E riflessioni di Max Simeoni

Un peuple, une Nation

par Max Simeoni
J’ai parlé dans ces colonnes du Manifeste du CEDIC en 1964, puis de Autunumìa de 1974 publié par l’ARC, de Autunumìa de 1991, publié par l’UPC, de même que du livret « Une autonomie interne pour le peuple corse », publié par l’UPC en 1994. C’est parce qu’il me semble vital de rappeler les analyses développées alors, et les écueils toujours possibles, particulièrement dans la période que nous vivons aujourd’hui où une autonomie constitutionnelle pour la Corse semble, enfin, être un horizon.

 

 

Il y a un autre document dont j’aimerais vous parler car il a marqué aussi son époque, lors de la première élection pour l’Assemblée de Corse, suite au premier statut Deferre, en août 1982. C’est un 16 pages qui ouvrait la campagne électorale de la liste de l’UPC, conduite par Edmond Simeoni. Sur sa première page, une forêt de drapeau à la tête de maure en photo et un grand titre : « L’Unione di u Populu Corsu constate, accuse, propose ». Tout y était d’une situation qui – malgré un contexte forcément différent 40 ans plus tard – n’a guère changé dans ses analyses sur les fondements historiques de la lutte de ce peuple. L’écroulement démographique, le désert et les ruines de l’intérieur, l’aliénation des terres et des ressources, l’indigence des équipements collectifs, le chômage et l’exil des jeunes, des statistiques économiques implacables, la colonisation, l’appauvrissement systématique, l’acculturation, l’énorme responsabilité des clans « cancer de la Corse », l’a-démocratie, la fraude électorale, les barbouzes, etc. Il y avait ensuite les propositions, déclinées en différents chapitres traitant de l’agriculture, la pêche, la forêt, l’artisanat, l’industrie, le tourisme, le commerce, les transports, l’énergie, la santé, l’environnement, l’emploi, le sport, la question sociale, la fiscalité, les ressources financières, l’utilisation de l’épargne, l’Europe, le rôle de la planification dans le développement, les institutions, et bien sûr la langue et la culture « cultura naziunale », fondement de notre identité. C’est dire les apirations qui sont les mêmes et l’espoir qu’avait suscité ce premier statut particulier.

Les besoins d’un parti fort « levier de la renaissance » était déjà exprimé, qui « se bat avec le peuple corse, pour le peuple » et se revendique « corse, démocratique, autonomiste ». On n’y est pas encore.

Mais c’est l’introduction de ce « programme » qui attire mon attention, dans sa façon de rappeler les fondamentaux de manière patriotique et vibrante de foi militante. Il eut alors en son temps un impact fort sur la jeunesse qui expliqua en partie, avec la dynamique militante, le bon score obtenu lors de ces élections de 82. Voici ce texte.

 

« Il y a l’île de Corse. Et sur cette île depuis la nuit des temps, il y a un Peuple. Formé, comme tous les peuples, comme le peuple français, par les apports successifs de ceux qui, venus en envahisseurs au cours de l’histoire, se sont enracinés sur sa terre. En France, ces apports s’appellent Grecs, Romains, Ligures, Ibères, Armoricains, Celtes, Normands, Germains, Burgondes, Wisigoths, etc. En Corse, ils s’appellent Phéniciens, Grecs, Carthaginois, Romains, Vandales, Sarrazins, Pisans, Aragonais, Génois, Français…

Le Peuple Corse est un peuple très ancien. Plus ancien que le peuple français, ce qui ne lui confère aucune supériorité. Plus petit par le territoire et le nombre de ses habitants, que le peuple français, mais cela ne le frappe d’aucune infériorité. L’existence d’un peuple ne se mesure ni à son âge, ni à sa taille : tout au plus à ses efforts pour rester lui-même et sur ce point, l’Histoire du Peuple Corse est éloquente. Le Peuple Corse à travers les millénaires a succombé souvent à un rapport de force qui lui est naturellement défavorable. Mais jamais il ne s’est résigné à disparaître.

