par Max Simeoni
La secousse « tellurique » perceptible par tous dans la société corse commence avec l’agression d’Yvan Colonna dans la prison de haute sécurité d’Arles. Les jeunes étudiants, lycéens, et d’autres descendent dans la rue avec fracas. Affrontements avec les CRS, les gendarmes, heurts prolongés, saccage des Finances publiques, la préfecture étant barricadée par un rideau de rue anti-émeute et derrière les polices.
Les partis nationalistes étaient présents en soutien, mais aussi pour mieux canaliser cette révolte et éviterd’autres drames. Chaque ville, une après l’autre, a eu sa révolte ; celle de Bastia était quasi insurrectionnelle.
Paris a compris que l’envoi de renforts des services d’ordre ne pouvait plus suffire pour amener le calme. C’était une urgence pour le pouvoir central à 20 jours de l’élection d’un Président de la République, le Président sortant étant en tête, bien détaché dans les sondages, ayant bénéficié d’une situation internationale qui le rendait d’avantage visible que ses concurrents.
Les images d’émeutes en Corse devaient donc cesser au plus vite.
Madame Corse meublant le Conseil Constitutionnel, il envoya Darmanin le ministre de l’Intérieur, pour écouter toutes les doléances, aucun sujet tabou y compris l’autonomie, avant d’arriver la promesse des prisonniers du commando Erignac, Alessandri et Ferrandi est offerte dans un délai court, Yvan restant entre vie et mort, dans un coma médical à l’hôpital*… La promesse aussi d’un dialogue qui devrait être conclu par un projet de réforme institutionnelle avant la fin de l’année, malgré la parenthèse obligatoire des élections Présidentielles (10 et 24 avril) puis deux mois après des législatives (12 et 19 juin), cette dernière importante dans la mesure où elle doit donner une majorité parlementaire au Président élu pour qu’il puisse gouverner et entreprendre les réformes qui lui paraissent importantes. Un document écrit en commun sera rendu public afin que « nul n’en ignore ». Darmanin accorde une longue interview à Corse-Matin en arrivant enrobée de paroles de miel. L’autonomie pourquoi pas, le rapprochement des prisonniers d’Erignac sous peu, ce n’est plus qu’une affaire de formalités administratives, les différents points soulevés par les socioprofessionnels, les CCI, transports maritimes, fiscalité, vie chère, l’enseignement, la santé… tout sera abordé dans la discussion pour mieux précisément appréhender les contours et les limites de l’autonomie.
Il intronise cependant le Président de l’Exécutif par son premier contact, tête à tête avec Gilles Simeoni. Il joue l’ouverture en préalable avec l’élu local. Il n’a pas d’autres intermédiaires parmi ses opposants comme portillons. Il prolonge un jour de plus sa venue pour finir d’entendre tout son monde.
Les partis de Droite ou de Gauche opposés aux nationalistes sont hors-jeu, en Corse plus qu’ailleurs. Les clans qui leur servaient de relais commodes sont évaporés et LRM, parti du Président Macron, n’a pas assez de relais municipaux pour lui rallier une majorité non friable. Certes le corps électoral insulaire est trop réduit pour jouer un rôle plus direct dans une élection générale mais les troubles locaux, les images médiatisées amènent du flou sur son image de sortant rééligible, au niveau Hexagonale et internationale dont les presses commencent d’en parler.
Les courants politiques locaux se raccrochent ou se rapprochent là où ils pensent trouver une accroche. Obligés d’attendre, ils sont dans l’expectative inquiète, ni tout à fait pour l’Autonomie, ni tout à fait pour soutenir franc du collier le Président sortant. Le quel abonde en promesses à formuler après les élections. La phraséologie de Darmanin est ferme, chaleureuse pour emporter l’adhésion mais bordée par moment de non réponses, de non-dits, qui pourront servir à gagner du temps ou à des refus plus nets. Bref les procédés utilisés dans toute discussion diplomatique, le sentiment que les promesses sont faites, comme Pasqua l’a dit, pour « ceux qui y croient ». J’ajouterai et pour ceux qui voudraient y croire. « Il n’est pas dit qu’on sera d’accord sur tout » à la fin de la discussion a dit en passant le ministre en mission. Il sait où le bât blesse la doctrine des jacobins. L’autonomie cela dépend ce qu’on va mettre dedans. Pleine ? Elle va déborder jusque dans l’indépendance ! Entière ? Entièrement souveraine donc pourquoi pas l’autodétermination…
La coofficialité de la langue corse ? Le français est la langue de la République, c’est dans la Constitution ! Oui, mais elle n’y a été mise que par la réforme constitutionnelle du 25 juin 1992, l’argument étant de s’opposer à l’envahissement de l’anglais. Les tribunaux ne l’ont utilisée que contre des langues régionales. De nos jours on ne peut plus lire de la presse, des compte rendus scientifiques sans rencontrer de partout l’anglais, mieux on débute son apprentissage dès le primaire. Nos langues régionales souvent romanes, elles sont enseignées parfois mais pour être bridées, dommage pour le français, non ?
Pour conclure, il y a un rapport de force idéologique inamendable de la République des jacobins contre nos langues historiques, combat qu’il a perdu contre la langue anglaise, les finances et l’économie mondialisées.
Aussi l’État jacobin est un modèle dépassé. La solution passe par une Europe démocratique forte qui demande un temps long, très long pour abolir les frontières issues des guerres et intégrer la justice pour les peuples et les régions géographiquement voisines. On est loin du compte.
Mais pour le Peuple Corse, il y a une urgence plus rapprochée de sauvetage. Cela dépend de ce qui reste de notre culture, de notre langue, de notre territoire, en un mot de notre peuple pour le sauver et lui garantir un avenir. Le but n’étant pas de faire un retour dans le passé pour retrouver la Corse d’hier mais pour garder pour nos jeunes leur Terre et accueillir sans être noyés. Pour qu’ils y bâtissent leur vie, qu’ils voyagent mais qu’ils y reviennent.
On ne sauve pas un peuple par procuration. •
* Alors que j’écris ces lignes, j’apprends qu’Yvan Colonna est décédé.