Pire, ils rendent les élus locaux responsables de la gestion dont les dysfonctionnements structurels ont débuté dès les débuts de la Corse française. Les élus locaux de ces statuts particuliers n’ont aucun pouvoir légal de les modifier.
Oui, il faut être présents dans ces élections statutaires, suffisamment et bien sûr majoritaires si possible, ne serait-ce que pour ne pas laisser le champ libre à toute forme de clanisme inféodée au centralisme jacobin niant l’existence d’un peuple corse, et pour lever l’objection faite par le passé que les autonomistes n’avaient aucune légitimité conférée par le suffrage universel. À ce titre, il faut être présent.
Mais il faut toujours affirmer qu’on veut pouvoir légiférer dans un statut d’autonomie interne pour sauver peuple et terre. Que la langue corse doit être coofficielle pour qu’on puisse prendre les mesures en vue de sa survie comme le Conseil de l’Europe l’espérait avec sa Charte des langues régionales, ce que le rapport de l’Unesco en 2002/2003 expliquait. Il faut ne laisser aucun doute sur le préalable incontournable de la nécessité de l’autonomie et de la coofficialité.
Mais il faut avant tout convaincre le plus grand nombre possible de Corses pour avoir une force politique capable de faire raison entendre au centralisme jacobin.
Ceci est du ressort d’un parti organisé au sein du peuple corse. Il n’existe pas. Il est à définir au mieux et à mettre en place dans toute la Corse et sa diaspora. Animé par sa mission historique patriotique et non par l’excitation d’élections telles qu’elles sont codifiées, qui ne sont qu’un leurre et qui finissent par diviser et non à regrouper ou à densifier.
La veille de ce premier tour, que voit-on ? Pas de front uni, calme et déterminé face au pouvoir central, mais une course aux mandats qui divise. Peu de chance que les plaies soient guéries la veille du second tour mais plutôt des séquelles handicapantes pour la cause du sauvetage.
Curieux, selon moi, qu’au même moment, Gilles Simeoni, président de l’Exécutif de la CdC, semble réunir une délégation de toutes les composantes pour dialoguer sans tabou via Darmanin ministre de l’Intérieur, de nouveau dans le gouvernement de Madame Borne, Première ministre désignée par le Président Macron. Tous, opposants à Gilles, nets ou nuancés, veulent en être ! La discussion aura lieu plus tard, après les élections législatives. D’autant plus qu’une concertation pour tenir un langage commun est indispensable. Alignera-t-on tous les désirs ou ceux essentiels pour parler d’un même langage ?
Une certitude : le pouvoir central n’ignore aucune des contradictions internes de chaque composante et celles en regard des autres. Il aura à sa main toute la panoplie diplomatique des non-dits, des allusions, des affirmations ambiguës, ou péremptoires. Gilles et les lucides qui l’accompagnent auront du mal à déminer, ils seront accusés de vouloir rompre le dialogue par intransigeance ou autre. Des os à ronger seront versés dans le panier de la délégation. Mais je reste sceptique quant à un processus d’autonomie. Je ferai, si je me trompe, une autocritique.
Nombre d’incertitudes, pour ne pas dire de risques, sont à craindre. C’est déjà ce qui est survenu quand Darmanin a été envoyé d’urgence par le Président Macron. Les troubles dans la rue et la colère des manifestants quand Yvan Colonna a été agressé dans la prison de haute surveillance d’Arles. Préjudiciable à la réélection du Président sortant. La mort d’Yvan dans le coma a créé un climat insurrectionnel tel que le ministre de l’Intérieur a dû renvoyer la rencontre, au risque sinon de céder à la rue et non de dialoguer. Il semble maintenant que ce dialogue est pour commencer.
Quand ? Sous peu… la concertation de la délégation autour de Gilles Simeoni ? Sous peu aussi. Sauf incident imprévisible de l’environnement européen ou mondial pour retarder ce « dialogue sans tabou » ou même le rendre caduc (Ukraine, crise économique, etc.)…
La parade ne peut être que le fait d’un parti organisé transversal, sur l’île et dans la diaspora, qui rende le problème Corse urgent à traiter pour le pouvoir central. Là où les mandats électifs échouent fatalement du fait que, à eux seuls, ils ne peuvent qu’affaiblir ou rendre inexistante la pression des organisations nationalistes. Un tel parti offre des possibilités de lutte politique, quelles que soient les conditions. La lutte sur le terrain, et non à partir d’un siège ou d’un strapontin institutionnel.
En attendant, votons nationaliste ! En espérant que la délégation avec Gilles entame un dialogue positif avec le pouvoir parisien. En espérant des conjonctures extérieures non défavorables.
Mais il ne faut pas trop espérer quand même, car « chì campa sperendu, more cachendu ». Sperendu per luttà è fà u partidu da salvà u nostru populu. •