 

Parce qu’il existe, le Peuple Corse a des droits, comme tout être collectif ou individuel existant. Ces droits sont essentiellement, pour chacun de ses enfants, la liberté absolue de vivre sur sa terre, d’y parler sa langue, d’y pratiquer des traditions, d’y exprimer ses convictions, d’y bénéficier des progrès de l’humanité, et d’y combattre ceux qui, par quelque moyen, mesure ou prétexte que ce soit, voudraient restreindre ces libertés fondamentales et ainsi porter atteinte à son existence même.

Les notions de PEUPLE et de NATION se confondent. La « NATION » n’est pas autre chose que la conscience d’exister du Peuple et sa volonté de vivre. Il y a donc une NATION corse, puisque le Peuple Corse, depuis son origine a toujours manifesté cette conscience et cette volonté, en particulier par sa résistance aux envahisseurs. De la Nation, le jurisconsulte Mancini a donné une définition qui fait autorité et qui s’applique point pour point à la Corse : « Une société naturelle d’hommes amenés, par l’unité de territoire, d’origines, de coutumes et de langue, à une communauté de vie et de conscience sociale ».

Mais Peuple ou Nation ne se confondent nullement avec l’État. La Nation Corse peut parfaitement exister dans son appartenance juridique à l’État français, comme la Nation Serbe – c’est un exemple parmi beaucoup d’autres à travers le monde – existe dans son appartenance à l’État central yougoslave.

Il n’y a en conséquence, aucune incompatibilité entre la nationalité corse et la citoyenneté française. La confusion entre ces deux notions distinctes a été volontairement entretenue par l’État français et les clans. Pour avoir refusé deux siècles de respecter l’identité du Peuple Corse, ses droits, ses besoins sa culture, l’État français, avec l’aide de ses complices locaux, les clans, a failli conduire ce peuple à sa disparition physique, au seul profit d’intérêts souvent étrangers à la France elle-même.

 

Sans le sursaut patriotique des années 60 à 81, la Corse, aujourd’hui, serait vidée de sa substance humaine historique. Ce sursaut, auquel l’UPC a puissamment participé à la suite du CEDIC, de l’ARC et de l’APC, a porté un coup d’arrêt à la colonisation. Mais l’œuvre de salut est loin d’être terminée et les forces qui ont failli faire périr notre Peuple sont toujours présentes.

C’est pourquoi notre lutte doit continuer et s’amplifier.

La présence de l’UPC à l’élection prochaine de l’Assemblée de Corse n’a pas d’autre but.

Mais aucun mouvement, aucun parti, si puissant ou sincère soit-il, ne pourra sauver le Peuple Corse sans la volonté du Peuple Corse lui-même, actuellement gravement aliéné sur le plan physique et moral.

Parce qu’elle en est convaincue, l’UPC entend, par tous les moyens légaux en son pouvoir, aider notre Peuple à constater, à comprendre, enfin à agir pour son salut ».

 

Bien sûr, il faut resituer ce texte dans son contexte de 1982. L’UPC n’existe plus mais n’importe quel mouvement nationaliste contemporain doit se sentir interpellé. Les fondamentaux sont là. Ils doivent rester notre antienne et nous guider dans chacune de nos actions : le peuple corse existe, et pour assurer sa survie et son accomplissement en tant que Nation il est indispensable d’œuvrer à la démocratie et de mettre en place une organisation telle qu’elle ne doit rechercher toujours que l’implication et la responsabilisation du peuple corse : « aucun mouvement, aucun parti, si puissant ou sincère soit-il, ne pourra sauver le Peuple Corse sans la volonté du Peuple Corse lui-même ».

Plus que n’importe quel statut, c’est là qu’est la clé de la survie et de l’épanouissement du peuple corse. •