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Un risque de « banalisation » de la violence politique ?

Max Simeoni
Max Simeoni
Max Simeoni était particulièrement soucieux des dérives qu’engendrent le choix de la violence politique. Pendant des années, il n’a cessé d’alerter et de plaider sur ses conséquences, particulièrement le risque de l’affrontement entre Corses, le rejet de nos idéaux par la grande majorité des Corses et bien sûr l’entrave à l’union nationaliste qu’elle représentait. Au lendemain de l’arrêt de la clandestinité, annoncée en 2014, les Corses ont d’ailleurs adhéré massivement aux idées nationalistes. Mais ce n’était pas la seule condition à la victoire politique, même si cela a permis de remporter des victoires électorales. Pour Max Simeoni, c’était une erreur de croire que la violence pouvait être un moteur. La victoire politique viendra par « l’avènement d’une force politique à la hauteur historique d’un peuple qui n’est pas à libérer, mais qui doit se libérer » disait-il dans un éditorial le 5 décembre 1996.

 

 

Certains prétendent qu’il y a un risque de voir « la banalisation » de la violence politique. Mais lequel ? Des attentats en série faisant partie de notre quotidien sans qu’on y prête trop attention ? Un peu comme les accidents de voiture qui ont droit à une rubrique ressemblant fort à celle des chiens écrasés, sauf pour les familles endeuillées.

Je les rassure, la violence politique est un phénomène qui permet beaucoup de choses, sauf la banalisation. Certes, l’homme peut se faire aux pires situations… pour survivre : guerre, camps de concentration, bagnes, violences des banlieues, etc. Mais penser qu’on aura un niveau stabilisé et supporté de violence politique auquel on s’accommodera, est une erreur.

La violence politique évolue. Elle n’est jamais statique. Elle dépend du contexte qui peut la favoriser ou l’étouffer. Elle est un moyen et comme tel, sujette à un test obligatoire : celui de sa réelle efficacité par rapport aux objectifs qu’elle veut atteindre.

Si elle n’est pas ou n’est plus probante, ou si le but peut être atteint avec d’autres moyens moins pénibles, moins coûteux, ou plus rapides, elle n’a plus assez d’oxygène et s’essouffle. Si malgré tout, elle continue, c’est peut-être qu’elle a changé d’objectif. Un peu comme un outil, un bulldozer commandé pour tracer une route, le projet de route abandonnée, il sera employé à aménager un parking. Mais cela finira par être visible.

Après l’échec de ses tractations avec le gouvernement Pasqua puis Debré, l’Historique mène une campagne imperturbable de plasticages en série pour essayer de déstabiliser Juppé, afin de faire sauter le verrou. « La fermeture » et reprendre avec lui ou son successeur un nouveau « dialogue ».

Est-ce fiable ? Je ne le pense pas. « L’Historique » va être contraint à tenir la distance, mais aussi à forcer progressivement ou brutalement sa dose de violence. Il faut qu’il atteigne un seuil de basculement. En a-t-il les moyens ?

En supposant même qu’il ait les moyens logistiques et humains, il me semble qu’il n’a pas (et qu’il n’a jamais eu à lui tout seul) les moyens politiques pour atteindre cet objectif, celui de se poser comme interlocuteur principal du pouvoir central.

Il reste le seul aujourd’hui des ex-composantes de la LLN à jouer préférentiellement de cette violence politique. Plus il développe sa démonstration, plus il risque de s’isoler, plus il augmente la quantité d’hostilité à son égard au sein du peuple corse. Et il sera conduit à user de cette violence contre des éléments du peuple corse. D’un attentat contre un Corse et un autre, lentement, mais sûrement, il augmente et durcit les blocs irréductibles contre lui.

Il n’a pas les moyens d’avancer seul et il n’a surtout pas les moyens de « terroriser » chaque élément du peuple corse au point de les contraindre de le suivre en silence. La violence politique au mieux est un fait de « résistance », limité dans le temps, incapable à elle toute seule de renverser le cours de l’Histoire coloniale. En Corse, elle semble vouée à l’usure du temps et, à l’isolement. Donc à l’inefficacité à terme. Elle s’affaiblit d’autant plus qu’elle s’en prend à des Corses.

Peut-on la cantonner contre le seul État ? difficile, impossible même. Et même si c’était possible, il faudrait beaucoup de conditions pour qu’elle parvienne à le faire réellement à le faire réellement souffrir. Le pouvoir est loin et bien protégé. Sur place, les symboles de l’État ne sont que des symboles.

Les relais de l’État vont être visés, les « traitres » locaux, les Corses, c’est là la plus grande impasse.

Le passage de l’acte contre des biens à l’acte contre des personnes va s’imposer dans la logique de la violence d’une clandestinité armée et à volonté de dominance. Le passage à l’acte sur les personnes va attiser les inimitiés, puis les victimes en nombre suffisant finiront par justifier, légitimer une répression plus efficace, hors des garanties légales, car il sera admis alors que la répression devra être elle-même véritablement efficace…

Que faire ?

Il faut cesser de croire à la violence comme panacée, comprendre que la force politique importe plus que la force tout court, et que rien ne sert plus à épiloguer sur le rôle qu’elle a pu jouer, mais admettre qu’aujourd’hui, elle est un empêchement évident à toute cohérence politique pour l’avènement d’une force politique à la hauteur historique d’un peuple qui n’est pas à libérer, mais qui doit se libérer. Il ne peut pas signer de procuration, encore moins à la violence politique. •