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Recadrage : un constat d’évidence

Max Simeoni
Max Simeoni
L’Histoire nous enseigne. Max Simeoni qui connaissait bien la difficulté des combats de libération le rappelait à longueur d’articles. Il alertait inlassablement les nationalistes corses sur leur insuffisance face aux enjeux de la disparition de leur peuple. Article écrit le 10 octobre 2019.

 

Recadrage : un constat d’évidence

par Max Simeoni

 

Le peuple corse est menacé de disparition. La cause est la République, depuis toujours centraliste jacobine, qui refuse d’admettre tout droit réel à la différence, tout lien juridique avec une population historique et son territoire.

Sans ses droits reconnus, le peuple corse est condamné à disparaître. Il y a en effet une incompatibilité totale entre la demande d’une reconnaissance de peuple avec ses droits et le jacobinisme républicain : un seul peuple, une seule langue, un seul État.

Le peuple corse est dans une phase de déclin qui s’accélère. Il ne faut pas se faire d’illusion ni sur le combat des culturels pour la langue et les chants corses, ni sur les victoires électorales. Ces militants ont le mérite de témoigner, d’illustrer cette résistance, de sensibiliser les Corses et amis de la Corse mais ils ne suffiront pas à sauver langue et culture, à corsiser les flux croissants de nouveaux arrivants.

 

Le nationalisme s’est développé durant plus de 50 ans écoulés pour assurer une survie au peuple corse. Il faudrait un autre mot pour le définir. Il représente le droit à la vie d’un petit peuple qui ne peut ni agresser ni dominer un autre, mais qui tout au long de son histoire, n’a fait que chercher à se défendre avec des hauts et des bas contre toute sorte de dominants colonisateurs. Les 250 ans après Ponte Novu de présence française (20 de tutelle royale puis 230 de tutelle républicaine) l’ont conduit à être sur le point de disparaître. Certes le tempo de survie historique se mesurera en quelques décades. Il peut paraître lointain ou incertain si les mécanismes délibérés à l’œuvre ne sont pas bien conscients dans l’esprit des Corses eux-mêmes. Ces derniers doivent mesurer le péril et se mobiliser pour vivre ou disparaître en tant que peuple.

La lutte pour la survie s’apparente à une guerre totale contre le jacobinisme républicain, une guerre citoyenne civique. Le jacobinisme doit renoncer, sinon le peuple corse est rayé de l’Histoire. Les demi-mesures ne sauveront rien. Les petits pas (les statuts insuffisants, le bilinguisme à la main des républicains, les dérogations fiscales) sont autant de manœuvre de l’ennemi jacobin. Le peuple corse doit être maître de son destin. Il doit pouvoir légiférer par un statut d’autonomie interne pour redresser sa chute et conduire une politique de coofficialité pour sa langue.

 

Le colonialisme jacobin est celui du boa qui avale sa proie pour la digérer avec le temps : c’est là un colonialisme d’assimilation. Ainsi la loi douanière a visé à couper l’île de ses échanges de proximité avec la terre ferme ; là où les Corses trouvaient des appuis (par exemple Pise contre Gênes, la famille de Pasquale Paoli se réfugie à Naples après Ponte Novu). 95 ans de ce traitement (de 1818 à 1913) ont conduit la France à utiliser sa conquête à son seul intérêt. Elle a étouffé d’emblée les productions insulaires (oliviers, vignes…) qui pourraient la gêner. Cette loi inique est suspendue la veille de la guerre de 1914. Elle est suivie par la saignée de 12.000 morts et de nombreux estropiés de 20 à 50 ans, autant de procréateurs en moins pour le peuple corse. La politique du réservoir d’hommes va continuer pour la grandeur de la France par les conquêtes coloniales et l’encadrement de son Empire. Le réservoir est vidé. En 1960 l’île compte 160.000 habitants et l’exil se continuera jusque dans les années 1970, le renouvellement de population sera visible avec l’arrivée de 18.000 pieds-noirs après les accords d’Evian. Le plan d’action régionale de 1958 qui a créé la Somivac pour l’agriculture sera détourné pour les recaser au détriment des Corses.

 

Une phase de transition brève à cheval sur la fin de l’Empire qui se précipite (accords de Genève par Mendès France en 1960, et d’Evian par de Gaulle (en 1962) et l’idée de construction européenne qui prend corps, offre l’occasion après l’épisode des essais atomiques souterrains à l’Argentella, de trouver une utilité à l’île, vidée et non développée à l’heure de la civilisation des loisirs.

La Datar commandite à l’Hudson Institute un rapport qu’elle voulait secret pour le développement touristique. Dévoilé, loin d’être la manne miraculeuse d’un tourisme qu’elle annonçait, elle avait choisi le modèle d’un développement massif et rapide pour achever ce qui restait d’un peuple corse sur sa terre.

Pris en flagrant délit de mensonge en vue du coup de grâce, l’État républicain fit mine de renoncer à son projet criminel. Cependant il le poursuit en douce. C’est visible à l’œil nu : les flux de population se sont intensifiés ces trente dernières années. L’île compte 330.000 habitants. Sa population a doublé par ses apports extérieurs. Et par une remise de 30 % des charges pour les constructions à valeur locative, le taux des résidences secondaire a explosé en quelques années. Le plus élevé !

 

Pour conclure, que penser de l’ensemble de la « famille nationaliste » ? Elle est « majoritaire absolue », sans aucune force politique organisée d’opposition de droite ou de gauche et elle perd son temps pour des mandats donnant des pouvoirs insuffisants pour poursuivre sa mission historique de sauvetage de son peuple. Elle joue aux billes quand la terre du peuple corse passe dans d’autres mains ? Elle mute en une sorte de Nomenclature élective qui ne pense qu’à se faire réélire en oubliant de mobiliser ce qui reste de force au peuple corse pour se battre et survivre. Elle a pour le moment des électeurs de Nomenclature, mais jusqu’à quand ? Elle brandit des enseignes de partis sans militants organisés de terrain. Elle les laisse déçus et errants. On ne sauve pas un peuple par procuration élective. •