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Un énième FLNC ?

Max Simeoni
Max Simeoni
Ce mardi 5 novembre à Paris s’ouvre dans l’indifférence générale le procès du dit « nouveau FLNC » créé en 2019… Nul doute de l’engagement sincère et désintéressé des prévenus mais le décalage avec la société corse et ses attentes est flagrant, peu sont au courant, y compris au sein de la famille nationaliste… Neuf hommes sont cités à comparaître ; parmi eux, Jean Pierre Santini, qui a milité au sein du FLNC originel. Ils sont accusés d’avoir fomenté un attentat contre la gendarmerie de Montesoru à Bastia, revendiqué quelques jours plus tard au couvent de Casabianca. Et c’est à partir de cette revendication, que l’action a pu être découverte… c’est tout dire !
À l’époque, Max Simeoni commentait ainsi la naissance de ce nouveau mouvement clandestin dans un contexte lourd de dérive mafieuse…

 

 

Un énième FLNC ?

par Max Simeoni

 

 

 

Ce 1er octobre, j’ai dû suspendre à la dernière minute mon article pour l’imprimerie quand j’ai su que la famille nationaliste venait d’accoucher d’un énième FLNC. Je m’apprêtais plutôt à donner mes impressions sur la réunion de dimanche en hommage à Massimu Susini ce jeune militant assassiné. Pour cet hommage, tous les natios étaient présents et bien d’autres.

Les échanges sont devenus vite, en regard aux causes de ce meurtre, critiques et même polémiques envers les politiques y compris les natios, l’État, le capitalisme… la mafia, la porosité…

Certes ces maux sont réels, mais ils sont les conséquences plus que les causes de l’impasse actuelle qui amène certains, sans doute des jeunes, à fonder leur espoir contre l’injustice sur la lutte clandestine. L’erreur est facile à faire si on ne mesure pas bien les causes constantes. Elles sont historiques. Je résume ce que je rabâche depuis toujours.

 

Ponte Novu, 1769-1789, de la Royauté à la Révolution française, puis 20 ans après en 1818, trois ans après la mort de Napoléon, l’État français nous inflige pendant 95 ans jusqu’à 1913, la veille de la guerre de 14, la loi douanière. Le prétexte est que la France doit se prémunir contre l’introduction frauduleuse par l’île des productions étrangères. Elle étrangle notre production. Mais surtout elle veut couper tout rapport avec la péninsule italienne pour nous inclure dans son système économique, puis culturel. Il lui a fallu tenir le garrot pendant un siècle, sur plusieurs générations. Pour nous développer ? Non ! Pour elle-même pour les guerres européennes et coloniales et l’encadrement de son Empire. Un réservoir d’hommes, vidé, en 1960 il n’y a plus que 160.000 habitants dans l’île. « Parti, u mo figliolu, chì quì ùn ci hè nunda à fà » disaient les mères à leurs enfants. L’État français nous a non-développés, dépeuplés, poussés à l’exil en faisant croire que l’île était irrémédiablement pauvre et que généreusement il nous offrait des carrières en son sein et dans ses colonies.

Effondrement de l’Empire colonial (accords de Genève 1960 par Mendès France, d’Evian 1962 par le Général de Gaulle qui aurait voulu transférer les essais atomiques souterrains du Hoggard à l’Argentella). L’idée de l’Europe est initiée par 34 pays en 1949, avec le Conseil de l’Europe pour les droits de l’Homme et les libertés fondamentales. Sa construction se fera d’abord par l’économie, Traité de Rome 1957 instaurant la CEE avec six États…

 

L’État français doit rééquilibrer ses territoires pour se préparer à l’Europe, d’où le Plan d’Action Régionale de 1958. Pour la Corse, Somivac et Setco (agriculture et tourisme), la Somivac lui servira à recaser les Pieds-noirs avec l’accord d’Evian en 1962. Pour le tourisme, la Datar consultera en secret l’Hudson Institute en 1972. Mais une fuite permet de dévoiler le choix de l’État pour un développement massif d’hôtels (250.000 lits en 10 ans) et un apport de population de même amplitude (70.000 techniciens du tourisme). Cette politique continue. Les flux de population sont allés croissants surtout ces derniers 30 ou 40 ans, doublant la population de 160.000 à 320.000 habitants. Le centre montagneux survit pour une population âgée, sans vie productive. Il s’éteint comme une lampe à huile sans faire rayonner sa culture et sa langue millénaire. Les jeunes vivent pour la plupart sur une bande littorale d’allure banlieusarde. La proximité d’une nature non cultivée, de la montagne et de la mer, nature belle universellement reconnue, leur insuffle une fierté, et un attachement qui peut leur donner une responsabilité de ne pas tout gâcher, transmettre cette chance à leurs enfants et conserver un lien de langue, de polyphonie, de culture en harmonie avec une terre si belle…

 

Le peuple corse n’est pas fait que de saints. Il est comme les autres peuples. Il a des délinquants, des voyous, des malfaiteurs en col blanc. Alors mafia ou pré-mafia, porosité, oui, cela peut exister… mais cela prend de l’importance et des formes liées au contexte politico économique.

Au lendemain de la dernière guerre, la Corse pauvre et se vidant, la délinquance était à l’exportation, là où il y avait du monde et du fric. Nos voyous faisaient carrière dans les grandes villes, Paris, Lyon, Marseille, Toulon… Dans l’île, ils tenaient à être traités comme parents ou amis et versaient de l’argent pour refaire le toit ou le clocher de l’église… Puis avec la régionalisation du crédit et le tourisme, il y avait de l’argent à capter pour les brasseries, les jeux d’argent, les discothèques, les hôtels, etc. Des bandes se sont organisées et se sont disputées ce marché. Ils ont même débarqué sur le Continent, jusqu’en Suisse pour accroître les gains.

La politique du tout tourisme continue. On voit ses effets. Diminution de 30 % des charges pour les constructions à valeur locative et on construit à jet continu des résidences secondaires plus que sur le Continent. Spéculations, pressions et comportements mafieux vont de pair pour l’enrichissement rapide et le blanchiment de l’argent sale et des fraudes fiscales… Emigrés pour une main d’œuvre à bon marché et consommateurs des produits venant de l’extérieur…

Le comportement mafieux a un terrain favorable, la porosité ne peut que croître. Oui, l’État est responsable de cette politique. Il n’en ignore pas les conséquences. Il ferme les yeux pour ne pas assumer ses devoirs régaliens de respect des lois. Il donne le change sur les paillotes qui occupent abusivement le territoire maritime… comme il a fermé les yeux sur les crimes des truands… double bénéfice, « les Corses pratiquent l’omerta contre les enquêtes », et ils ont quelques gênes de criminalité, dixit un procureur de la République en plein tribunal.

Oui, les politique sont responsables quand ils restent trop passifs devant l’État. Les natios le sont peut-être davantage quand ils se laissent prendre au jeu des élections et des coalitions électoralistes.

 

Les jeunes se leurrent quand ils pensent que la violence clandestine est une solution. Elle ne peut résider que dans une prise de conscience lucide. Tout bien pesé dans un parti démocratique agissant dans le Peuple Corse et de partout où il existe encore. C’est la mission historique que les natios ont initiée. Ce parti est à faire sinon c’est une Nomenclature qui restera pour se faire réélire. À quand un second souffle de liberté, de responsabilité et de fraternité ? •