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Peuple Corse

Max Simeoni
Max Simeoni
Le 9 mai 1991, le Conseil constitutionnel déclare anti-constitutionnelle la mention « communauté historique et culturelle vivante que constitue le peuple corse, composante du peuple français » votée par l’Assemblée nationale, en argumentant « que l’expression “le peuple”, lorsqu’elle s’applique au peuple français, doit être considérée comme une catégorie unitaire insusceptible de toute subdivision en vertu de la loi » et que, faisant référence à l’article 2 de la Constitution qui proclame l’indivisibilité de la République la mention votée « est contraire à la Constitution, laquelle ne connaît que le peuple français, composé de tous les citoyens français sans distinction d’origine, de race ou de religion »… Dans Arritti, la réaction de Max Simeoni est sans appel.

 

Peuple Corse
par Max Simeoni

 

Les neuf du Conseil Constitutionnel ont dit la Loi selon laquelle le Peuple Corse ne peut pas exister parce que le peuple français existe.

Le Peuple Corse a-t-il existé sous Pasquale Paoli ? Il est mort pour que vive le peuple français ! Il s’est volontairement sacrifié ? Non ! Le peuple français l’a sacrifié, l’a mangé, l’a digéré et à cette heure, il devrait être excrété. Parler encore du Peuple Corse tient de l’incongruité, de l’hérésie dangereuse qu’il faut excommunier pour mieux protéger le peuple français, « la composante » Peuple Corse n’étant que la nature protéinique, nutritionnelle, cannibale.

Sacrée loi ! Les lois de la nature et celle du progrès humain l’emportent un jour ou l’autre sur les considérants juridiques qui veulent les ignorer ou les nier.

Il est deux façons d’être raciste : vouloir l’autre inférieur ou ne le supporter qu’à son image.

La France jacobine est raciste, totalitaire culturellement. Elle n’accepte que l’intégration, c’est-à-dire la ressemblance à elle-même. Elle exige le reniement de soi, l’effacement de sa différence. Elle a procédé ainsi aux Colonies jusqu’à l’absurde avec le mythe gaulois. Elle y a échoué. Elle a fait de même en Corse après Ponte Novu. Elle a presque réussi.

Le raidissement des tablettes de la loi constitutionnelle est erroné, dépassé, caduque donc néfaste.

Elle est classique, elle fait encore illusion mais elle ne peut pas résister à la lumière des temps nouveaux. Elle est condamnée. Persévérer dans l’erreur est diabolique.

Les neuf conseillers, nous ont dit, coïncidence, le 9 mai jour anniversaire de la bataille de Ponte Novu pour la liberté, qu’ils ne veulent pas que nous existions, qu’ils veulent que nous mourrions, que nous disparaissions parce qu’ils considèrent que c’est une nécessité pour que le peuple français puisse exister.

Il faut qu’ils sachent, dès aujourd’hui, que nous voulons exister, vivre, que nous sortirons du piège mortel de leur constitution, que nous ferons tout, oui tout, pour cela. Cela est aussi simple que le devoir de légitime défense. Nous le ferons tranquillement, sans complexe car il y va de notre dignité. Tant pis si elle va à l’encontre des canons de leur philosophie et de leur juridisme.

Cette loi est manifestement dépassée, à eux de la changer, de la modifier. C’est uniquement leur problème. Ce n’est pas le nôtre.

Nous avons fait l’effort de patience, personnellement il dure depuis trente ans, nous continuerons.

Nous voulons être Corses. S’il faut choisir Corse ou Français, de réponse il n’y en a qu’une possible : Corse. Certains disent qu’on peut donner satisfaction aux aspirations spécifiques « locales » sans toucher à « la République Une et Indivisible ». Tout le passé plaide contre : la décorsisation, la perte de la langue, la colonisation ont sévi. Et pourquoi depuis de nombreuses années n’ont-ils pas répondu aux demandes des « locaux » que nous sommes ?

