par Max Simeoni
Le premier tour des Législatives ronronne et on ne manque pas de candidats.
Les permanences sont ouvertes, la presse relate les réunions et les meetings. Le tour des quartiers, des étages, des pieves se veut sinon complet, du moins le plus large possible. Il s’agit de se montrer, le tract en main, rassurant. Il n’y a pas si longtemps, celui qui n’avait pas été sollicité pouvait dire « ùn hè mancu vinutu à vèdeci ! » pour dire que, puisqu’on l’ignorait, il pouvait en faire autant et même sanctionner. L’esprit démocratique du suffrage universel pour débattre des idées n’y trouvait pas sa place.
Le second tour va réduire le nombre des candidats, nationalistes aussi, possible mais non certain. Sera-t-il plus âpre, et sans fair-play ? Sûrement ! Pour l’emporter, le recours à des accords affichés ou tenus secrets pourraient s’imposer. Qui à cet instant peut se risquer à faire un pronostic ?
Quant à moi, je suis attristé de voir l’incohérence, hormis pour Paul André Colombani qui n’a pas – à ma connaissance – de concurrent nationaliste dans la 2e circonscription du Sud. On verra donc après le second tour qui soutient dans la « famille » nationaliste ou fait semblant, qui invitera d’aller plutôt â la pêche. Une faible participation diminuera la crédibilité du gagnant élu.
Le Président Macron semble avoir bien joué en prolongeant le temps de l’annonce de sa candidature, puis celui de la nomination d’un Premier ministre, Madame Borne, et des autres ministres.
Les jeunes Corses dans la rue n’avaient pas l’ambiance favorable pour y redescendre. Les adultes qui les soutenaient, élus ou autres, voulaient surtout savoir quel gouvernement ils auraient. Les différentes tensions entre partis et en leur sein ne pouvaient pas prendre appui sur le Président Macron pour justifier leurs polémiques. La nomination d’une femme Premier ministre faisait plaisir à toutes les féministes de tous les partis. Et une femme compétente et d’expérience qui en impose. Polytechnicienne, haut fonctionnaire, elle a été ministre des Transports puis de la Transition écologique d’Edouard Philippe, ministre du Travail et de l’emploi puis de la Planification écologique et énergétique de Jean Castex. Elle est l’anti-parcours d’un ministre, cadre politique dirigeant d’un parti. On peut imaginer qu’elle sera utile au Président réélu pour lancer les options choisies de l’emploi et de l’écologie sans lui porter tort. J’ai peut-être l’esprit déformé mais le Président a dû vouloir ériger une contention contre Édouard Philippe, énarque, maire du Havre, et son parti Horizons qu’il a créé pour les présidentielles de 2027.
Le Président entend faire le jeu et non subir durant tout son mandat. Il ne pourra pas supporter un dauphin autoproclamé. Mais il lui faudra une majorité cohérente capable de tirer par le haut ses options de social-démocratie, écologiques, sociales, etc. Madame Borne est le levier approprié pour une telle entreprise. Il veut aussi laisser la marque dans l’Histoire du Président qui a sauvé la Ve République d’une noyade dans la médiocrité.
Je ne suis pas conseiller, rassurez-vous, ni de gouvernants ni d’acteurs politiques nationalistes. Je suis simple citoyen qui a voulu vivre sa vie en Corse, qui a connu et participé à la prise de conscience de l’existence d’un peuple corse menacé de disparition, non par la faute d’une destinée funeste, mais par celle du colonialisme de la République des jacobins constant et insidieux au point que l’autocolonialisme s’est développé. Les Corses ont fini en grande majorité par vraiment croire que leur île était une terre stérile et que leurs chances étaient d’appartenir à une grande puissance qui leur permettait plus de liberté pour chacun, plus d’égalité pour l’ascenseur social, plus de fraternité en un mot dans l’accueil… alors qu’ils servaient essentiellement de réservoir d’hommes pour un pays à natalité insuffisante et avec un Empire colonial sur tous les continents, un pays en guerre avec l’Allemagne, et en tension colonialiste avec l’Angleterre.
La prise de conscience autonomiste s’est faite peu à peu et nous n’étions pas les seuls à y participer. Par contre, nous avons vite été sur le terrain au sein du peuple corse. Les écrits l’attestent. Le Manifeste du Cedic, paru en 1964, dessine déjà les contours de la doctrine autonomiste. La parution de l’hebdomadaire Arritti en décembre 1966, puis du premier livre Autonomia en 1974 et du second livre Autonomia actualisé en 1991, prouve bien la constance du fond doctrinal et militant. Nous n’avons pas la prétention d’avoir été les seuls, ni dans la prise de conscience, ni dans l’action. Heureusement !
J’ai dit, dans le dernier Arritti, que je voterai le député sortant et que je m’attristais de ces oppositions entre nationalistes. Je reste inquiet pour le second tour puisqu’il apparaît qu’aucune entente n’est envisagée pour un accord ou des soutiens, si nécessaires, pour ne pas perdre. Je suis déçu de voir cet aveuglement pour des mandats d’une institution insuffisante pour sauver un peuple, notre peuple, qui disparaît et sa terre qui est livrée au tout tourisme et à l’encan, à la spéculation et aux dérives plus ou moins mafieuses. Notre temps de vie d’hommes en années reste dans la confusion qui sert le colonialisme mais le temps historique est compté sur quelques décades pour la survie du peuple sur sa terre. On devrait ne pas gaspiller une seule seconde afin d’éviter sa disparition.
Darmanin est de nouveau ministre de l’Intérieur. Les discussions « sans tabous » vont-elles commencer ? Quand ? La situation pour le pouvoir n’est pas la même de celle de l’agitation suite à la mort d’Yvan Colonna. Il n’a pas de pression. Mieux : le temps qu’il gagne lui est profitable. C’est l’inverse pour la cause du peuple corse en butte à une échéance historique.
La « majorité absolue » dans l’institution d’un statut spécial – le 4e celui de Cazeneuve – n’offre que des inconvénients. Il est une entrave qu’on se met en ne jouant que lui. Il la rend responsable de tous les retards de gestion dont les causes remontent à l’ancien système du clanisme local et du centralisme parisien.
Chercher l’erreur principale est facile à trouver. Les nationalistes frappés comme la peste par l’électoralisme d’un statut inadapté, alors que l’autonomie interne, complète et de plein exercice, est l’urgence historique incontournable pour œuvrer au projet du sauvetage de ce peuple en déclin. •