Ce texte, Max Simeoni l’écrivait en décembre 2019, à la suite de l’assemblée générale du parti Femu a Corsica dont il se préoccupait beaucoup. Les difficultés et les enjeux restent les mêmes. À méditer.
« Tous les futurs sont possibles, mais aucun n’est certain »
par Max Simeoni
Ce dimanche 15 décembre se tenait l’AG de Femu a Corsica. Un rendez-vous essentiel pour les militants, entre bilans et projets.
L’amphi plein à raz-bord, une bonne participation. Des militants en attente, attentifs, allant jusqu’à exiger un vote sur un sujet que le bureau voulait différer. J’y ai vu là une assemblée de militants à l’esprit démocratique ; ce qui m’a réjoui car je suis convaincu que plus nous l’aurons, plus la force nationale augmentera face à l’État jacobin.
Michel Castellani prit le micro le premier, ses obligations de député l’appelant hors de l’île. Il évoqua le boulot de nos mousquetaires au palais Bourbon : quelques avancées, le blocage du gouvernement sur la question politique qui « est tétanisé » dit-il. Il termina par une flèche sur la cible municipale : « les gens qui ont fait de Bastia une citadelle de République bananière ne prendront pas Bastia ! »
Jean Félix Acquaviva, secrétaire national, présenta la motion d’orientation générale en rappelant les problèmes rencontrés la première année : démarches, Commission projet (un projet de société qui sera mûr en 2021), l’héritage lourd, la fusion des trois collectivités, l’État méfiant sur tous les dossiers, des élections chaque année avec en vue 2020-2021, la « libération des énergies », mais le départ commençant avec les municipales.
Puis, les quatre motions. Celle de Didier Grassi, « de changer les mentalités pour l’émancipation… renforcer la démocratie participative de partout ». Celle de Marc-Antoine Campana et de Paul-Jo Caïtucoli pour la Fundazione di u Riacquistu afin de « faire de la Corse un territoire pilote en matière d’économie circulaire, de démocratie participative et de développement durable ». Paul-Jo Caïtucoli l’a déjà mis en œuvre dans sa pieve. Il a été le premier conseiller général natio élu sous le règne du clan. La motion de Juliette Ponzevera, suppléante de Michel Castellani, rappelant que la proposition de loi des députés natios pour bannir les matchs le 5 mai sera tranchée le 13 février et qu’il convient de les soutenir, eux et le groupe Libertés et territoires. Celle de François Alfonsi sur la langue corse, en prolongation du vote à la quasi-unanimité qu’il avait obtenu au Parlement européen, s’inspirant d’un système basque d’éducation associatif, une alternative au public et au privé, demande de créer un projet d’enseignement en immersion. « Aujourd’hui des jeunes passent le bac en basque » nous a-t-il fait savoir. Quelques personnes de l’Éducation nationale, enseignants ou employés, s’y sont opposés, voulant réserver la priorité de l’enseignement officiel à l’Administration. Ce réflexe, je l’avais déjà rencontré même chez des militants de l’ARC professeurs ou syndicalistes de l’Éducation nationale parlant, écrivant le corse et militants culturels actifs, quand j’ai proposé de faire des écoles maternelles en immersion pour la langue ce que la loi permettait. Bien plus qu’un réflexe « maison » corporatif, ils craignaient sans doute que des non-qualifiés produisent des lacunes dans l’apprentissage des touts-petits. Mais pour un enfant, une langue vivante est d’abord des sons, une musique qu’ils retiennent très facilement. Les neurosciences l’ont bien établi. Cette faculté, cette plasticité diminue vers 6 à 8 ans. D’autres circuits cérébraux permettent d’apprendre une langue à tout âge, mais c’est moins aisé. C’est pour cela que les nobles d’antan prenaient des nourrices étrangères, leur progéniture devenant sans effort bi- voire trilingue.
La prise de parole du président de l’Exécutif pour conclure. Il souligne la mise en forme d’un projet qui est pour l’instant épars : « un chemin d’émancipation culturel, économique, politique et sociétal. » Il insiste sur les difficultés d’affranchir un pays de deux siècles de colonisation, de clanisme et de renoncement… « il faudra 20 ans de labeur acharné ensemble… deux ou trois élections gagnées ne peuvent suffire… il n’y a pas d’autre chemin… nous ne céderons rien sur nos revendications… » La dérive mafieuse est préoccupante, la regarder en face et la tenir en marge par le seul moyen de la démocratie. Pour les élections prochaines, tenir le cap, le peuple jugera. Une réussite électorale n’est pas une fin en soi sur le chemin de l’émancipation. « Tous les futurs sont possibles, mais aucun n’est certain. » On ne sauve pas un peuple par procuration. Tels sont les idées de ce discours. Je pense que les 14 mois perdus après la fusion votée en octobre 2017, nous ont traînés jusqu’à la période électorale et si nous avons des statuts, il nous manque la mise en place et le rodage d’une base géographique couvrant l’île et la diaspora. Impossible à faire en période électorale.
Il nous reste à faire les élections. On ne pourra pas « assumer 20 ans de travail acharné », peut-être moins par bonheur, sans cette base démocratique active et organisée au sein du peuple capable d’amener le système jacobin à composition. Capable de gagner d’autres Corses et de les engager dans la lutte de sauvetage sur leur terre.
Le futur le plus possible de notre disparition de peuple est en marche. L’accroissement de population se fait pour l’essentiel par des apports extérieurs. Le développement d’un tourisme de masse reste la politique de cet État jacobin qui utilise la fiscalité : en 5 à 6 ans, il s’est construit plus de résidences secondaires que partout ailleurs en France. Nous consommons plus de 97 % de productions importées subventionnées par l’enveloppe de continuité territoriale. Toni Casalta a demandé ce qu’il en était de la commission d’un suivi démocratique qui avait été adoptée. Il lui a été répondu qu’elle serait mise en place après les municipales. On pourra donc y discuter ce problème qui me paraît crucial de la base démocratique. Crucial, puisqu’il ne peut y avoir qu’un seul perdant, le peuple corse, avec le dilemme de vaincre pour ne pas mourir. •