Qu’ont-ils fait de la langue, de la culture, de l’économie, de la démographie, de la démocratie en Corse ? Même si on veut limiter dans le temps, qu’attendent-ils pour le faire depuis les années 60 ?

Ils n’ont rien fait. Bien pire, ils ont davantage colonisé et décorsisé ?

Paternalisme outrageant du propos et contre vérité flagrante.

Si la France est encore sous le carcan jacobin, nous pensons qu’elle porte aussi des forces positives qui sauront la remettre sur les rails du progrès. Nous l’espérons pour la France. Car voyez-vous, j’ai le sentiment profond qu’il y va de son intérêt vital. Le problème corse est un test pour elle. Si elle ne le remplit pas comme il faut, elle se réserve des surprises douloureuses en Corse comme ailleurs, en Europe par exemple. Il faut qu’elle se débarrasse dans son propre intérêt de ce qu’il y a de périmé, de dangereux pour elle et ses « composantes ».

Certains disent qu’elle est unique, le modèle universel, inaltérable, hors du temps désormais, la perfection. Quand Jupiter veut perdre les siens, il les rend aveugles et fous. Qui veut du modèle français de par le Monde et en Europe ? Personne ! Il est obsolète et inexportable.

Certains argumentent sur les particularismes néfastes, l’abandon des différences seraient les clefs de la civilisation de l’Universel. Erreur grossière ! C’est un français qui a dit qu’il ne faut jouer ni à l’ange, ni à la bête.

On ne peut accéder à l’Universel qu’à partir de ce qu’on est. On ne peut échanger bien avec l’autre qu’en le respectant. Ainsi on peut rechercher, bien dans sa peau, ce qu’il y a de commun dans tous les hommes, ce qu’il y a d’Universel.

Partir d’un concept imposé du haut d’un pouvoir qu’on a érigé par la force et la domination, pour faire table rase du passé et de l’Histoire d’un peuple, est une démarche totalitaire.

On est réduit à inverser les valeurs par le mensonge.

Le modèle « France jacobine » se veut définitif, fini, abouti.

Fixité étrange, vérité révélée, religion, doctrine sacralisée. Elle est contraire à tout ce qui est vie, biologique ou historique, qui est diversité et évolution, adaptation continue. Elle est contraire à la morale qui est respect de toute vie, tolérance et dialogue. Elle est contraire à l’esprit de justice qui exclut domination et usage de la force par le plus fort. Pour cela même elle est aux antipodes de la Sagesse. Elle est atteinte à la modestie car elle est pur orgueil. Elle est mensonge, manipulation, cynisme car elle ne peut pas supporter d’autre qu’elle-même. S’il le faut, si les circonstances l’exigent, elle est prête à ouvrir les bagnes et à dresser les échafauds au nom de la vérité « révélée » qu’elle incarne.

N’a-t-elle pas fait dans l’empire, les sales guerres coloniales au nom de la « Civilisation » ?

Tout bien pesé, il n’y a pas lieu de s’étonner : le jacobinisme est égal à lui-même. L’étonnement aurait été qu’il accepte peu à peu, d’un statut à l’autre, par étapes successives, le Peuple Corse.

Stop ! on dit les neufs : il y a danger pour le peuple français.

C’est bien ce jacobinisme qui est séparatiste. Il ne laisse que deux alternatives : ou l’étouffement du Peuple Corse ou prendre le risque calculé de le perdre, de le voir sortir de la Communauté française. Il préfère livrer la Corse au marché commun, pieds et poings liés, la voir mourir. Il récupérera ses dépouilles.

Pauvre, vraiment, pauvre France !

Mais peut-être que les raides sentences des neuf conseillers suprêmes, ne sont que les dernières convulsions de la part jacobine de la France. Nous voulons bien l’espérer pour elle, mais cet espoir ne permettra jamais de se payer d’illusion quant aux intérêts du Peuple Corse qui sont imprescriptibles. •